Adidas contre Puma: cette guerre secrète qui déchire une petite ville de Bavière

Publié le 06/06/2016 à 16:44

Adidas contre Puma: cette guerre secrète qui déchire une petite ville de Bavière

Publié le 06/06/2016 à 16:44

Par AFP

A Herzogenaurach, coquette bourgade de Bavière, Helmut Fischer détaille «automatiquement» les pieds de quiconque avant de le saluer. Puma ou Adidas ? Les deux équipementiers sportifs sont nés ici, fruits d'une rivalité fratricide qui vaut encore au lieu son surnom de «ville des regards baissés».

La faute aux frères Dassler. Pionniers de toute une industrie, ils ont élevé Herzogenaurach et ses 25.000 âmes au rang de capitale mondiale de la chaussure de sport, et lui ont légué leurs rancoeurs familiales.

A 67 ans, M. Fischer affiche fièrement son allégeance: plusieurs empreintes de cougar tatouées ornent ses mollets et son dos.

Ce vétéran, 38 ans de carrière chez Puma, n'encouragera pas l'Allemagne pendant l'Euro. Il dédaigne par principe le maillot de la Mannschaft, griffé Adidas: «Je ne regarde aucun de leurs matches, sauf lorsqu'ils affrontent une équipe Puma».

Une position radicale, vestige d'une époque où chacun portait ses baskets en étendard: Adidas sur la rive sud de l'Aurach, rivière qui traverse la ville, Puma au nord.

Les hypothèses sur le schisme entre Dasslers abondent: jalousie de l'aîné Rudolf, envoyé au front par les Nazis pendant que son cadet Adolf restait gérer l'affaire familiale, rôle des épouses, liaisons extra-conjugales...

Mais «le secret ne sera jamais percé», résume Jörg Dassler, directeur d'une entreprise d'événementiel et petit-fils de Rudolf, fondateur de Puma.

'Adi' Dassler

Quand la fabrique de chaussures Gebrüder Dassler ("Dassler Frères") implose en 1948, Rudolf part avec 13 salariés. Adolf conserve une quarantaine d'employés et les machines, et mélange son surnom «Adi» et son patronyme pour lancer Adidas.

La suite est jalonnée de trahisons et coups bas. Aux JO de Mexico en 1968, Adidas fait bloquer à la douane les chaussures Puma. En 1970, Puma enrôle Pelé, rompant le pacte de non-agression entre Dasslers: personne ne devait toucher au Brésilien, jugé trop cher.

«La querelle de famille s'est étendue à tous les employés», constate Jörg Dassler, qui n'a croisé son grand-oncle Adolf qu'une seule fois, sans lui avoir jamais parlé.

Dans les années 60 et 70, les salariés «pumeraner» et leurs rivaux, les «adidassler», «ne s'asseyaient pas à la même table dans les bars», se remémore Georg Hetzler, retraité de 85 ans qui avait fait sécession à l'époque avec Rudolf.

«Lorsque j'ai débuté chez Adidas il y a 30 ans, prononcer le nom de Puma était interdit, on parlait toujours du concurrent de l'autre côté de l'Aurach», raconte à l'AFP Herbert Hainer, actuel patron du géant aux trois bandes.

«Mais tout cela c'est fini», assure-t-il.

Sur la place du marché, la boulangerie centenaire Römmelt a opté pour la neutralité. «Mes parents avaient toujours une paire de chaque dans la voiture, pour qu'on les laisse entrer» quand ils livraient l'un ou l'autre, sourit Klaus Römmelt, 53 ans.

Depuis le début des années 1990, on ne compte plus aucun Dassler aux commandes des deux groupes. Cotés en Bourse, Adidas et Puma attirent des employés du monde entier, peu enclins aux querelles de clocher. L'écrasant numéro un mondial Nike a aussi rendu ces chamailleries futiles, avec son chiffre d'affaires d'environ 27 milliards d'euros. Adidas en pèse 17, Puma à peine plus de trois.

Paix en trompe-l'oeil

Les frères ennemis ont officiellement enterré la hache de guerre en 2009, avec un match de football entre deux équipes mixtes, mêlant employés d'Adidas et de Puma. Bjørn Gulden, le patron norvégien du cougar - passé par Adidas -, le jure à la presse allemande : les deux groupes cultivent une «saine rivalité».

Mais les imbroglios persistent. Adidas s'est récemment opposé au permis de construire de l'extension du siège de Puma auprès de la mairie.

Surtout, les deux équipementiers s'accusent mutuellement devant la justice de plagiat. Leurs nouvelles baskets, «Boost» chez Adidas et «NRGY» chez Puma, se ressemblent étrangement avec leur semelle en eTPU, un composant granulé amortissant. Puma avait commencé à développer la technologie avec le chimiste BASF, mais celui-ci a arrêté la collaboration pour travailler avec... Adidas.

Puma assure avoir «tout fait» pour un accord à l'amiable, en vain. «L'histoire se répète», plaisante Neil Harriman, le directeur juridique du cougar, un peu lassé.

Puma revendique avoir été le premier à introduire des crampons vissés sur un terrain. Mais c'est grâce à ceux d'Adidas que l'équipe allemande de foot est devenue championne du monde en 1954, en battant la Hongrie favorite. Depuis, la Mannschaft arbore les trois bandes.

Herzogenaurach pour sa part compte encore deux clubs de foot: l'ASV soutenu par Adidas et le FC qui porte Puma. Depuis 2014, les plus jeunes s'entraînent sous le même maillot. «Cela aurait été impensable il y a 40 ans», s'amuse le maire German Hacker.

Alors à quand une fusion des deux clubs? «On en est loin, les schémas familiaux sont encore trop ancrés dans les têtes», reconnaît-il.

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