Concessionnaires à vendre


Édition du 10 Décembre 2016

Concessionnaires à vendre


Édition du 10 Décembre 2016

Par Claudine Hébert

Denis Leclerc, propriétaire du groupe Albi Le Géant, compte multiplier les acquisitions tant qu’il ne détiendra pas une concession pour chaque enseigne présente au Québec. [Photo : Ferland Photo]

Albi Le Géant, Groupe Beaucage, Groupe Park Avenue, Groupe Gabriel... Plus de 60 % des 860 concessionnaires de véhicules neufs du Québec appartiennent maintenant à des groupes. Et au rythme où vont les transactions, cette tendance au regroupement est loin de vouloir s'estomper.

«Au cours des deux dernières années, notre réseau de concessionnaires au Québec a fait l'objet d'au moins 100 transactions entre propriétaires. C'est du jamais vu pour notre industrie», soutient Jacques Béchard, pdg de la Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec (CCAQ).

Au total, 151 entreprises détiennent maintenant au moins deux concessions. Et 70 d'entre elles en possèdent au moins trois. En d'autres termes, il n'y a plus que 322 concessionnaires uniques au Québec. Un nombre qui fond comme neige au soleil.

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Une tendance américaine

Bien enracinée chez nos voisins du Sud, cette tendance au regroupement a tardé à prendre son envol de ce côté-ci de la frontière. «Les divisions canadiennes des constructeurs automobiles nous en empêchaient. C'était une loi non écrite», indique Denis Leclerc, propriétaire du groupe Albi Le Géant.

Avec 21 adresses pour voitures neuves et 5 pour voitures d'occasion, ce groupe occupe le deuxième rang du tableau des plus importants concessionnaires du Québec, élaboré par Les Affaires selon les données fournies par la CCAQ. D'autres transactions sont à surveiller au cours des prochaines semaines, avance M. Leclerc. Ce dernier compte multiplier les acquisitions tant qu'il ne détiendra pas une concession pour chaque enseigne présente au Québec.

Il a fallu attendre au milieu des années 1980 pour assister aux premiers regroupements en sol québécois. De plus, les concessionnaires devaient user d'un subterfuge afin de ne pas déplaire aux constructeurs. Pour acheter une deuxième concession sans que le constructeur le sache, les concessionnaires enregistraient la transaction au nom de leur épouse, se rappelle Michel Crépault, éditeur du magazine Auto Media.

Les constructeurs privilégiaient la formule de la concession unique afin de favoriser une plus grande proximité entre le propriétaire et sa clientèle. Une attitude que l'on sent encore de la part des constructeurs de voitures de luxe, soutient M. Béchard.

Au fil des ans, l'augmentation des coûts d'exploitation a toutefois incité les concessionnaires canadiens à réclamer, eux aussi, le droit de détenir plus d'une concession, explique Daniel Beaucage, qui possède 18 concessions de voitures neuves et trois de voitures usagées en Estrie, Montérégie et dans le Centre-du-Québec.

Une concurrence venue de l'extérieur

Trois entreprises canadiennes, dont deux qui portent chacune le nom de Groupe Dilawri, ont d'ailleurs déjà commencé à s'intéresser au marché des concessions automobiles du Québec. Ils en détiennent déjà plus d'une douzaine, principalement dans la région montréalaise et l'Outaouais.

AutoCanada, qui est inscrite en Bourse, a lancé le bal au printemps 2014 par l'acquisition de BMW Canbec et Mini Mont-Royal. «Cette transaction a servi de bougie d'allumage, croit Denis Leclerc. Bien que les regroupements aient commencé à prendre forme à la fin des années 1980, cette transaction a incité les concessionnaires du Québec à vouloir devancer la concurrence extérieure. C'est ce qui explique le nombre élevé de transactions depuis deux ans.» Certains observateurs de l'industrie sont convaincus qu'un groupe américain achètera une concession automobile du Québec d'ici un à deux ans.

La plus récente des transactions impliquant une entreprise canadienne a été la vente des concessions Audi et Volkswagen de la famille Niquet à l'un des deux groupes Dilawri, en octobre.

Valeur augmentée

Cette course aux transactions fait évidemment augmenter la valeur des concessions uniques. De combien ? «Ça peut aisément varier de deux à neuf fois le bénéfice avant impôts selon les marques de voiture. C'est dans les voitures de luxe que la valeur des concessions est la plus élevée», précise Norman Hébert, propriétaire du Groupe Park Avenue.

Ce propriétaire de 13 concessions de Montréal et de la Montérégie parle en connaissance de cause. Il vient de débourser 100 millions de dollars pour acquérir le plus important concessionnaire Mercedes-Benz du Québec, la succursale Silver Star, à Montréal, en mars dernier. Moins de 20 % de ce montant couvre les frais du bâtiment et du terrain...

«La plupart des points de vente de concessions automobiles ont été accordés sur le territoire québécois. Pour croître, un groupe automobile n'a donc pas le choix de composer avec la valeur élevée liée à l'achalandage», souligne M. Hébert.

Des avantages pour les concessionnaires

Trois raisons expliquent en grande partie la forte tendance au regroupement.

D'abord, les coûts d'exploitation, qui sont de 10 à 15 fois plus élevés qu'il y a 20 ans, soutient Daniel Beaucage, président de Groupe Beaucage. Terrain, bâtiment, parc d'automobiles, assurances, les concessionnaires doivent allonger 6 ou 7, voire plus de 10 M$ pour exploiter une concession de marques populaires. Il faut compter le double pour les voitures de luxe.

«Chez nous, la formule se traduit par d'importantes économies sur l'achat des pièces, le coût des assurances, y compris le taux de financement que l'on peut négocier à la baisse auprès des institutions bancaires pour le maintien de nos parcs d'automobiles», indique Luc Verreault, propriétaire du Groupe Maison de l'Auto, au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Ensuite, le facteur du manque de relève. À ce propos, la situation ne s'annonce pas facile pour les acheteurs intéressés, notamment en raison de la montée en flèche de la valeur des concessions. À la CCAQ, Jacques Béchard dit recevoir au moins une dizaine d'appels par année de concessionnaires déchirés entre deux décisions. «Ils me demandent s'ils doivent transférer à leurs enfants qui veulent prendre la relève ou accepter l'offre imbattable que vient de leur soumettre un groupe. À tous, je réponds la même chose : ramassez la manne pendant qu'elle passe !»

Enfin, le recrutement et la rétention des employés. «En cumulant les concessions, l'entreprise peut embaucher du personnel de soutien encore plus qualifié que ce qu'un concessionnaire unique peut s'offrir», souligne Daniel Beaucage.

Ainsi, son groupe, qui emploie plus de 500 personnes, a un service de supervision des équipes techniques, un service de marketing, un service des ressources humaines et surtout un bureau administratif avec un service de la paie centralisé.

Du coup, les regroupements de concessions favorisent l'avancement du personnel. Une formule qui permet de conserver les employés clés.

Un atout à la croissance

«Les groupes qui réussissent leur croissance sont ceux qui privilégient une expansion dans un carré de sable délimité», souligne l'éditeur, Michel Crépault.

À l'exception du Groupe Couture, dont les 11 concessions sont situées entre autres dans Chaudière-Appalaches, au Saguenay et sur l'île de Montréal, les entreprises ont tendance à privilégier un territoire. Groupe Gabriel, numéro un de notre classement, détient 24 concessions de voitures neuves essentiellement sur l'île de Montréal.

Les concessions d'Albi Le Géant sont concentrées dans les régions de Laval, des Laurentides et de Lanaudière. «Cette stratégie permet de bien connaître son monde, son personnel et de mettre sur pied des équipes qui peuvent facilement se déplacer d'une concession à l'autre», dit Luc Verreault.

Le propriétaire du Groupe Maison de l'Auto favorise une formule d'associés avec ses différents directeurs à qui il vend des parts. Une pratique qui permet de maintenir et de renforcer les liens entre la direction des concessions et la clientèle. Même chose au Groupe Beaucage et au Groupe Couture, où les directeurs peuvent acquérir des parts de la concession qu'ils dirigent.

Et le consommateur dans tout ça ?

De l'avis des concessionnaires en pleine expansion, le consommateur gagne au change. Plus le groupe est important, plus les prix sont bas. Comme c'est le cas dans une quincaillerie grande surface, comparent plusieurs. Difficile toutefois de se prononcer sur l'aspect du service après-vente. Même l'Association pour la protection des automobilistes n'a pas encore étudié le phénomène. Il faudra donc attendre quelques années pour voir si ces regroupements servent bien les clients ou non. 

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Les concessionnaires les plus importants du Québec

La tendance est au regroupement chez les concessionnaires automobiles. Cliquez ici pour consulter le tableau des plus importants groupes établi selon le nombre de concessions (et non d'enseignes). Source : Les Affaires/Corporation des concessionnaires d'automobiles du Québec (CCAQ). 

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