À la recherche du consommateur léger


Édition du 14 Octobre 2017

À la recherche du consommateur léger


Édition du 14 Octobre 2017

Cinq ans seulement après sa création, la nouvelle marque d'Aliments Ultima, Iögo, détient près de 20 % du marché au Québec et s'apprête à entrer en Asie. Comment cette nouvelle pousse a-t-elle réussi à ébranler l'univers jusque-là bien tranquille de l'industrie du yogourt au Canada et comment entend-elle continuer de le faire ?

Fin août 2017, la coopérative québécoise Agropur rachetait les parts de sa coactionnaire Agrifoods (50 %) pour devenir l'unique propriétaire d'Aliments Ultima. Une transaction qui permet au seul transformateur de yogourt détenu par des intérêts canadiens de prendre le contrôle de ses grandes ambitions de croissance.

En seulement cinq ans, l'entreprise a fait bien du chemin. En 2012, après l'achat de Yoplait par General Mills, l'américaine menace de retirer à Ultima sa licence de fabrication de Yoplait pour le Canada afin de la consolider ailleurs dans son réseau. Plus de 300 emplois sont en jeu à l'usine de Granby. La confiscation n'aura pas lieu, du moins pas avant 2023. Mais plutôt que d'attendre la prochaine date d'expiration de la licence, Aliments Ultima fait le pari fou de lancer sa propre marque, Iögo, et de concurrencer des géants mondiaux comme Danone et Yoplait. L'objectif : se tailler une part dans le marché canadien du yogourt, qui représente 1,7 milliard de dollars par année.

Ce saut dans le vide s'avérera un succès, reconnaît JoAnne Labrecque, spécialiste en distribution alimentaire à HEC Montréal. Selon les dernières données de Nielsen, Ultima détient maintenant 19 % des parts de marché au Québec et quelque 15 % de celles du Canada. Et surtout, Iögo est connue de 87 % des consommateurs de yogourt au Québec.

Aujourd'hui, les trois grands transformateurs, Danone, Parmalat et Aliments Ultima, se partagent ainsi une part de marché combinée d'environ 73,5 %, selon Statistique Canada. La différence est répartie entre une kyrielle de marques privées (Irrésistibles de Metro, Le Choix du président de Loblaws, etc.), ainsi que des marques régionales ou produites par de plus petits acteurs, comme Laiterie Chalifoux, avec sa marque Riviera.

Aller chercher le consommateur... là où il n'est pas

«Lancer une toute nouvelle marque était une chose, reconnaît d'emblée le président d'Aliments Ultima, Martin Parent, en entrevue avec Les Affaires. Assurer son succès, en obtenant l'adhésion des consommateurs, en était une autre. Maintenant, poursuit-il, nous devons nous rallier à un nouvel objectif : celui d'assurer la poursuite de notre croissance à long terme.»

Son prochain objectif : atteindre une part totale de 20 % du marché canadien en 2020. Pour ce faire, le premier fabricant de yogourt du Québec a choisi de passer par l'innovation, l'accélération de la distribution dans les provinces de l'Ouest canadien et l'exploration de nouveaux marchés, à commencer par l'Asie. Surtout, étrangement, il s'adresse au consommateur timide, encore presque réfractaire au yogourt. En effet, plus de la moitié des ventes de yogourt au Canada sont attribuables aux achats d'une minorité (20 % des clients) que l'on considère comme de grands consommateurs, explique M. Parent. Ces clients constituent rien de moins qu'une mine d'or pour les transformateurs de produits laitiers.

Par exemple, selon Nielsen, la consommation de ces amoureux du yogourt atteint une moyenne de 16 portions (de 100 g) tous les 11 jours, ou quelque 48 portions par mois (35 jours). Cependant, bien qu'ils soient payants puisqu'ils sont déjà accros du produit, ces consommateurs ont leurs habitudes, et leur conversion vers une autre marque s'avère difficile et coûteuse, explique M. Parent.

Plutôt que de risquer d'y laisser sa chemise, Aliments Ultima a contre toute attente décidé de se détourner de cette cible et de viser plutôt l'autre segment de la population, les consommateurs dits «légers». Cette catégorie regroupe 80 % des consommateurs de yogourt au Canada. La consommation moyenne de ce groupe ne se compare en rien à celle des grands consommateurs. Elle se limite, selon Nielsen, à moins d'une portion (100 g) de yogourt tous les trois jours, ou à une moyenne de 11 portions par mois (35 jours). C'est quatre fois moins que les 48 portions mensuelles du consommateur déjà vendu aux vertus du yogourt que chacun cherche à courtiser.

Le patron d'Ultima croit pourtant dur comme fer que c'est en s'attaquant au segment des consommateurs légers, qu'il préfère qualifier de «mal desservis», que viendra la croissance d'Ultima à plus long terme. Comment ? En surmontant les barrières à la consommation de ces personnes et en créant pour elles de nouvelles occasions de consommation. Avec un peu de chance, Ultima croit ainsi parvenir à augmenter la fréquence d'achat des consommateurs légers, et, ce faisant, les bénéfices d'Agropur.

Même si elle semble compliquée de prime abord, la stratégie pourrait s'avérer payante. En parvenant à augmenter d'une portion de yogourt par mois la consommation de 9,5 millions de consommateurs légers, Ultima estime pouvoir accroître la consommation canadienne annuelle de plus de 11 millions de kilos de yogourt. Or, à elle seule, cette simple croissance représenterait une hausse des ventes de 57 millions de dollars pour Ultima, ou 20 % du chiffre d'affaires de 300 M $ que la société affirme aujourd'hui tirer de ses activités.

Cette croissance est-elle réaliste ? Oui, répond la direction d'Ultima, en s'appuyant sur deux motifs : la consommation de yogourt a crû de plus de 43 % au Canada ces 10 dernières années ; et, tandis que les Canadiens consomment aujourd'hui 11 litres de yogourt par habitant chaque année en moyenne, les Français en consomment trois fois plus (35 litres).

Gonflée à bloc, Ultima soutient qu'entre 2014 et 2016, la consommation de produits de la marque Iögo a crû de 29 %, et celle de produits de la marque Olympic, de 32 %. Cette croissance serait si importante qu'on n'hésite pas à prétendre, au siège de l'entreprise, que la croissance de 7 % de la consommation de yogourt pendant cette période au Canada serait en grande partie attribuable à son propre dynamisme des dernières années.

Innover en priorité

Selon Ultima, c'est par sa capacité d'innover qu'elle parviendra à accroître son bassin de consommateurs. Innovation dans les recettes, innovation dans le packaging, innovation aussi dans la mise en marché.

«Nous voulons devenir la collation santé de premier choix pour les enfants au retour de l'école, faciliter la vie de tous les Canadiens, enfants comme adultes, qui cherchent à bien se nourrir sans pour autant devoir se casser la tête», dit le président.

De l'approche sont déjà nés la gamme de yogourts Iögo Nanö avec bouchon spécialement conçu pour qu'un enfant puisse le dévisser dans la voiture sans s'éclabousser, les yogourts en format pochette de 750 g, 975 g et 2 kg, les yogourts à boire pour adultes Iögo Protéines et les Smoothies Iögo aux saveurs nouvelles de chou frisé, épinard, kiwi, mangue et ananas.

«La concurrence est immense dans ce secteur et la loyauté des clients y est rare, soutient Sylvain Charlebois, spécialiste en politique agroalimentaire à l'Université de Dalhousie. Afin de se démarquer, il faut investir beaucoup d'argent dans le marketing et avoir un souci constant d'innovation.»

Perturber l'industrie

Par les temps qui courent, Iögo propose des formats d'emballage de 24 pots de 100 mg au prix du format familial habituel de 16 pots offert par la concurrence. Ce n'est là qu'un exemple de tactique perturbatrice qui force la concurrence à s'ajuster et qui permet à Iögo de gagner, un pot à la fois, des parts de marché.

Et ce n'est pas fini, prévient Martin Parent, qui est déterminé à se tailler une place toujours plus grande dans l'industrie en croissance du snacking, à faciliter la vie des consommateurs en leur permettant notamment de consommer leur yogourt d'une seule main plutôt que de deux, comme une barre tendre ou un yogourt à boire.

Actuellement, le yogourt est encore principalement consommé à la cuillère (91,5 %). Cependant, le yogourt à boire est une tendance en forte croissance, selon toutes les études sur le sujet. Nielsen évalue qu'il compte pour 14,7 % du volume consommé au pays.

Ultima refuse de se montrer spécifique sur les sommes qu'elle consacre annuellement à ses activités de recherche et développement. Tout au plus, elle dévoilera qu'elle a consacré 12 M $ en 2016 à ses activités d'innovation, vaste bassin dans lequel est compris la R-D, le marketing et la mise en marché de nouveaux produits.

N'empêche, son président n'hésite pas à parler de l'innovation comme d'une priorité et à soutenir que si ce poste de dépense n'est plus ce qu'il était il y a cinq ans lors de la création de la marque Iögo, son budget a tout de même crû de 25 % par rapport à ce qu'il était il y a deux ans.

Avec une trentaine d'employés, des professionnels oeuvrant autant à la confection de recettes qu'au choix des ingrédients, à l'approvisionnement et à l'emballage, le service de R-D d'Aliments Ultima est considéré comme parmi les plus importants du secteur agroalimentaire au Canada.

Ultima a développé de nouveaux produits pour séduire les consommateurs légers dont le Iögo Nanö avec bouchon spécialement conçu pour qu’un enfant puisse le dévisser sans s’éclabousser, les yogourts à boire pour adultes Iögo Protéines et les Smoothies Iögo

Aliments ­Ultima en bref

Propriétaire : Agropur

614 employés, dont 337 à son usine de ­Granby

Deux marques : ­Iögo et ­Olympic

Licence de fabrication : les yogourts ­Yoplait au ­Canada

Ventes de plus de 300 M$

Deux usines : à ­Granby, au ­Québec, et à ­Delta, en ­Colombie-Britannique

Siège social : ­Saint-Hubert

Source : ­Aliments ­Ultima

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