L'industrie aérospatiale vit sur ses carnets de commandes

Publié le 09/10/2008 à 00:00

L'industrie aérospatiale vit sur ses carnets de commandes

Publié le 09/10/2008 à 00:00

"C'est la même chose dans les bureaux de direction de Boeing, d'Airbus, de Bombardier... Dans l'immédiat, la plupart devraient s'en tirer. Mais si cette crise devait durer, ça pourrait se gâter", ajoute-t-il.

Cette prévision vaut également pour le Québec. Aussi solide qu'elle soit, l'industrie aérospatiale de la province ne pourra passer échapper à la crise financière qui secoue les États-Unis, et par ricochet la planète entière.

Pour l'heure, l'industrie résiste bien, confirme Jacques Saada, président de l'Association québécoise de l'aérospatiale (AQA). "Je ne perçois pas d'inquiétudes à outrance, mais disons qu'on suit attentivement ce qui se passe."

En effet, grâce à des carnets de commandes remplis, les entreprises d'ici peuvent encaisser le coup encore quelque temps. Elles livrent aujourd'hui des pièces ou des appareils commandés il y a deux, trois, voire quatre ans.

C'est particulièrement vrai dans l'aviation d'affaires, où un appareil commandé aujourd'hui sera livré après 2012, souligne Jean-Daniel Hamelin, porte-parole de Pratt & Whitney Canada.

Le carnet de commandes peut servir à amortir le choc. À l'échelle mondiale, Research Capital estime à plus de 8 000 le nombre d'appareils à livrer par les principaux avionneurs. Le carnet de commandes de Bombardier est estimé à 26,1 milliards de dollars américains.

Des clients plus prudents

Cela dit, Jean-Pierre Mortreux, président et chef de la direction de CMC Électronique, encourage les entreprises à se préparer à un sérieux ralentissement. "Prétendre qu'il n'y aura pas de répercussions serait irresponsable. On n'est jamais complètement à l'abri", dit celui qui est également président sortant de l'Association des industries aérospatiales du Canada (AIAC).

Car malgré des carnets de commande bien garnis, les avionneurs seront à la merci de clients réclamant des reports de livraison, faute de pouvoir payer.

M. Mortreux est d'avis qu'il faudra attendre "six mois, une an ou plus encore" avant que le plein impact de la crise actuelle se fasse sentir sur la production. "Mais déjà, dit-il, on perçoit plus de retenue des clients qui commencent à connaître des difficultés à boucler leur financement." En septembre, l'industrie a enregistré 24 commandes d'appareils, contre 185 un an plus tôt.

Des annulations et reports

Les faillites encore récentes de Skybus et d'ATA ont déjà entraîné l'annulation de 110 commandes d'avions. D'autres entreprises ont subitement révisé leur position, comme Kingfisher, qui a annulé la commande de 52 appareils A320, et United Airways, qui prévoit annuler 42 commandes d'avions du même modèle.

Southwest a réclamé un report de livraison de 25 Boeing 737, JetBlue, le report de 21 Airbus A320, et Frontier Airlines, sous la protection de la loi américaine sur la faillite, le report de 6 A329.

"Les possibilités de mises à pied temporaires sont réelles, mais aucune entreprise ne nous a informé de sa décision d'arrêter les embauches", affirme Serge Tremblay, directeur général du CAMAQ, le Comité sectoriel de main-d'oeuvre en aérospatiale.

Le resserrement du crédit pourrait aussi remettre en question des projets importants; le lancement de la CSeries, notamment, dont la production doit créer 3 500 emplois d'ici 2017 au Québec. Bombardier nie toutefois cette éventualité.

Sauvées par la R-D

Heureusement plus diversifiée que par le passé, l'industrie aérospatiale québécoise ne dépend plus que de Bombardier.

Le secteur de l'industrie de la maintenance et de la remise à niveau d'appareils, qui représente environ 20 % de l'industrie québécoise, est relativement à l'abri de la tourmente. Il en va de même pour les sous-traitants de l'industrie militaire, qui représentent le même pourcentage.

Les fabricants d'hélicoptères semblent plus confiants encore. Chez Bell Helicopter Textron, à Mirabel, la majorité des commandes sont liées à l'exploration et à l'exploitation des ressources naturelles, aux services médicaux d'urgence et aux forces policières, à l'abri du ralentissement, dit Michel Legault, directeur principal, développement.

Des équipementiers québécois comme CAE et Héroux-Devtek semblent également en bonne posture pour faire face à un revers de conjoncture, croit Jacques Kavafian, analyste chez Research Capital.

"Le risque est que les entreprises en manque de liquidités réduisent leurs activités de recherche", affirme Jacques Saada, de l'AQA. Cette décision aurait des conséquences importantes, tant sur l'emploi que sur l'innovation. "Et si on se mettait à manquer d'innovation, poursuit-il, on se priverait du meilleur outil dont nous disposons pour sortir indemne de la tourmente. Ce serait dangereux."

Le scénario du pire ne peut être exclu, admet M. Tremblay, du CAMAQ, qui relativise toutefois l'impact possible de cette crise. Au pire de celle qui a suivi les attentats de septembre 2001, l'industrie a perdu "au maximum 10 % de sa main-d'oeuvre", rappelle-t-il.

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