Dans les coulisses de la négociation de l'accord de libre-échange avec l'Europe


Édition du 21 Décembre 2013

Dans les coulisses de la négociation de l'accord de libre-échange avec l'Europe


Édition du 21 Décembre 2013

Par François Normand

Fuites orchestrées dans les médias canadiens, alliances transatlantiques inusitées, intense lobby auprès des gouvernements, manque de transparence... Les négociations qui ont mené à la signature de l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne n'ont pas été de tout repos. Incursion dans les coulisses de ces pourparlers historiques.

Bruxelles, vendredi 18 octobre 2013. Le premier ministre Stephen Harper et le président de la Commission européenne José Manuel Barroso échangent une poignée de main ferme, tout sourire, sous une avalanche de flashs d'appareils photos. Le moment est historique : Ottawa et Bruxelles viennent de signer un accord de libre-échange. Une entente qui aura toutefois été très difficile à négocier, disent plusieurs sources engagées de près ou de loin dans ces discussions.

Lancés en 2009, les pourparlers n'ont pas commencé sur les chapeaux de roue. Au Canada, les provinces - qui participaient pour la première fois à des négociations de libre-échange, à la demande de l'UE - n'avaient pas toutes le même intérêt pour ces discussions, préférant souvent laisser l'initiative à Ottawa. «Au début, ça a été difficile pour les petites et les grandes provinces de se coordonner», confie une source de l'industrie qui a participé à des breffages techniques.

Par exemple, l'Île-du-Prince-Édouard - dont la population est inférieure à celle de Longueuil - n'avait ni les ressources ni le leadership du Québec lors des échanges avec Ottawa. Selon cette source, le négociateur en chef du Québec, Pierre Marc Johnson, était très influent et jouait un rôle de rassembleur. «C'est un gars extrêmement compétent, d'une grande finesse pour manoeuvrer. Peut-être trop parfois, car il était difficile à décoder !»

La SAQ à Bruxelles pour défendre son modèle

Mais une fois sur la même longueur d'onde, les provinces ont travaillé main dans la main sur des enjeux clés, comme le maintien du monopole de la distribution d'alcool, «un concept qui agaçait les bureaucrates de Bruxelles, adeptes du libre marché», dit une autre source gouvernementale près des négociations. Des représentants de la Société des alcools du Québec (SAQ) et du Liquor Control Board of Ontario (LCBO) se sont même rendus à Bruxelles pour démystifier ce modèle.

«Nous y sommes effectivement allés. Les fonctionnaires voulaient mieux nous connaître», dit Linda Bouchard, porte-parole de la SAQ. La société d'État aurait aussi bénéficié du lobbying exercé par des exportateurs de vins français au Québec sur des fonctionnaires à Bruxelles pour les convaincre d'accepter le maintien intégral des monopoles dans les provinces, selon nos informations. Bref, ces grands acteurs trouvaient leur compte dans le système actuel.

Culture : Québec a dû tordre le bras de Paris

Du lobbying, le Québec a dû en faire de son côté pour s'assurer que les États puissent continuer à subventionner leurs industries culturelles - et que ces dernières soient donc exclues de l'accord avec l'UE signé le 18 octobre. «Nous y sommes parvenus en fin de course avec la France qui a porté le dossier auprès des États membres de l'UE, en acceptant de revendiquer la protection au-delà de l'audiovisuel», dit Pierre Marc Johnson dans un entretien avec Les Affaires.

Mais Paris n'a pas toujours été un allié. «Le Québec a été seul dans cette négociation pendant trois ans. Vraiment seul ! Même la France n'était pas à ses côtés», a déploré le négociateur en chef du Québec, lors d'une allocution prononcée à la Délégation générale du Québec à Paris, le 20 novembre.

C'est le lobbying de la Coalition pour la diversité culturelle, un organisme québécois (qui comprend notamment l'ADISQ), et du gouvernement du Québec qui a fait pencher la balance en faveur du Québec. La première ministre Pauline Marois a aussi discuté avec son homologue français Jean-Marc Ayrault. Le poids diplomatique de la France a permis de faire accepter l'exception culturelle aux 27 autres pays de l'UE qui accordaient peu d'importance à ce principe.

Des fuites européennes... dans les médias canadiens

Durant les pourparlers, des points litigieux ont coulé dans les médias d'ici. Des fuites que les négociateurs canadiens ont eu à gérer et qui auraient été orchestrées par l'Union européenne, selon le président d'une association d'affaires canadienne. «L'UE agissait ainsi pour pousser le Canada à prendre position.»

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