ANALYSE - Le troisième plénum du XVIIIe congrès du parti communiste qui s'ouvre cette fin de semaine à Pékin (du 9 au 12 novembre) abordera des enjeux majeurs, et ce, afin que la Chine puisse réformer son économie et son système social à long terme. Un enjeu majeur n'est toutefois pas sur l'écran radar de la plupart des analystes occidentaux: la Chine vieillit trop vite.
Deux facteurs contribuent à cette tendance. Le premier est l'explosion de l'espérance de vie en Chine, qui est passée de 35 ans à 75 ans, depuis 1949. Le deuxième est le taux de fécondité qui s'établit à 1,55 selon la CIA, l'agence du renseignement américain (au Québec, il est de 1,69). Ce taux est inférieur au 2,1 requis pour renouveler les générations.
Selon le démographe chinois Cai Fang, de l'Académie chinoise des sciences sociales, la Chine est passée dans un temps record d'une économie en surplus de main-d'oeuvre à une économie en pénurie de main-d'oeuvre. Oui, oui, vous avez bien lu: la Chine manque désormais de bras, un beau paradoxe dans un pays de 1,3 milliard d'habitants.
En 2011, le bassin de main-d'oeuvre s'est d'ailleurs contracté pour la première fois, et ce, bien des années avant que l'aient prévu la plupart des analystes. Le Japon a vécu la même situation au tournant des années 1990. Ce qui n'est guère de bon augure pour la Chine, lorsque l'on sait que ce phénomène, au Japon, a été suivi par deux décennies de stagnation économique, rappelle l'analyste David Pilling dans le Financial Times de Londres.
Sauf que dans le cas du Japon, le niveau de vie des Japonais représentait à ce moment-là près de 90% de celui des Américains. Or, aujourd'hui, calculé selon la parité du pouvoir d'achat, le PIB par habitant en Chine représente à peine 18% de celui des Américains, 9 300$US comparativement à 50 700$US. Bref, la Chine sera vieille avant d'être riche.
Dans son essai Stumbling Giant: The Threats fo China's Future, Timothy Bearson, fondateur de de la banque d'investissent Crosby Financial Holdings en affaires en Asie de l'Est, affirme que la composition démographique de la Chine est le principal obstacle à sa volonté de devenir riche et puissante. Un phénomène qui risque d'avoir un impact dans quatre domaines.
Le premier est la croissance économique. Pour continuer de croître, la Chine devra miser de plus en plus sur l'innovation, au lieu de miser sur l'ajout de main-d'oeuvre qui se fait de plus en plus rare.
Le deuxième est le vieillissement de la population. En 2030, la Chine comptera 300 millions d'habitants de 65 ans et plus (ce qui est presque l'équivalent de la population des États-Unis), soit trois fois plus qu'aujourd'hui. Or, en ce moment, à peine 1,5% des personnes âgées sont placées dans des résidences pour personnes âgées. Ce qui représente tout un défi dans un pays où les enfants - de moins en moins nombreux - s'occupaient traditionnellement de leurs parents.
Le troisième domaine est le déséquilibre entre les sexes en raison de la politique de l'enfant unique, adoptée en 1979. Actuellement, pour chaque groupe de 100 filles, on compte 120 garçons. Ce qui veut dire que dans les prochaines décennies, des millions d'hommes ne seront pas capables de trouver une compagne. Un déséquilibre qui pourrait créer des tensions sociales, voire des crimes, pensent plusieurs analystes.
Le quatrième est le déclin absolu de la population chinoise. À moyen terme, elle continuera de croître dans les prochaines années, pour atteindre un sommet de 1,4 milliard d'habitants après 2020. Mais en 2100, elle aura fondu de 300 millions d'habitants à 1,1 milliard d'habitants, selon les estimations de l'ONU. Ce qui aura un impact sur le poids économique et politique de la Chine dans le monde.
