Obama dégaine l'arme fiscale contre le trésor de guerre des multinationales

Publié le 02/02/2015 à 17:24

Obama dégaine l'arme fiscale contre le trésor de guerre des multinationales

Publié le 02/02/2015 à 17:24

Par AFP

Barack Obama. (Photo: Bloomberg)

L'administration Obama veut s'attaquer au trésor de guerre amassé par les multinationales américaines à l'étranger en proposant une taxe exceptionnelle de 14% qui a braqué aussi bien les milieux d'affaires que les ONG.

Mesure-choc du budget 2016 présenté lundi, ce prélèvement «exceptionnel» cible une pratique légale mais hautement controversée: la possibilité pour les entreprises américaines de stocker indéfiniment une partie de leurs bénéfices à l'étranger, hors de portée du fisc des États-Unis.

Des grands noms de l'industrie américaine (Apple, Google, Microsoft, General Electric, Pfizer...) se sont engouffrés en masse dans cette brèche pour échapper à l'impôt sur les sociétés aux États-Unis, le plus élevé parmi les pays industrialisés avec un taux de 35%.

Au fil des années, ces grands groupes ont constitué une montagne de cash de quelque 2 100 milliards de dollars, soit à peine moins... que le produit intérieur brut de la France, selon les estimations du cabinet Audit Analytics.

Lorgnant ces milliards de dollars, l'administration Obama propose dans son budget un «deal» en deux parties, qui a toutefois de très maigres chances de voir le jour dans un Congrès dominé par les républicains. 

Dans un premier temps, une taxe «exceptionnelle» de transition de 14% serait prélevée sur l'ensemble de ces fonds qui pourraient alors être rapatriés en toute légalité aux États-Unis.

Les caisses de l'État verraient ainsi arriver 238 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires qui serviraient à financer un plan d'investissement dans les infrastructures (routes, ponts, etc..).

Par la suite, les entreprises devront chaque année payer «au moins» 19% sur leurs bénéfices à l'étranger «au moment où ils sont engrangés» et n'auront donc plus la possibilité de différer le paiement de leurs taxes, selon le projet de budget. 

L’administration cherche ainsi à clore un débat de plus en plus pressant aux États-Unis où certaines entreprises ont été, en outre, accusées d'utiliser ces fonds «offshore» pour racheter des rivales et se domicilier à l'étranger pour échapper définitivement au fisc américain.

Le président Barack Obama avait en septembre fustigé ces transactions baptisées «tax inversion» qui laissaient, selon lui, «la classe moyenne régler l'addition».

Il passe cette fois à la vitesse supérieure en proposant une solution plus pérenne, qui s'accompagne d'un abaissement de l'impôt sur les bénéfices à 28%.

Un précédent en 2004 

Clin d'oeil en direction des classes moyennes, cette taxe «exceptionnelle» n'a pas suscité beaucoup de commentaires côté républicain mais elle a été fraîchement accueillie par les milieux d'affaires.

«Plus de dépenses, plus de taxes, plus de dette», a fustigé dans un communiqué la Chambre de commerce américaine, qui affirme représenter 3 millions d'entreprises.

Le puissant lobby patronal Business Roundtable a, lui, estimé que cette nouvelle mesure allait «porter atteinte à la compétitivité» des entreprises américaines surtout celles «actives à l'échelle mondiale». 

Souvent critique à l'égard de la Maison Blanche, l'organisation lui a toutefois décerné quelques bons points, en «saluant» sa volonté d'abaisser l'impôt sur les sociétés et de favoriser le retour aux États-Unis de fonds stockés à l'étranger.

En 2004, la Maison Blanche alors dirigée par le républicain George W. Bush avait déjà décidé d'inciter les entreprises à rapatrier leurs bénéfices.

L'exécutif américain s'était alors montré plus généreux en exigeant le paiement d'une taxe bien plus faible d'environ 5%. Au total, 312 milliards de dollars avaient alors été rapatriés avec un impact mitigé sur l'activité.

Selon un rapport du Sénat américain de 2011, les entreprises ont ainsi davantage utilisé ces fonds pour récompenser leurs actionnaires (distribution de dividendes, rachats d'actions...) que pour «créer de nouveaux emplois ou pour développer la recherche».

Selon James Henry, de l'organisation Tax Justice Network, la solution proposée par le président Obama n'est certes pas «aussi mauvaise» que celle mise en oeuvre par son prédécesseur mais elle revient tout de même «à contourner» la fiscalité des entreprises.

Egalement critique, l'ONG Citizens for Tax Justice a estimé que cette taxe au rabais allait bénéficier «de manière disproportionnée aux pires fraudeurs» et laisserait de côté des «milliards de dollars» de recettes fiscales qui auraient pu être utilisés pour des «investissements publics cruciaux».

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