Mythes et réalités mexicains

Publié le 09/01/2014 à 15:05

Mythes et réalités mexicains

Publié le 09/01/2014 à 15:05

Par Matthieu Charest

Les Affaires s'est entretenu avec deux experts sur le Mexique. Nous les avons confrontés, séparément, à six questions. Résultats ?, Si certains préjugés largement répandus sur ce pays se confirment, d'autres sont anéantis.

Nom: Christiane Pelchat

Titre: Déléguée générale du Québec à Mexico

Institution: Délégation générale du Québec à Mexico, chapeautée par le ministère des Relations internationales, Francophonie et Commerce extérieur du Québec

Diplômée de la Faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa et de la Faculté de droit de l'Université de Montréal, Christiane Pelchat a notamment été élue députée de la circonscription de Vachon à l'Assemblée nationale (en 1985 et en 1989). Elle a pratiqué le droit chez Fasken Martineau Dumoulin, a présidé le Conseil du statut de la femme du Québec (entre 2006 à 2011) et préside actuellement la Fondation Serge Marcil, qui vient en aide aux enfants du Sénégal et d'Haïti.

 

Nom: Luis Cisneros

Institution: HEC Montréal

Titre: Directeur du parcours entrepreneurial Rémi-Marcoux (fondateur de la société TC Transcontinental, qui détient entre autres Les Affaires), Directeur du Centre Banque Nationale

Professeur agrégé à HEC Montréal, Luis Cisneros enseigne notamment l'entrepreneuriat, la gestion des PME et la gestion des entreprises familiales. Il détient un MBA de l'Université Autonome d'Aguascalientes (Mexique), une maîtrise ès sciences en contrôle et décision de l'Université Paris-Dauphine, ainsi qu’un doctorat en sciences de la gestion de HEC Paris.

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1- Quels sont les secteurs de l'économie mexicaine qui connaissent une forte croissance et qui sont intéressants pour les Québécois?

Christiane Pelchat (C.P.) L'industrie automobile est intéressante en ce sens que nous pouvons exporter des pièces, dans le domaine de la plasturgie notamment (transformation des matières plastiques).

Il y a aussi les logiciels, puisque 90% de ceux qui sont utilisés au Mexique sont des importations.

En outre, le Québec pourrait profiter de son expertise dans le domaine agroalimentaire, alors que la demande est de plus en plus forte pour les aliments santé et des équipements agricoles.

Luis Cisneros (L.C.) Beaucoup d'occasions se présente aux entrepreneurs québécois au Mexique. Il y a beaucoup de potentiel. L'aérospatiale dans l'État du Querétaro, par exemple.

Tout ce qui touche à l'électronique, aux nouvelles technologies et au tourisme également.

2- Est-ce que les relations d'affaires sont très différentes au Mexique? Si on compare avec le reste de l'Amérique du Nord?

C.P. Contrairement au Québec, la société mexicaine est beaucoup plus formelle, plus hiérarchique. Les titres, comme docteur ou maître, sont très utilisés. D'ailleurs, lors de la visite de Pauline Marois en juin dernier, beaucoup de gens ont été surpris de pouvoir l'aborder aussi facilement.

Notre côté latin facilite aussi les relations. Ici, ce n'est pas rare qu'un déjeuner d'affaires dure deux ou trois heures. Il ne faut jamais parler affaires trop directement, ça insulte les gens.

L.C. Pour un Québécois, il faut avoir confiance dans son partenaire d'affaires. Alors que pour un Mexicain, la confiance se bâtit, souvent en discutant de leur vie personnelle avant de parler d'un contrat.

C'est peut-être plus facile pour un Québécois d'établir des relations que pour un Américain ou un Canadien anglais. Nous avons des traits de personnalité latins qui leur ressemblent.

3- Le Mexique connait une forte croissance économique, est-ce que le système d'éducation peut former la main-d’œuvre adéquatement?

C.P. Oui et non. C'est-à-dire que le système d'éducation supérieur est bon, et plusieurs de leurs universités sont très réputées.

Par contre, l'éducation primaire et secondaire représente un gros défi, il y a un problème de qualité à cet égard. Mais le Pacte pour le Mexique du président Peña Nieto prévoit des réformes pour corriger la situation.

Il ne sera notamment plus possible de vendre son poste d'enseignant (ce qui était une pratique courante jusqu'à maintenant). Puis, l'évaluation de la qualité de l'enseignement sera contrôlée par un institut créé à cet effet, et ne sera donc plus laissée au seul SNTE, le Sindicato nacional de trabajadores de la educación, puissant syndicat national des travailleurs du milieu de l'éducation.

L'adoption de ces mesures, bien qu'appuyées par une majorité de Mexicains (59% selon un sondage commandé par le quotidien Reforma), a soulevé l'ire de plusieurs professeurs.

L.C. Le système est très contrasté. Le système privé est très dispendieux, et le système public est débordé. Je dirais que dans les grands centres urbains, l'éducation est excellente, mais dans les villages, c'est catastrophique.

Il faut aussi savoir que chaque année, le système d'éducation mexicain produit un nombre incroyable d'ingénieurs et techniciens spécialisés, environ 100 000!

4- L'idée que le Canada ait bonne réputation à l'étranger est largement répandue, est-ce le cas au Mexique?

C.P. Oui, et le Québec est connu, mais pas assez à mon goût. Nous participons à beaucoup d'évènements, entre autres culturels, ce qui aide à nous faire connaître. Aussi, en mars, le Québec sera l'invité d'honneur du Festival du film de Guadalajara!

L.C. Les Mexicains ont une très bonne image du Canada. Ils nous perçoivent comme étant écolos, gentils et comme un pays qui contribue beaucoup à l'aide humanitaire.

Le problème, c'est que le Canada sous-exploite son image de marque. Et ça, partout en Amérique latine. J'ai déjà fait l'exercice de citer 10 marques d'ici à des Mexicains, et rares sont ceux qui savaient que c'était des produits canadiens...

5- Quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui veut démarrer un projet au Mexique?

C.P. D'abord, communiquer avec la Délégation du Québec à Mexico. Nous avons un service économique pour ça. D'ailleurs, nous sommes établis ici depuis 1980. Nous allons vous aider à identifier vos clients potentiels, vous organiser des rendez-vous et faire le suivi nécessaire. Nous sommes la seule province québécoise avec un bureau permanent au Mexique.

L.C. Peut-être consulter une personne d'origine mexicaine établie au Québec depuis un bon moment pour vous expliquer les différences et les similarités entre les deux.

Bien sûr, les Mexicains n'aiment pas quand on leur sert des clichés sur leur peuple, il faut éviter de généraliser le pays. Certaines villes, comme Puebla ou Monterrey, ressemblent à n'importe quelle autre ville d'Amérique du Nord. Aussi, il ne faut pas parler contre l'Église!

6- Le Mexique est-il aussi violent que ce que les médias rapportent souvent? Est-ce que les entrepreneurs devraient craindre la corruption?

C.P. Il y a effectivement des endroits, surtout dans les États du nord, où on doit éviter de faire des affaires. Toutefois, si on compare la situation sur le terrain avec d'autres grandes villes nord-américaines, je ne remarque pas un niveau de violence particulier.

La corruption n'est pas un obstacle qu'on rencontre souvent, et il faut faire attention avant de parler de corruption chez les autres. Quand on regarde la commission Charbonneau...

L.C. Ça s'améliore, mais il reste du travail à faire. D'ailleurs, une des sources du problème de la violence se trouve ailleurs. Les Américains demandent aux Mexicains de régler ce problème, mais les armes et l'argent liquide proviennent des États-Unis... Sans armes ni argent, les trafiquants seraient inoffensifs. Il faut savoir qu'au Mexique, c'est illégal de porter une arme sans permis, et le permis est très difficile à obtenir.

Quant à la corruption, nous sommes bien mal placés pour en parler…

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