Libre-échange: les multinationales protégées aux dépens des États?

Publié le 18/12/2013 à 07:00

Libre-échange: les multinationales protégées aux dépens des États?

Publié le 18/12/2013 à 07:00

Par AFP

La France ou l'Allemagne poursuivies en justice par des multinationales? L'accord de libre-échange entre Européens et Américains n'est qu'un horizon lointain, mais il pourrait prévoir un mécanisme de protection des investisseurs que certains accusent d'entraver l'action des Etats.

Alors qu'un nouveau round de discussions s'est ouvert lundi à Washington, près de 180 organisations et syndicats ont publié une lettre ouverte dénonçant une possible «atteinte au processus démocratique», créant un système légal «réservé» aux multinationales.

Relayée par des parlementaires européens, cette inquiétude se nourrit de précédents accords de libre-échange, notamment celui conclu entre Etats-Unis, Mexique et Canada (Alena), contenant une clause de protection des investisseurs baptisée "Investor-State Dispute settlement" ou ISDS.

En vertu de cette règle, les entreprises s'estimant entravées par un changement de législation dans un pays où elles ont investi peuvent saisir un tribunal arbitral --juridiction de droit privé-- pour la contester et demander des réparations.

En pleine expansion, ce mécanisme permet aux entreprises d'obtenir réparation notamment en cas d'expropriation et en contournant les tribunaux locaux quand leur impartialité est en doute. Mais ses modalités d'application ont également créé d'importantes controverses.

Cas le plus emblématique, l'Uruguay est poursuivi par Philip Morris pour avoir notamment ordonné d'augmenter la taille des avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes.

Invoquant l'accord Alena, le groupe Lone Pine Ressources pourrait, lui, demander 250M$ au Canada, s'estimant lésé par le moratoire sur l'exploitation du gaz de schiste décidé par le Québec.

Juridictions opaques

Compte tenu du secret entourant les discussions, il est pour l'heure impossible de savoir si une telle clause figurera dans le futur accord transatlantique (TTIP).

Le mandat de négociation confié par les Etats-membres à la Commission n'a pas été rendu public mais, selon des documents internes ayant fuité sur internet, l'accord devrait prévoir un mécanisme de règlement des conflits "dernier cri".

«Cela a soulevé des inquiétudes sur le fait que le TTIP pourrait saper la capacité des gouvernements nationaux à agir dans l'intérêt de leurs citoyens», a récemment averti la House of Commons Library, un organisme indépendant chargé de conseiller le Parlement britannique.

Côté américain, le négociateur Dan Mullaney a été clair: il a assuré mi-novembre «le plus haut niveau de protection» pour les investisseurs et ajouté qu'un mécanisme arbitral devait être envisagé.

Selon un mémo révélé par le site d'information Huffington Post, l'insistance des Etats-Unis à imposer un tel système est par ailleurs un des «principaux obstacles» dans les négociations commerciales menées en parallèle par Washington avec la région Pacifique.

«Les Etats-Unis veulent ce mécanisme parce qu'ils pensent que c'est à sens unique, mais quand quelqu'un engage une action contre eux, ils sont sous le choc», explique à l'AFP Debra Steger, ancienne négociatrice commerciale pour le Canada, tout en relativisant les dangers de ce système.

Expert en droit international à l'Université d'Arizona, David Gantz juge lui aussi les craintes de la société civile un peu exagérées mais pas «dénuées de fondement».

«Vous ne voulez pas que les gouvernements soient dans la position où ils ne peuvent pas améliorer leur santé publique ou leur protection de l'environnement parce que ces mesures vont augmenter les coûts des multinationales», explique-t-il à l'AFP.

Les Etats-Unis ont commencé à prendre ces griefs en compte. Dans une annexe de l'accord commercial signé avec l'Australie, une clause indique que, «sauf rares circonstances», les mesures visant au bien public ne sauraient être considérées comme des "expropriations indirectes".

Contactée par l'AFP, la Commission européenne assure, elle, que le futur accord transatlantique ne «limitera pas le champ d'action des gouvernements» et qu'une entreprise ne saurait être indemnisée si une réglementation "sanitaire ou environnementale" fait chuter ses bénéfices.

Aujourd'hui professeur à l'Université d'Ottawa, Mme Steger assure que la société civile devrait plutôt concentrer son action sur l'opacité des tribunaux arbitraux.

«Bonne chance juste pour savoir ce qui s'y passe! Tout est secret, les jugements ne sont pas publiés», explique-t-elle, ajoutant que les investisseurs recherchent "souvent" cette confidentialité.

Le ministère au Commerce extérieur américain n'a pas souhaité faire de commentaires.

 

 

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