Le potentiel et les risques de jouer le Brésil


Édition du 28 Mai 2016

Le potentiel et les risques de jouer le Brésil


Édition du 28 Mai 2016

Par François Normand

Le Brésil traverse une crise politique majeure. Dilma Rousseff, qui était présidente depuis 2011, a été accusée par le Sénat d’avoir manipulé les comptes publics en 2014 et en 2015. [Photo : Bloomberg]

À moins de trois mois des Jeux olympiques de Rio, le Brésil traverse une crise politique majeure causée par la suspension de la présidente Dilma Rousseff, soupçonnée de maquillages des comptes publics. Malgré tout, le pays demeure attrayant pour les investisseurs canadiens.

C'était prévisible, mais le message est fort : le 12 mai, une majorité de sénateurs brésiliens a voté pour la mise en accusation de la présidente, élue pour la première fois en 2011, puis réélue en 2014. Le Sénat reproche à Dilma Rousseff d'avoir manipulé des comptes publics et dissimulé l'ampleur des déficits en 2014 et 2015.

Sa suspension survient au moment où le Brésil est secoué par le scandale de corruption politique entourant Petrobras (la société d'État productrice de pétrole), et où l'économie du géant sud-américain est en récession.

En 2015, le PIB brésilien s'est contracté de 3,8 %, et il devrait reculer encore de 3,8 % cette année, selon le Fonds monétaire international. La croissance devrait être nulle en 2017. L'inflation s'élève à 9,3 %, par rapport à 1,3 % au Canada.

Les déboires du Brésil tiennent au ralentissement économique de la Chine et à l'effondrement des prix des ressources naturelles, qui a commencé à la fin de 2013.

Malgré la conjoncture, Christine Tan, directrice du placement et gestionnaire du portefeuille du fonds marchés émergents chez Excel Funds, reste optimiste. Selon elle, le long processus de destitution de la présidente Dilma Rousseff, qui a culminé avec sa suspension le 12 mai, est une bonne nouvelle pour les investisseurs. «Le processus de mise en accusation était certainement un événement bienvenu, et il a accéléré la revalorisation du marché brésilien au cours des dernières semaines», dit Mme Tan.

Depuis le début de l'année, l'indice phare de la Bourse brésilienne - l'Ibovespa de la Bourse de Sao Paulo - a bondi de 23 %. Depuis cinq ans, l'indice a toutefois reculé de 15 %.

Allain Joly, spécialiste en management international à HEC Montréal, ne partage pas la vision optimiste de Christine Tan. «La situation peut dégénérer», dit-il, précisant que le gouvernement actuel pourrait souffrir d'une crise de légitimité. Il n'exclut pas une intervention de l'armée, non pas pour renverser la démocratie et instaurer une dictature militaire comme cela a été le cas de 1964 à 1985, mais pour assurer le maintien de l'ordre constitutionnel.

Une stratégie défensive à court terme

À court terme, Christine Tan a une stratégie défensive en ce qui concerne le marché brésilien, car l'économie aura encore besoin d'un certain temps pour redécoller et atteindre le rythme de croissance d'un pays émergent.

Elle investit par exemple dans les sociétés de services publics, notamment un producteur d'énergie hydroélectrique, dont elle préfère taire le nom. Ce secteur est stable, et les hausses importantes de tarifs d'électricité procurent des revenus supérieurs aux producteurs d'énergie.

Toutefois, l'an dernier, ces hausses ont nui à l'industrie en raison de l'incapacité de certains consommateurs de payer leur facture énergétique. Au premier trimestre de 2015, le gouvernement avait augmenté les tarifs de 50 % dans certaines régions. «Ces changements ont eu un impact, mais ce problème est maintenant chose du passé», dit Christine Tan.

La gestionnaire de portefeuille investit également dans le secteur de l'éducation, où des entreprises privées comme Kroton Educacional (Sao Paulo, KROT3) offrent leurs services aux niveaux primaire et secondaire. Elle aime également les entreprises industrielles exportatrices, car le real brésilien a perdu 36 % de sa valeur par rapport au dollar américain depuis deux ans, ce qui rend les exportations brésiliennes plus concurrentielles. Les producteurs de pâtes et papiers sont attrayants. Par exemple, elle aime la papetière Suzano, dont le titre est interlisté aux États-Unis (OTC Markets, SUZBY).

Les secteurs à surveiller

Écorchés par la récession au Brésil, les secteurs bancaire et du détail sont à surveiller, selon la gestionnaire de portefeuille.

Banco Itau (Sao Paulo, ITUB4), un conglomérat qui offre des produits et des services financiers, figure parmi les entreprises ayant du potentiel. Les investisseurs peuvent aussi acheter le titre interlisté aux États-Unis (NY, ITUB)

Depuis un an, l'action a perdu près de 4 % de sa valeur, mais elle a bondi de 25 % depuis le début de 2016. Malgré tout, Christine Tan demeure «prudente» à l'égard du secteur bancaire.

La gestionnaire estime que le secteur du commerce de détail est prometteur, car le pays de 204 millions d'habitants compte une classe moyenne émergente et une population jeune (40 % des citoyens ont 24 ans et moins).

Cependant, pour remettre l'économie sur les rails et stimuler la consommation, des économistes soutiennent que le Brésil doit mener des réformes importantes, notamment l'augmentation de l'âge de la retraite, la réduction des subventions énergétiques, etc.

Cela dit, les espoirs de relance économique à court terme sont minces, selon le magazine Foreign Policy. En effet, la crise politique et l'étendue de la corruption posent tout un défi pour amorcer des réformes structurelles.

Le risque de change est aussi à considérer pour les investisseurs, dit François Barrière, premier vice-président et trésorier à la Banque Laurentienne. Selon lui, l'achat de la brésilienne Kaiser Brewery par Molson en 2002 au coût de 765 M$ US illustre bien ce risque. «Un an plus tard, la devise perdait 30 %», dit-il.

Selon François Barrière, la théorie de la parité des pouvoirs d'achat (PPA) reste un bon indicatif de la direction que peut prendre la devise d'un pays comme le Brésil ou de toute autre économie émergente. Par exemple, si on prévoit une inflation de 2 % au Canada en 2016 et de 10 % au Brésil, il est fort possible que la devise brésilienne perde 8 % de sa valeur durant l'année (10 % - 2 %), estime le financier.

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