"Dans un nouveau marché, il ne faut jamais débarquer en conquérants" - Murielle Cantin, du Cirque du Soleil

Publié le 25/06/2011 à 00:00, mis à jour le 18/10/2013 à 10:47

"Dans un nouveau marché, il ne faut jamais débarquer en conquérants" - Murielle Cantin, du Cirque du Soleil

Publié le 25/06/2011 à 00:00, mis à jour le 18/10/2013 à 10:47

Par Diane Bérard

Entrée au Cirque du Soleil en 1996 à titre de directrice de casting, Murielle Cantin, 61 ans, a recruté des milliers d'artistes provenant de plus de 40 pays. Elle a aussi contribué à faire du Cirque l'une des rares entreprises québécoises vraiment internationale.

Son constat : il ne faut pas débarquer en conquérants.

DIANE BÉRARD - Vous êtes v.p. principale au contenu créatif. Cela fait-il de vous la véritable gardienne de la marque " Cirque du Soleil " ?

MURIELLE CANTIN - Non, c'est le mandat de notre service du marketing. Par contre, je m'assure de l'intégrité et de la qualité de nos produits, les spectacles. Ils doivent respecter les intentions de départ du créateur [intégrité] et offrir à chaque spectateur la même qualité d'expérience, quels que soient le lieu ou le moment de diffusion. Je ne suis donc pas la gardienne de la marque, mais je contribue à la soutenir.

D.B. - Vous présentez 22 spectacles à la fois. Vos créateurs viennent de pays différents, et leurs productions sont présentées à des milliers de kilomètres du siège social. Comment vous assurez-vous qu'elles respectent toutes l'esprit et la façon Cirque du Soleil ?

M.C. - Notre processus créatif est documenté. C'est la carte de visite que nous présentons à chaque nouveau créateur que nous accueillons. On y explique, par exemple, notre technique de fabrication des costumes et notre façon de teindre les tissus qui seront toujours les mêmes, peu importe le spectacle.

D.B. - Avez-vous toujours été aussi rigoureux ?

M.C. - Non. Nous avons longtemps compté sur la tradition orale pour transmettre nos méthodes et nos façons de faire. Mais, la croissance et l'expansion nous ont forcés à tout documenter.

D.B. - Une entreprise doit-elle absolument décentraliser sa gestion lorsqu'elle se mondialise?

M.C. - Pas dans notre cas. Nous travaillons tous d'abord pour le Cirque et ensuite pour un spectacle en particulier. Il est important de garder en tête qu'on ne créera pas des façons de faire différentes selon le marché. Pour assurer la cohésion malgré l'éloignement géographique, nous veillons à ce que tous les chefs d'équipe se rencontrent une fois par année.

D.B. - Le Québec compte très peu d'entreprises vraiment internationales. Le Cirque en est une. Quelle est la première leçon que vous avez apprise ?

M.C. - Quel que soit le nombre de semaines ou de mois que nous passons dans une ville, nous demeurons des visiteurs. Et nous devons nous comporter avec respect, en bons citoyens de la planète. Il faut éviter à tout prix de laisser une empreinte négative derrière nous.

D.B. - Comment cela se traduit-il pour votre personnel ?

M.C. - La plupart de nos artistes sont très jeunes. Ils ont peu d'expérience du monde et de la vie. Nous devons les renseigner sur les us et coutumes des villes où ils se produiront. Nous les mettons en garde contre certains comportements qui pourraient être jugés offensants par la population locale. Mais, surtout, nous leur enseignons à se présenter dans un nouveau marché avec humilité et curiosité. Ils ne doivent jamais débarquer en conquérants.

D.B. - Qu'est-ce que les entreprises sous-estiment le plus lorsqu'elles se lancent à l'assaut des marchés étrangers ?

M.C. - Le fait que ce qui nous touche risque fort de toucher aussi les autres. Peu importe notre âge ou notre lieu de résidence, nous avons quasiment tous gardé notre âme d'enfant devant le merveilleux. J'ai tellement vu d'hommes d'affaires rigides rire aux éclats ou verser une larme durant nos représentations.

D.B. - À l'opposé, que surestime-t-on dans nos démarches de mondialisation ?

M.C. - On croit que notre " américanité " nous ouvrira toutes les portes et que la planète entière est "américanisée ". Par exemple, en tant que femme, je peux vous affirmer que j'ai eu de nombreux ponts à bâtir pour trouver un langage commun avec certains interlocuteurs étrangers. À ce chapitre, il reste d'immenses fossés à combler.

D.B. - Quel est le prochain défi du Cirque ?

M.C. - La diversification. Comment se diversifier sans se répéter ? Je n'ai aucune inquiétude quant à la qualité de nos produits, mais nous devons rester vigilants en ce qui a trait à l'originalité de nos contenus.

D.B. - Reste-t-il de la place pour la croissance ?

M.C. - Nous avons un public captif qui revient constamment. Mais il vieillit. Il faut préparer l'avenir, aller à la rencontre des adolescents. Pour cela, nous devons nous aventurer sur leur territoire, celui de la technologie. Nous cherchons des moyens de tirer davantage profit de l'explosion technologique dans nos spectacles. Sans diluer notre marque ou compromettre son essence, bien sûr. Et puis, il y a toutes ces villes en Inde, en Chine et en Afrique où nous ne sommes jamais allés...

LE CONTEXTE

Le mandat de Murielle Cantin comprend les deux défis les plus importants de toute entreprise : s'assurer d'offrir un produit de qualité constante, lot après lot, et réussir son internationalisation.

SAVIEZ-VOUS QUE...

Après le flop du spectacle Banana Shpeel, à New York, au printemps 2010, le Cirque tente sa chance de nouveau dans ce marché depuis le 9 juin, avec Zarkana.

Suivez Diane Bérard sur...

twitter.com/ diane_berard

www.lesaffaires.com/blogues/diane-berard

diane.berard@transcontinental.ca

À la une

Bourse: Wall Street clôture en ordre dispersé

Mis à jour à 18:12 | lesaffaires.com, AFP et Presse canadienne

REVUE DES MARCHÉS. La Bourse de Toronto a clôturé en légère hausse.

Bourse: les gagnants et les perdants du 18 avril

Mis à jour à 18:32 | LesAffaires.com et La Presse Canadienne

Voici les titres d'entreprises qui ont le plus marqué l'indice S&P/TSX aujourd'hui.

À surveiller: Banque TD, Marché Goodfood et Lion Électrique

Que faire avec les titres de Banque TD, Marché Goodfood et Lion Électrique? Voici quelques recommandations d’analystes.