Faut-il repousser l’âge d'admissibilité aux prestations de retraite?

Publié le 21/04/2017 à 09:30

Faut-il repousser l’âge d'admissibilité aux prestations de retraite?

Publié le 21/04/2017 à 09:30

L’Institut de recherche C.D. Howe propose que le Canada imite le Royaume-Uni et mette en place des mécanismes pour dépolitiser la question de l'âge d'admissibilité aux prestations de retraite.

Le nom de Solange Denis Loranger ne vous dit peut-être pas grand-chose. C’est cette dame qui, en 1985, s’est rendue célèbre en apostrophant Brian Mulroney au sujet des pensions de vieillesse. «Ne touche pas à nos pensions, sinon c’est Good Bye Charly Brown!» avait-elle lancé à l’endroit du premier ministre devant les caméras de télévision.

La scène s’était tenue lors d’une manifestation de personnes âgées. À l’époque, Ottawa voulait désindexer les prestations de retraite. On connait la suite: le gouvernement a cédé à la pression populaire et renoncé à son projet.

La question des pensions de retraite est politiquement délicate. D’un côté, elle concerne une large partie (et grandissante) de l’électorat à qui les politiciens ne veulent pas déplaire. De l’autre côté, elle représente un fardeau qui pèse de plus en plus lourd sur les finances publiques.

Le faible taux de natalité, le vieillissement de l’immense cohorte de boomers et l’augmentation constante de l’espérance de vie donnent des maux de tête. Au cours des 20 prochaines années, la population active va s’accroître de 6% alors que celle des 65 ans et plus explosera de 80 %. Il y a aura de plus en plus de gens dépendants des deniers publics alors qu’il y aura moins de contribuables pour garnir les coffres. Comment faire face à la situation?

Rappelons que les retraités touchent des prestations publiques en provenance de trois sources. Au Québec, ils reçoivent celles du Régime de rente du Québec (RRQ). Il s’agit d’une caisse de retraite autonome à laquelle contribuent employés et employeurs. Ils ont aussi droit à la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV) dont les prestations proviennent du budget consolidé du gouvernement du Canada. Les moins nantis se qualifient aussi pour le Supplément de revenu garanti (SRG). Comme la PSV, le SRG est puisé dans les coffres du gouvernement fédéral.

L’âge auquel les gens peuvent toucher à ces revenus sans pénalité est établi à 65 ans.

En 2012, le gouvernement de Stephen Harper avait annoncé des modifications à l’âge d’admissibilité à la PSV et au SRG afin de réduire la pression sur les finances publiques. De 2023 à 2029, l’âge à laquelle on pouvait avoir droit à la pleine pension de vieillesse d’Ottawa allait progressivement passer de 65 à 67 ans.

Ainsi, le coût des pensions aurait représenté 2,8% du PIB en 2030, soit 96 milliards de dollars.

Lors des dernières élections fédérales, Justin Trudeau avait promis aux électeurs d’annuler ces changements, une promesse qu’il a rapidement appliquée à l’arrivée de ses troupes au pouvoir. Le résultat? Le coût des pensions équivaudra à 3,1 % du PIB canadien en 2030. La différence semble minime exprimée ainsi, mais cela équivaut à une dizaine de milliards de dollars pour la seule année 2030. Beaucoup d’observateurs estiment ce coût insoutenable.

Il y a d’autres avenues pour réduire cette facture. À partir d’un revenu d’environ 75 000 dollars, les versements à la PSV commencent à diminuer pour disparaître totalement autour de 120 000 dollars. Cela veut dire deux conjoints avec des revenus de 75 000 dollars chacun (revenu familial de 150 000$) ont droit à la pleine pension du gouvernement fédéral. Et si on abaissait ce seuil à partir duquel on commence à perdre de la PSV? C’était une proposition avancée de l’Institut Fraser.

Mais encore là, comment mettre de l’avant une telle idée sans se mettre à dos une partie de la population? Et sur quelle base?


L'approche britannique

Dans un rapport publié en avril, l’Institut de recherche C.D. How propose plutôt d’adopter le modèle britannique. En 2014, le gouvernement du Royaume-Uni décide de réviser périodiquement l’âge d’admissibilité aux prestations publiques de retraite selon une formule mathématique. Celle-ci est basée sur l’espérance de vie à l’âge d'admissibilité (Par exemple, 22 ans à 65 ans). Le calcul permet de projeter la portion de la vie d’adulte passée à la retraite. Les Britanniques ont établi que la vie d’adulte débutait à 20 ans.

Selon le modèle britannique, au moment où on prévoit que les adultes passeront 34 % de leur vie à la retraite, l’âge d’admissibilité aux prestations de vieillesse est repoussé d’un an. C.D. How note que l’âge d’admissibilité n’est pas uniquement basé sur des projections de longévité. «Il est permis au secrétaire d’État de considérer d’autres facteurs dans le processus de décision, et c’est facteurs doivent être expliqués dans un rapport séparé.»

Le processus n’est pas totalement mécanique, mais il demeure transparent et suffisamment détaché des considérations purement politiques.

En appliquant ce modèle à la réalité canadienne, on observe que les Canadiens passaient 27% de leur vie d'adulte à la retraite en 1970. Cette portion ne cesse d’augmenter depuis, elle a franchi le cap des 30% au milieu des années 1990.

Il est prévu qu’on touchera les 34% en 2025, année au cours de laquelle l’âge d’admissibilité devrait être porté à 66 ans si on appliquait la formule britannique. Cette année-là, l’espérance de vie d’une personne de 66 ans sera d’un peu plus de 23 ans.

On touchera à nouveau le seuil des 34 % en 2050. L’âge à laquelle un retraité aura accès à la pension de vieillesse devrait alors être repoussé d’un an supplémentaire, soit à 67 ans. En 2050, une personne de cet âge aura une espérance de vie qui s’approche de 24 ans.

On constate que le résultat est moins brutal pour retraités en comparaison du plan conservateur de 2012. Il est pèse aussi moins lourd sur les finances publiques que le statu quo proposé par les libéraux.

Il a surtout le mérite d’être plus imperméable aux considérations politiques.

Vous pouvez télécharger l’étude ici.

 

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