Combien faut-il pour la retraite ?

Offert par Les Affaires


Édition du 15 Octobre 2016

Combien faut-il pour la retraite ?

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Édition du 15 Octobre 2016

[Photo : Shutterstock]

Il n'y a pas de chiffres magiques. Il faut définir ses projets et faire ses calculs.

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Une vie de luxe ? Non, mais ce n'était pas la misère non plus. Avec ses revenus de couturière, Mimi a habité un modeste appartement une bonne partie de sa vie. Le jour où elle l'a quitté, c'était pour emménager dans un CHSLD. Rien de fameux, d'autant que, pour mettre le nez dehors, il fallait une dose de détermination. Il n'y avait pas de jardin à l'arrière ni de balcons attenants aux chambres.

Mais la situation était passagère, le temps qu'une place se libère ailleurs. Mimi s'est finalement retrouvée dans un établissement plus accueillant, en banlieue de Montréal. Même en comparaison de son ancien appartement, c'était une amélioration. «Elle se sent comme au Hilton», raconte Daniel Laverdière, planificateur financier et directeur principal chez Banque Nationale Gestion Privée 1859. Mimi, c'est sa mère, divorcée dans les années 1970 alors qu'il avait 14 ans.

Son passage au CHSLD s'inscrit dans la continuité d'une vie simple. Elle n'est pas malheureuse de son sort, mais on ne peut présumer qu'il en est ainsi de tous ses copensionnaires. Certains ont connu une vie active plus extravagante que la sienne.

C'est vous dire comment la retraite est une notion relative, et que le chiffre magique, «combien pour la retraite», l'est tout autant.

«Il arrive que des gens m'appellent pour prendre rendez-vous. Ils me disent qu'ils veulent savoir s'ils peuvent prendre leur retraite. Je leur réponds de ne pas se déplacer, que la réponse est "oui"«, raconte, un brin ironique, Éric Brassard, CPA, CA, planificateur financier et associé chez Brassard Goulet Yargeau.

Car se demander si on a assez d'argent pour accrocher son tablier, ou encore combien il faut en accumuler pour le faire, c'est prendre le problème à l'envers. Si vous cherchez dans ce reportage le chiffre exact concernant votre situation, vous serez déçu. Par contre, si vous voulez savoir comment réfléchir à la question et vous en faire une idée vous-même, continuez la lecture.

Piger un numéro ?

Quand vient le moment d'aborder la question de la retraite, il y a des gens qui songent spontanément à des vacances perpétuelles, sans se soucier des coûts. Il y a ceux qui passent des soirées à valider des scénarios sur Excel sans se demander pour autant ce qu'ils aimeraient faire. Et il y en a d'autres qui ne pensent à rien de particulier, sauf à un chiffre qu'ils ont vu dans les médias.

Ils sont nombreux ceux qui s'appuient sur ce qu'on appelle, un calque de l'anglais, «les règles du pouce» (règles empiriques). Bien qu'elles puissent servir de point de repère, elles sont inutiles pour évaluer les besoins financiers pour la retraite. S'y fier, c'est comme prendre la mer avec une boussole. On connaît la direction vers laquelle on progresse, mais on n'a aucune idée où on va aboutir.

En 15 ans de journalisme en finances personnelles, j'ai vu beaucoup de chiffres galvaudés. À mes débuts, certains affirmaient qu'il fallait des économies de 750 000 $ en REER. Aujourd'hui, le montant qu'on entend souvent est 1 M$. C'est rond et ça frappe l'imagination, mais pour beaucoup, cet objectif est totalement momifiant. Il semble si irréaliste qu'il décourage d'épargner. Ceux qui colportent ces chiffres dans les médias devraient être sanctionnés pour générer inutilement de l'anxiété au sein de la population.

Brigitte Felx en sait quelque chose. La planificatrice financière chez RBC a dû récemment rassurer une cliente catastrophée. Celle-ci avait entendu à la radio qu'un million de dollars étaient nécessaires pour prendre une retraite confortable.

«Imaginez, à un an de quitter son travail, cette cliente avait accumulé 380 000 $ de REER. Elle était certaine d'en manquer. Et vous savez quoi ? Elle est parvenue à accumuler cette épargne avec un salaire de moins de 40 000 $ par année», raconte Brigitte Felx. Avec la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et les prestations du Régime de rentes du Québec (RRQ), la dame pourra continuer son train-train longtemps, sans s'inquiéter.

La démarche la plus courante afin d'évaluer grossièrement les besoins à la retraite est la règle du «70 %». Selon celle-ci, il faut prévoir pour ses vieux jours l'équivalent de 70 % des revenus bruts de la vie active. Si, par le passé, elle a été utilisée comme un crédible étalon de mesure, aujourd'hui, plus un planificateur financier ne l'évoque sans manifester de réserves.

Le planificateur Éric Brassard est sans doute le plus virulent pourfendeur de cette règle. Tellement que lui et ses associés ont publié un document de 13 pages intitulé «La (stupide) règle de 70 %» dans lequel ils démontrent comment elle ne s'applique à aucun cas particulier. Ils prennent entre autres l'exemple d'un individu qui gagne beaucoup d'argent durant sa carrière, mais dont le coût de la vie est peu élevé. Cette personne a non seulement besoin de moins que 70 % de son revenu, mais elle pourra se retirer plus tôt. C'est le contraire d'un autre travailleur dont les revenus sont peu élevés. Celui-là devra prévoir un taux de remplacement plus élevé, quitte à étirer sa carrière pour épargner les sommes supplémentaires nécessaires.

Éric Brassard reproche également à cette méthode d'ignorer un aspect pourtant central, et complexe, dans le décaissement de l'épargne retraite : la fiscalité. D'ailleurs, toutes les règles ont ce défaut. Elles ne tiennent aucun compte de la source du capital de retraite. Du CELI ; d'un REER ; d'un régime de retraite d'employeur ; de la vente d'un chalet, de la maison familiale, de l'entreprise ; d'un héritage...

«Il faut se baser sur des revenus après impôt ; cette règle est stupide», insiste le planificateur financier.

Qui êtes-vous ?

Il n'y a pas de règle qui tienne, car il n'y a pas de cas identiques. Les gens n'ont pas les mêmes intérêts, et cela se poursuivra au-delà de la vie active.

Les passionnés du voyage auront du mal à passer l'année à la maison. Les férus de culture et de bonnes tables s'ennuieront dans leur maison de campagne à trois heures de la ville. Ceux qui ont passé leurs week-ends à rénover leur maison ont plus de chances de manier le marteau qu'à boire des spritz sur les côtes de l'Italie. Pour la retraite, on a beau envisager de réaliser des choses qu'on n'a jamais faites, les passions des gens ne changent pas soudainement quand sonnent 65 ans.

Le chiffre magique dépend beaucoup de cet aspect : le coût de la vie. «Il n'y pas 36 manières de le connaître, il faut faire un budget», dit Daniel Laverdière qui s'étonne toujours de voir débarquer des clients lui demandant combien il leur faut pour leur retraite, alors qu'ils n'ont aucune idée de leurs dépenses du moment.

Plus on approche de la retraite, plus l'exercice sera réaliste, puisqu'on aura une meilleure idée de notre style de vie et que nos aspirations seront mieux définies. À moins de vouloir se retirer tôt de la vie professionnelle, il est hasardeux de s'y lancer avant 45 ou 50 ans. À l'âge où on a de jeunes enfants, une maison à payer et une carrière encore pleine de promesses, c'est inutile, ce qui n'empêche pas de commencer à épargner.

La planification de 25 ou 30 ans de sa vie mérite l'effort de consigner les dépenses anticipées dans un fichier Excel. On doit projeter les dépenses pour la maison, le chalet, les loisirs, les soins personnels, le sport, la nourriture, les vacances, les animaux, les services publics, les assurances... Il faut aussi prévoir des imprévus et les travaux majeurs sur la maison.

La retraite n'est pas uniforme. Les premières années seront plus actives, donc plus chères en principe. À partir de 75 ans, les retraités commencent à ralentir le rythme. Puis viendra ensuite le moment où ils vendront leur maison pour aller dans une résidence pour retraités ou, comme Mimi, dans un établissement public, s'ils n'en ont pas les moyens.

Le budget de retraite sera basé sur celui de la vie active qu'on aura modifié. Il y a des dépenses qui baisseront, d'autres qui disparaîtront (bye-bye les cravates!), alors que d'autres augmenteront ou apparaîtront.

Mais jusqu'à quel âge ? C'est la grande inconnue de la planification financière. «Si on connaissait le moment du décès, notre travail serait facile», dit Éric Brassard. Les données sur l'espérance de vie sont fondées sur des populations, très utiles pour les compagnies d'assurance, mais beaucoup moins pour un individu, comme les fameuses «règles du pouce». À moins qu'une personne n'ait de sérieux problèmes de santé ou des maladies qui affligent sa lignée depuis plusieurs générations, les planificateurs financiers baseront leurs calculs sur un décès à un âge avancé, au-delà de 90 ans, voire jusqu'à 100 ans. C'est loin !

Mais combien faut-il épargner ?

Récapitulons. Les coûts de vie varieront en fonction du style de vie désiré à la retraite. Seul un budget détaillé permet de connaître précisément l'argent qui sera nécessaire pour soutenir la cadence. Maintenant, la question est de savoir si vous aurez ce qu'il faut.

Les retraités ont droit aux prestations du Régime de rentes du Québec et à la pension de la Sécurité de la vieillesse canadienne. À cela s'ajoute, pour les moins fortunés, le Supplément de revenu garanti du Canada. Pour les gens à faible revenu, les régimes publics remplaceront souvent la totalité du revenu de la vie active. Mais pour la plupart, il s'agit d'une base.

Pour le reste, ce n'est pas simple, car une multitude de variables entrent en jeu. Bénéficiez-vous d'un régime complémentaire de retraite ? Est-il généreux ? Avez-vous une maison libre d'hypothèque ? Un chalet payé ? Un héritage en vue ? Une entreprise ? Et comment votre épargne est-elle répartie entre REER, CELI et compte non enregistré ? Combien avez-vous contribué au RRQ. Êtes-vous en couple ?

Tous ces éléments feront partie du plan financier. Une personne qui compte sur un généreux régime de retraite aura en théorie moins besoin d'épargne. On peut utiliser les gains sur la vente du chalet au moment où on n'a plus l'énergie pour s'en occuper. La vente de la maison pourrait servir à financer les frais de logement dans un établissement privé pour retraités (l'apport en capital sera contrebalancé par de nouvelles dépenses au budget). Céder son entreprise peut permettre une retraite dorée. Toutes ces ressources sont disponibles et il faudra en disposer dans le temps de manière à répondre aux besoins tout en minimisant la facture d'impôt.

Et si ça ne balance pas ? On ne peut agir que sur ce qu'on peut contrôler. Quatre options se présentent, en plus des combinaisons. Épargner davantage avant de prendre sa retraite ; retourner au budget et rogner ici et là jusqu'à ce que ça balance ; retarder l'âge de retraite ; conserver un travail à temps partiel durant les premières années de la retraite. Les revenus engendrés par cet emploi permettent de préserver le capital durant les premières années et, parfois, de retarder le versement des prestations du RRQ et de la PSV, lesquelles sont alors bonifiées.

Le RRQ est bonifié de 0,5 % à 0,6 % pour chaque mois de report. La rente mensuelle maximale en 2015 pour un retraité qui demande sa rente à 65 ans s'élève à 1 065 $ (imposable). Elle monte à 1 512 $ pour celui qui commence à la toucher à 70 ans. Et c'est plus de deux fois le montant que recevrait celui qui commencerait à encaisser les rentes du RRQ à 60 ans (707,16 $) ! Le principe est le même quant à la PSV, chaque année de report permettant d'augmenter de 7,2 % le montant des prestations des années subséquentes.

Plus on tarde, moins on a d'options. Pour certains individus qui attendent trop, cette étape peut avoir l'effet d'un coup de massue. Brigitte Felx relate l'histoire de ce client qui se présente à son bureau, un homme d'affaires flamboyant tiré à quatre épingles, habitant une grande maison (hypothéquée), conduisant des voitures haut de gamme, mais n'ayant pratiquement aucune économie. C'est seulement à quelques années de la retraite, alors qu'il sent le besoin de ralentir, qu'il commence à appréhender la suite.

Un plan vigoureux de redressement, qui implique de se départir de nombreux actifs, de réduire considérablement le style de vie et d'étirer un peu la carrière permettra à l'homme d'affaires de pouvoir compter à la retraite sur la somme de... 29 000 $ par année. Il pourrait finir à la résidence de Mimi. Vous devinez qu'il y sera beaucoup moins heureux qu'elle.

Daniel Laverdière, planificateur financier et directeur principal chez Banque Nationale Gestion Privée 1859. [Photo : Jérôme Lavallée]

AJOUTER 1 000 $ À SES REVENUS DE RETRAITE CHAQUE MOIS, C'EST COMBIEN?

Avec Daniel Laverdière, nous nous sommes demandé combien il faudrait d'argent pour augmenter ses revenus de retraite de 1 000 $ par mois, la vie durant. Alors nous avons vérifié auprès des compagnies d'assurance le coût d'une rente viagère mensuelle de 1 000 $ (indexée de 2 %) pour un homme né en 1951. Elle sera imposable à 100 %, car elle est payée avec le REER. En date du 12 septembre, l'offre la moins chère coûtait 237 390 $. Entre cette offre et la sixième moins chère, la différence est de 12 000 $ pour la même rente. Pour une femme née la même année, la meilleure offre pour une rente semblable coûte 265 900 $ (ça n'a rien d'une taxe rose, les femmes vivent plus longtemps). L'écart avec la sixième moins chère est de plus de 15 000 $.

Que faut-il en conclure ? Que les compagnies d'assurance, avec leurs actuaires et tous leurs experts, ne s'entendent pas sur la somme nécessaire pour assurer un revenu de 1 000 $ par mois. Alors, imaginez quand vous faites des projections de retraite fondées sur des rendements hypothétiques et un taux d'inflation qui peut varier.

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