Estimer l'inflation future est à la base de la planification financière


Édition du 08 Décembre 2018

Estimer l'inflation future est à la base de la planification financière


Édition du 08 Décembre 2018

Par Raymond Kerzérho

Le domaine des finances personnelles pour les travailleurs actifs s'organise autour de trois axes. Tout d'abord, la gestion du budget. Elle consiste à équilibrer les revenus et dépenses afin de dégager des surplus qui serviront à financer le coût de la vie à la retraite. La gestion de portefeuille, elle, sert à faire fructifier l'épargne accumulée, encore une fois pour pourvoir aux besoins à la retraite. Finalement, la planification financière consiste à élaborer un plan de match afin de vous assurer que le patrimoine accumulé sera suffisant pour répondre à vos aspirations ou, inversement, à vous permettre d'adopter des attentes réalistes à propos de votre futur train de vie à la retraite, compte tenu de votre rythme d'accumulation de l'épargne.

La planification financière repose invariablement sur une projection d'inflation. Cette dernière permet de projeter l'évolution de vos dépenses avant et après la retraite. Une projection d'inflation aide aussi à évaluer le rendement espéré sur votre portefeuille. Par exemple, nous calculons le taux de rendement espéré à long terme des actions canadiennes en additionnant leur rendement réel espéré au taux d'inflation projeté. Nous répétons ensuite cet exercice pour toutes les catégories d'actifs jusqu'à l'obtention d'un portrait complet pour le portefeuille.

Nous déterminons chaque année un taux d'inflation que nous projetons ensuite sur les 30 prochaines années.

Notre calcul estime que l'inflation se situe depuis trois ans sous la cible de 2 % visée par la Banque du Canada et la Réserve fédérale des États-Unis (à 1,6 % depuis 2017). Elle est également restée inférieure à celle de l'Institut québécois de planification financière. Ces différences sont présentées dans le tableau 1.

Un peu d'histoire

Selon Dimson, Marsh et Staunton, le taux d'inflation entre 1900 et 2000 s'est établi à 3,1 % au Canada et à 3,2 % aux États-Unis, ce qui se situe au-delà des projections courantes. De plus, l'inflation dans les deux pays a dépassé 3 % à plusieurs reprises depuis les années 1930.

Le tableau 2 documente aussi des taux d'inflation considérablement plus élevés que 2 % dans tous les pays développés au 20e siècle, sauf la Suisse. Le chiffre pour l'Allemagne est évidemment gonflé par un long épisode d'hyperinflation entre 1910 et 1930. Toutefois, en général, les taux d'inflation ont diminué passablement depuis 2001.

Estimation de l'inflation future

Mis à part les plus récentes décennies, l'inflation a souvent dépassé les 2 %. Comment alors expliquer nos chiffres actuels (1,6 % pour les 30 prochaines années) ?

Nous estimons que les signaux du marché fournissent une excellente indication à propos des attentes des investisseurs lorsque le prix des produits financiers est négocié selon des conditions hautement compétitives. Par exemple, lorsqu'un investisseur décide de se départir d'une action, il tentera de la vendre au plus haut prix possible afin de maximiser son gain. De son côté, l'acheteur potentiel cherche à conclure la transaction au prix le plus bas possible, toujours pour maximiser sa richesse. La transaction se réalisera à un prix que les deux intervenants acceptent de leur plein gré, malgré leurs intérêts divergents. C'est la rencontre de ces intérêts opposés, ainsi que la concurrence entre un grand nombre d'acheteurs et de vendeurs, qui donne lieu à un prix d'équilibre. C'est la notion selon laquelle les cours du marché reflètent la véritable valeur des titres boursiers.

Le marché des actions retient principalement l'attention du public, mais le marché des obligations gouvernementales est lui aussi très actif et compétitif. Au Canada, le gouvernement fédéral émet deux types d'obligations différents : ordinaires et à rendement réel. La valeur nominale des obligations ordinaires est fixe et reste inchangée jusqu'à l'échéance, tandis que celle des obligations à rendement réel est indexée mensuellement en fonction de l'indice des prix à la consommation canadien.

Le taux de rendement à l'échéance de ces deux instruments fluctue selon l'évolution des cours. En règle générale, les obligations ordinaires affichent des taux supérieurs à ceux des obligations à rendement réel, ce qui compense l'absence de protection contre l'inflation. Il en résulte que la différence de taux entre les deux types d'obligations signale les attentes des investisseurs à propos de l'inflation future. Par exemple, si une obligation ordinaire à 1 an se négocie avec un taux de 2,5 % et qu'au même moment, une obligation à rendement réel à 1 an se négocie sur la base d'un taux de 0,5 %, on peut en déduire que l'inflation anticipée est de 2,0 % pour la prochaine année, puisque la seule différence entre ces deux obligations est l'indexation en fonction de l'inflation.

Comment nous estimons l'inflation future en pratique

PWL se définit comme un cabinet de gestion de patrimoine qui fournit des services à des investisseurs à long terme. Nous cherchons donc à faire des projections sur un horizon très long. Ainsi, nous évaluons l'inflation attendue à long terme à partir de la différence de rendement entre les obligations ordinaires et les obligations à rendement réel assorties d'une échéance de 30 ans.

En outre, pour réduire les fluctuations dans notre estimation, nous utilisons la moyenne sur 24 mois comme hypothèse de base aux fins de la planification financière. Le graphique 2 ci-dessous montre l'évolution des projections sur l'inflation au Canada depuis 2006 sur la base de notre modèle.

Conclusion

Même si l'inflation au 20e siècle a été plus élevée à l'échelle mondiale, nous préférons fonder nos projections sur des indicateurs prospectifs. À notre avis, la différence de rendement à l'échéance entre les obligations ordinaires et les obligations à rendement réel fournit une estimation très précise des attentes du marché concernant l'inflation. Nous jugeons que la rencontre des intérêts opposés des nombreux investisseurs qui négocient ces obligations fournit une estimation non partiale de leur valeur en tout temps. Selon nous, les connaissances et les motivations collectives des intervenants sur le marché des obligations gouvernementales fournissent l'indication la plus précise dont nous disposons à propos de l'inflation future à long terme.

EXPERT INVITÉ

Raymond ­Kerzérho CFA, MBA, est le directeur de la recherche de PWL Capital. Il enseigne également la finance à l’Université McGill.

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