Quand une chute de la ­Bourse fait le plus mal


Édition de Mai 2018

Quand une chute de la ­Bourse fait le plus mal


Édition de Mai 2018

Les pertes en ­Bourse font partie de la vie des investisseurs. À l’approche de la retraite, une séquence de mauvais rendements peut cependant chambouler complètement nos projets. Comment s’en protéger ?

Trébucher en ­Bourse alors qu’on approche de la retraite peut faire très mal. Une récente étude de ­CFA ­Montréal montre que l’évolution défavorable des rendements au cours des cinq premières années de la retraite peut grandement affecter le revenu par la suite, et ce, même si le rendement moyen généré sur vos placements est adéquat à long terme.

D’abord, il faut comprendre que le risque financier du retraité atteint son niveau presque maximal au moment de se retirer de la vie active. « ­En supposant que cette personne ne travaille plus, elle ne contribuera plus à son capital sous forme d’épargne, alors qu’elle a devant elle le plus long horizon de retraits à faire. Elle sera donc exposée davantage à une crise qui pourrait survenir tôt à la retraite », explique ­Jacques ­Lussier, président et chef des placements chez ­Ipsol ­Capital et auteur de cette recherche.

Afin d’illustrer le phénomène, ­Jacques ­Lussier propose d’analyser deux scénarios de rendement sur une période de cinq ans (voir le tableau). On remarque que dans le second scénario, la séquence commence avec un rendement de -20 % alors que dans le premier, elle se termine avec un rendement de -20 %, soit la situation inverse. Dans les deux cas, le rendement moyen composé est identique, soit +5,03 % par année. « ­Si l’investisseur dépose initialement un montant unique de 5 000 dollars, dans les deux cas, le montant accumulé au bout de cinq ans sera de 6 390 dollars, même si la séquence de la richesse diffère », souligne le chercheur.

La situation devient plus délicate lorsqu’une personne épargne régulièrement et qu’elle dépose, comme dans notre exemple, 1 000 dollars par année pendant cinq ans. Dans ce cas, le scénario dont la perte survient la dernière année obtient seulement 5 134 dollars alors que celui dont la perte se produit au début de la séquence accumulera un montant de 6 998 dollars. La différence est de près du tiers. Avec des centaines de milliers de dollars en jeu, on devine qu’une perte importante à la toute fin de la phase d’accumulation peut causer beaucoup de dégâts.

Selon le cycle de vie de nos épargnes

Pendant la trentaine, alors qu’on commence à épargner, une perte boursière importante est un moindre mal puisqu’elle touche des actifs modestes. Elle peut même nous être favorable si on profite de la reprise du marché en continuant à investir. Quand la perte arrive tardivement, elle touche des sommes nettement plus substantielles. « ­Lorsque notre patrimoine devient important par rapport à notre aptitude à épargner, on souhaitera réduire notre prise de risque en ayant un portefeuille de placement moins agressif », rappelle ­Jacques ­Lussier.

« ­Il est impossible de prévoir avec exactitude quel sera le rendement de notre portefeuille d’une année à l’autre. Tant et aussi longtemps qu’on n’a pas besoin d’argent, la séquence de nos rendements ne fait aucune différence », souligne ­Hélène ­Gagné, gestionnaire de portefeuille chez ­Gestion privée ­Peak et auteure du livre Votre retraite crie au secours. Toutefois, lorsqu’un marché baissier survient au moment d’amorcer nos retraits de capital, cela réduira la durée de vie de notre portefeuille.

Tout dépend aussi du taux de décaissement au moment de prendre sa retraite. « ­Il faut trouver un juste équilibre entre la préservation du capital et un certain potentiel de croissance durant la retraite », ­précise-t-elle. Les titres obligataires vont généralement jouer le premier rôle, et les actions, le second. Trois ou quatre ans avant les décaissements, on place une partie de ces sommes dans des placements à revenu fixe de plus courte durée et de grande qualité. Ces montants peuvent être des prises de profits du marché des actions lorsqu’on rééquilibre le portefeuille.

Envisager une rente viagère

Plusieurs solutions de placement permettent d’atténuer les effets d’une séquence de rendements défavorables. Les fonds à date cible et les produits cycle de vie, par exemple, vont limiter les risques puisque la portion à revenu fixe du portefeuille augmente à mesure que les détenteurs vieillissent. « ­Ces produits ont tendance à réduire de façon significative l’allocation en actions, ce qui diminue le risque, mais aussi le rendement pendant plusieurs décennies », rappelle ­Jacques ­Lussier.

Pour contrer ce risque financier, il faudrait plutôt se tourner du côté de la rente viagère, qui permet de retirer un revenu stable garanti à vie. Cela nécessite une ponction de capital en début de retraite, mais procure aussi une paix d’esprit. Un portefeuille ayant un pourcentage important en rentes pourra soutenir un niveau de risque plus élevé pour la portion restante et donc contenir une plus grande portion d’actions.

Selon les calculs de ­Jacques ­Lussier, toucher 30 % de son revenu de retraite en rentes est un choix sensé. Cela inclut les prestations de la pension de la ­Sécurité de la vieillesse (SV) et du ­Régime de rentes du ­Québec (RRQ), qui sont, de plus, indexées au coût de la vie, une clause souvent très coûteuse chez un assureur. Prenons le cas de ­Marc, un nouveau retraité de 65 ans dont le revenu net individuel s’élève à 65 000 dollars en 2018. Marc a droit au montant mensuel maximal de la ­SV et du ­RRQ et reçoit donc des prestations mensuelles de 586 dollars et de 1 134 dollars respectivement. Ses rentes totalisent environ 20 000 dollars par année et représentent quelque 30 % de son revenu total. Marc ne reçoit aucun autre revenu de pension et doit piger dans ses ­REER et ses comptes non enregistrés les sommes manquantes, ce qui nécessite un bon bas de laine. Quant à ­Marie, 60 ans, sa situation est bien différente puisqu’elle prévoit gagner environ 125 000 $ par année à la retraite, qu’elle souhaite prendre dans cinq ans. Puisque ce montant excède le seuil de 122 843 dollars (en 2018) à partir duquel on n’a plus droit à la ­SV, elle doit envisager l’achat d’une rente viagère. ­Si elle veut toucher 30 % de ses revenus sous forme de rentes, soit 37 500 dollars, elle devra déduire de ce montant ses prestations du ­RRQ et tout revenu de pension d’employeur. Elle comblera la portion manquante en magasinant une rente.

Autre donnée qui brouille les cartes : le prolongement de la durée de la retraite. Nous sommes de plus en plus nombreux à franchir le cap des 90 ans, ce qui augmente le risque de ne pas survivre à notre ­épargne-retraite. Imaginez si, en plus, vous amorcez votre retraite en pleine crise boursière ! ­Afin de contrer ce risque de longévité, on peut différer nos rentes viagères. « ­Puisque la certitude de survie est très élevée dans la soixantaine, on voudra, dans un monde idéal, différer nos rentes à partir de 80 ans, sinon on risque de payer très cher puisque l’assureur sait bien qu’il est peu probable que cette personne décède », souligne ­Daniel ­Laverdière, directeur principal, ­Planification financière et ­services-conseils chez ­Banque ­Nationale ­Gestion privée 1859.

Malheureusement, peu d’assureurs offrent de tels produits chez nous. « ­Il est possible de différer certaines rentes jusqu’à 5 ans, parfois 10 ans, alors qu’aux ­États-Unis, c’est beaucoup plus commun », constate ­Jacques ­Lussier. On pourrait également la préfinancer ­soi-même en mettant de côté des sommes à 65 ans qu’on investit de manière prudente afin d’atteindre, dans 15 ans, par exemple, le coût de la prime. « ­Si, dans une dizaine d’années, je réalise que je n’en ai plus besoin en raison de ren-dements favorables ou encore, si je suis malade, j’aurai l’option de ne pas l’acheter », précise ­Daniel ­Laverdière.

Faire des projections avant la retraite

Dans un monde idéal, on voudrait que nos décaissements à la retraite soient plus faibles en cas de rendements défavorables ou de crise majeure, notamment au début de la retraite. Il y a toutefois une limite à notre capacité à ajuster les retraits à la baisse. Si la valeur de nos placements chute de 20 %, on ne peut pas nécessairement diminuer notre train de vie de façon aussi draconienne. Personne n’envisagera de manger des macaronis au fromage quand ça va mal et de magasiner une croisière autour du monde quand le marché s’emballe… « ­Je travaille actuellement à une mécanique (algorithme) de décaissement qui s’ajuste en période de crise en fonction de la gravité de ­celle-ci, de l’âge et de la santé du retraité. Cela fera partie d’un livre que j’écris présentement », indique ­Jacques ­Lussier.

Soyons francs : des chutes boursières de 20 % ou de 25 %, ça n’arrive pas chaque année. Ceux qui ont pris leur retraite pendant la crise financière de 2008‑2009 ont donc été assez malchanceux.

Selon ­Daniel ­Laverdière, on peut déjouer ces scénarios catastrophes en faisant, dans la quarantaine et la cinquantaine, des projections financières qui nous donneront une meilleure idée de notre revenu annuel soutenable à la retraite. N’oublions pas non plus que les retraités ont rarement tous leurs avoirs investis dans les actions. Ces scénarios tiendront compte de notre profil d’investisseur et reposeront sur différentes hypothèses quant à l’inflation future, à l’espérance de vie et aux rendements moyens projetés des différentes catégories d’actifs. Il est alors possible de simuler une forte baisse boursière la première année suivant la retraite afin d’en mesurer les effets. On peut aussi projeter un rendement moyen de 1 % inférieur aux attentes afin d’avoir un portrait plus prudent de la situation. « ­Prendre une seule photo au haut du marché ou au lendemain d’une débâcle financière peut mener, croit ­Daniel ­Laverdière, à des attentes irréalistes ou à des scénarios trop pessimistes.  »

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