Prêter à des proches sans vous ruiner (et sans chicane)


Édition de Novembre 2017

Prêter à des proches sans vous ruiner (et sans chicane)


Édition de Novembre 2017

Votre fils veut acquérir une voiture pour se rendre au travail. Votre fille croule sous les dettes. Votre meilleure amie a besoin d'un coup de pouce financier pour démarrer son entreprise. Comment prêter de l'argent à des proches sans perdre au change ni ruiner vos relations ?

Femme d'affaires accomplie, Johanne Pépin a aussi le cœur à la bonne place. Quand des proches éprouvent des difficultés financières, elle n'hésite pas à délier les cordons de la bourse pour leur venir en aide. «Je suis considérée, dans ma famille, comme la "matante riche" qu'on appelle lorsqu'on a besoin d'argent», décrit-elle.

Au fil du temps, elle a accordé de nombreux prêts personnels à des proches. «En général, ça se passe très bien. Je leur fais signer un contrat devant témoins, en exigeant un taux d'intérêt raisonnable, beaucoup moins élevé que les taux des cartes de crédit. La plupart me remboursent jusqu'au dernier sou», raconte cette femme de 58 ans. Dans les autres cas, plutôt rares, ce sont des proches pour qui elle fait quelques concessions. «Disons que je suis plus compréhensive qu'une banque», avoue-t-elle.

Que ce soit pour rembourser un solde de carte de crédit, verser une mise de fonds sur une propriété ou démarrer une entreprise, l'argent des proches peut souvent être salvateur pour les gens dans le besoin. «Les prêts personnels entre particuliers deviennent de plus en plus fréquents, car les Québécois n'ont jamais été à la fois aussi riches et aussi endettés», remarque Sylvain B. Tremblay, associé et vice-président, gestion privée, chez Optimum gestion de placements.

Cependant, cette façon de venir en aide peut, pour les prêteurs, non seulement creuser un trou dans leur patrimoine, mais aussi ruiner leurs liens familiaux et briser à tout jamais leurs amitiés. «Argent et relations personnelles ne font jamais bon ménage. Attendez-vous à un drôle de party de Noël si vous n'honorez pas les dettes contractées auprès d'un membre de la famille», avertit Sylvain B. Tremblay.

Selon une étude réalisée en 2009 pour le Groupe Investors, 64 % des Canadiens avaient prêté un montant supérieur à 500 dollars à un ami ou à un membre de la famille. Preuve qu'il s'agit d'une transaction à haut risque, parmi les prêteurs, plus du quart n'avaient jamais été remboursés en entier. «Les emprunteurs qui se tournent vers leurs proches pour se renflouer sont, pour la plupart, des gens qui n'accèdent plus à des prêts conventionnels. La "love money" est donc leur dernier recours», constate Bruno Therrien, directeur régional du bureau de Sherbrooke au Groupe Investors.

De plus, ce n'est pas parce que vous leur prêtez des sous que vos proches sortiront la tête de l'eau. «Dans les cas de faillite, un grand pourcentage de gens avaient contracté des prêts auprès de leur réseau personnel», constate Éric Lebel, CPA, syndic associé chez Raymond Chabot Grant Thornton.

La morale de cette histoire : si vous faites un prêt à un particulier, vous devez accepter le fait que vous ne reverrez possiblement jamais la couleur de cet argent. «Pour cette raison, le prêteur ne doit, en aucun temps, se mettre à risque financièrement pour aider un ami ou un proche», met en garde Sylvain B. Tremblay. Il faut être capable de dire non, malgré la pression qui peut être exercée par les proches. «Ce n'est jamais facile de dire non, même quand on se sent perçu comme un guichet automatique», admet Johanne Pépin, qui a connu quelques situations difficiles.

Avant de sortir le chéquier, quelques conseils s'imposent. D'abord, bien que l'acte notarié ne soit pas obligatoire, un contrat signé chez le notaire présente de nombreux avantages. «Ce type de contrat sera beaucoup moins contestable, affirme Bruno Therrien. Par exemple, en cas de décès, les héritiers ne pourront pas mettre en doute la signature au bas du contrat.»

En plus de guider les deux parties, le notaire pourra vérifier la capacité légale des signataires à donner un consentement libre et éclairé. Donc, si l'officier public sent qu'il y a pression ou manipulation, il ne signera pas. L'acte notarié sera aussi plus facile à retrouver, alors que les contrats privés sont souvent égarés. «Si vous ne passez pas chez le notaire, signez au moins un contrat devant témoins», dit Bruno Therrien.

Ce contrat doit contenir les modalités de remboursement, le taux d'intérêt applicable, le terme, le nom et les coordonnées de l'emprunteur et, idéalement, le district judiciaire où l'on déposera une poursuite en cas de défaut de paiement. Ce dernier élément peut servir si votre emprunteur habite loin de chez vous. Vous n'aurez pas à vous déplacer loin de votre résidence pour exercer vos droits.

En cas de défaut de paiement

Si votre débiteur n'acquitte pas ses dettes, votre unique moyen de récupérer votre dû sera de recourir aux tribunaux. Si votre débiteur déclare faillite, votre prêt sera considéré au même titre que ses autres dettes non garanties, comme les soldes des cartes de crédit. «Vous serez donc remboursé proportionnellement à l'ensemble des dettes», explique le syndic Éric Lebel.

Pour vous protéger davantage, vous pouvez prendre en garantie un véhicule routier, une œuvre d'art ou certains autres objets de valeur, si votre débiteur accepte de vous consentir une hypothèque mobilière sans dépossession sur de tels biens. Celle-ci doit faire l'objet d'un contrat et être inscrite au Registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM). «Vous devenez ainsi un créancier garanti. En cas de faillite, vous serez donc remboursé avant les créanciers ordinaires», explique Me Charles Dorion, responsable des communications au RDPRM. Si votre débiteur possède un immeuble, il peut vous consentir une hypothèque immobilière garantissant son emprunt. Cette hypothèque doit être faite par acte notarié et publiée au Registre foncier. Si l'immeuble est déjà hypothéqué en faveur d'une institution financière, par exemple, vous serez de deuxième rang. À titre de créancier hypothécaire, vous serez avantagé en cas de faillite, car, comme l'explique Éric Lebel, «le syndic ne pourra pas vendre la propriété sans payer l'hypothèque de premier rang, c'est-à-dire la banque, et ensuite l'hypothèque de second rang, c'est-à-dire vous».

Attention, vous ne pouvez pas prêter de l'argent en signant un chèque et demander une hypothèque immobilière quelques années plus tard. «Ça doit se faire en même temps, explique par expérience Éric Lebel, syndic de faillite. Il s'agit malheureusement d'une erreur très fréquente.»

Au-delà de l'aspect légal, vous devez vous assurer de la capacité de votre débiteur à vous rembourser. «En plus d'exiger un plan précis de remboursement, pourquoi ne pas lui demander de mettre de l'ordre dans ses finances en consultant une aide extérieure, comme un planificateur financier», suggère Sylvain B. Tremblay. Finalement, comme prêteur, on ne peut esquiver une question existentielle : aide-t-on vraiment son prochain en lui accordant un prêt ? «Si l'argent ne sert qu'à rembourser le solde de la carte de crédit de l'emprunteur et que celui-ci ne change rien à son mode de vie, vous risquez d'aggraver son problème plutôt que de le régler», soutient Bruno Therrien. À méditer.

Rappel

Les intérêts perçus sur un prêt personnel sont considérés comme une source de revenus. Ils sont donc imposables.

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