Mes pires et mes meilleurs coups


Édition du 12 Novembre 2016

Mes pires et mes meilleurs coups


Édition du 12 Novembre 2016

Par Les Affaires

François Normand, Stéphane Rolland, Daniel Germain, Yannick Clérouin, François Pouliot.

On apprend de ses erreurs, dit l’adage. Il arrive néanmoins que de bons coups viennent confirmer une recette d’investissement qu’on mettait à l’essai. Dans cette optique, nos journalistes nous racontent leurs bons et leurs mauvais coups d’investisseurs.

FRANÇOIS POULIOT

Se casser les dents avec Oralife, avoir bien vu dans le cas de New Look

Commençons par le pire et gardons le meilleur pour la fin.

Ce devait être un coup de circuit, cela a plutôt été un mémorable strike out.

Jeune journaliste, j'effectuais mes premiers pas dans le monde de l'investissement. Un voyage à Toronto avec des étudiants du Fonds Alpha (de l'Université Laval) m'avait amené à visiter la firme Yorkton Securities. J'en étais revenu avec une pile de rapports sur différentes sociétés.

L'une avait particulièrement retenu mon attention : Oralife. Il serait en fait plus juste de dire que c'est la cible accolée au titre qui m'avait accroché : elle était de plus du double du cours de l'action.

Au retour, je m'étais donc activé à faire venir les rapports des autres courtiers suivant le titre, histoire d'avoir différentes opinions. Constat : achat fortement recommandé partout, avec au surplus de fortes cibles.

Oralife venait de développer un produit qui permettait de réduire la carie dentaire. Le marché en vue était celui de l'assurance collective. Environ 25 % des individus produisent quelque chose comme 75 % des réclamations dentaires liées à la carie. Ça n'a rien à voir avec le fait que ces personnes mangent plus de bonbons. C'est plutôt dû à une enzyme contenue dans la salive de certaines d'entre elles.

Les assureurs allaient demander aux personnes à risque de prendre le produit. Les réclamations dentaires allaient en conséquence fortement chuter, les employés et les employeurs, avoir moins à payer, la rentabilité des assureurs, s'améliorer, et celle d'Oralife, exploser.

«Parfait, allons-y d'un grand coup, misons 5 000 $ là-dessus.»

Une chose nous triturait cependant l'esprit. «Ce produit contient des antibiotiques. Peut-on forcer des gens à prendre des antibiotiques ?»

Aucun analyste n'abordait la question.

«Si personne n'en parle, ça ne doit pas être important», s'était dit le jeune journaliste.

Mal lui en a pris. Oralife n'a jamais été capable de vendre son produit, parce qu'il était impossible de forcer la prise d'antibiotiques. Et le titre a fini à zéro.

Depuis ce jour, je n'hésite jamais à poser une question, aussi stupide soit-elle. C'est de ne pas la poser qui l'est.

Les meilleurs

On pourrait aussi vous parler d'une autre histoire embêtante, mais l'espace se fait restreint (et l'orgueil proteste). Venons-en aux meilleurs coups.

Deux se démarquent. Pas tant en raison de l'envolée des cours, mais comme contributeurs à la validation de quelques raisonnements que l'on a depuis intégré dans notre livre de recettes.

Le premier, New Look (BCI, 28,03 $), le lunettier. Il y a environ trois ans, on s'était mis à la recherche de titres non suivis par les analystes. Il est en effet plus difficile de tomber sur un titre sous-évalué lorsqu'il est suivi. Notre thèse allait ainsi : l'entreprise est dominante, la population est vieillissante, les multiples sont faibles, le dividende procure un rendement de 5 %. Il ne faut en fait qu'une progression annuelle de 5 % du capital pour battre le marché chaque année. L'élément clé de l'investissement ? New Look avait récemment annoncé l'expansion de son centre de distribution. Pour agrandir, il faut avoir la certitude que les volumes grimperont. Personne ne le savait, mais la direction se préparait à se lancer sur le sentier des acquisitions. Le titre a depuis presque triplé.

Un autre coup intéressant, Atrium Innovations.

Spécialisée dans la vente de produits naturels (vitamines et autres), la société se négociait à l'époque à 7 fois le bénéfice. Une série de déveines avaient plombé ses résultats. Et son taux d'endettement, à 3,2 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA), était considéré comme relativement élevé par les analystes. La plupart avaient vu leurs prévisions contredites dans les deux années précédentes et se montraient hésitants.

«Situation qui pourrait être parfaite. Le niveau de dette est trop élevé pour que la direction tente une nouvelle acquisition. Il n'y a donc pas de risque qu'elle rate son coup et détruise de la valeur. Pendant ce temps, les flux de trésorerie sont bons et le vieillissement de la population est favorable au créneau. La dette ne peut que baisser dans le temps, et le multiple, augmenter avec la diminution des risques», s'était-on dit.

Un an et demi plus tard, la société faisait l'objet d'une offre publique d'achat et notre mise avait plus que doublé. 

FRANÇOIS NORMAND

La première bulle m'a plumé, la deuxième m'a enrichi

Mettons cartes sur table : je ne suis pas un grand investisseur. J'ai déjà eu, comme plusieurs, un compte en ligne. Cela dit, deux investissements me sont venus à l'esprit quand le chef de la section Investir m'a demandé de parler de mon pire et de mon meilleur placement.

Mon cauchemar est l'investissement que j'ai fait en janvier ou février 2000 dans la société technologique Isee3D.

Le moment était très bien choisi pour investir à l'époque, vous en conviendrez... Je verse dans l'ironie, bien entendu. Le Nasdaq était à son apogée, et nous étions dans une bulle techno sur le point d'éclater.

J'avais sorti 500 $. Un collègue de travail m'avait recommandé le titre et j'avais suivi le conseil. Erreur fatale : sa valeur a fondu comme neige au soleil dans la foulée de l'éclatement de la bulle techno.

Au moment de liquider, quelques mois plus tard, ma mise initiale de 500 $ ne valait plus que quelques dizaines de dollars.

Des leçons de l'aventure ?

Primo, il ne faut ne jamais se fier à quelqu'un - un collègue, un ami, un membre de la famille - qui vous suggère d'acheter un titre. Il faut faire sa propre évaluation.

Secundo, il faut savoir où l'on se trouve dans le cycle boursier (au début, au milieu, à la fin ?). Cette information est essentielle pour jauger le risque.

Tertio, il faut faire ses devoirs. Cela peut impliquer de se former en conséquence. C'est un paradoxe : nous suivons des cours de conduite, de musique, de cuisine. Mais rarement suivons-nous formations pour savoir comment investir.

Les années ont passé. Les enfants ont grandi. Et à partir de 2007-2008, juste avant la crise financière, j'ai commencé à planifier tranquillement mon retour en Bourse.

Entre-temps, j'avais suivi le Cours sur le commerce des valeurs mobilières (CCVM), et j'avais surtout commencé à lire des livres sur l'investissement et l'ADN des entreprises à succès.

Un essai publié en 2001 m'a particulièrement inspiré, soit Good to Great: Why Some Companies Make the Leap... and Others Don't de Jim Collins.

Dans ce livre, l'auteur explique pourquoi certaines entreprises performent beaucoup mieux que d'autres. Et l'une de ces raisons est la qualité et la vision de la direction. Parmi les sociétés à succès, Jim Collins mentionnait la banque américaine Wells Fargo (WFC, 45,24 $ US) - aujourd'hui impliquée dans un scandale lié à ses objectifs commerciaux.

J'ai donc commencé à m'informer sur cette société, et ce, de ses résultats financiers à sa performance boursière. À l'époque, l'actualité donnait des sueurs froides, avec la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008.

Patient, j'ai attendu pour voir un peu ce qui allait se passer, même si j'avais les fonds pour investir.

Comme la plupart des titres, celui de Wells Fargo a dégringolé, fondant de moitié en six mois pour descendre à 14 $ US, en mars 2009.

De mémoire, j'ai acheté le titre dans les mois suivants, quand il s'est mis à remonter. Je l'ai payé 15 ou 16 $ US environ.

Un an plus tard, l'action de Wells Fargo avait plus que doublé à 31 $. Elle a légèrement reculé par la suite, pour toutefois remonter de manière prononcée dans les années suivantes.

J'ai gardé ce titre environ un an, ce qui m'a permis de réaliser un rendement de près de 100 %. 

DANIEL GERMAIN

J'ai croqué dans la pomme, mais j'aurais dû mieux écouter Buffett

Je suis un piètre investisseur. En fait, exprimer la chose de cette façon pourrait me valoir des accusations pour usurpation. Je ne suis pas un investisseur du tout. Je n'ai jamais lu un rapport annuel dans le cadre d'un placement. J'ignore les ratios financiers des entreprises que j'ai en portefeuille. La plupart des titres que j'ai achetés l'ont été à la suite de recommandations d'analystes, des gens en qui pourtant je n'ai pas très confiance.

Alors, quand François Pouliot m'a demandé de participer à ce projet d'article, j'ai immédiatement protesté. Il n'y a aucune leçon à tirer de mon expérience.

Devenir investisseur nécessite un minimum de passion, une sorte de plaisir irrationnel à pratiquer des activités difficiles à aimer, comme l'étude des entreprises et de leur environnement d'affaires. J'ai rarement vu des gens s'y consacrer de manière désinvolte, à temps perdu, et pour qui ça a marché. Investir, c'est s'investir. Moi, ça m'ennuie. Je préfère cuisiner, et c'est ce qui me distingue de celui qui me pousse à écrire ces lignes et pour qui manger est un impératif au même titre que de faire le plein de sa Honda Civic : une plate nécessité pour fonctionner.

Ma grande erreur

Alors, faire la recension de mes erreurs serait aussi fastidieux pour vous que pour moi. Mais si je devais en confesser une seule, ce serait de ne pas m'en être assez tenu aux sages enseignements du plus grand investisseur vivant, Warren Buffett, qui conseille aux indifférents dans mon genre de se limiter à l'achat de parts de fonds indiciels négociés en Bourse.

Mon meilleur coup : croquer dans la pomme

Je me souviens encore, alors que je jouais au baseball dans la ligue pee-wee de Shawinigan-Sud, de ce coup sûr inusité dont j'ai été crédité. Le lanceur adverse avait dirigé la balle derrière ma tête, touchant le gros bout du bâton incliné au-dessus de mon épaule. Cet amorti totalement loufoque allait changer l'allure du match.

Ainsi en est-il de mon portefeuille, dont la performance générale est nettement améliorée par la présence d'un seul titre : Apple. Honnêtement, le choix n'a pas été aussi fortuit que le fameux bunt, mais il a été tout aussi providentiel.

Je travaille sur des produits de la firme californienne depuis l'époque des Macintosh SE, à une exception près : j'ai acheté un ordinateur générique (un clone) fonctionnant sous Windows en 1997, l'année où l'entreprise avait touché les bas fonds, juste avant le retour de Steve Jobs. J'ai assisté par la suite à la relance d'Apple, avec la sortie du premier iMac, d'OS X, puis de l'iPod. J'ai regardé les actions monter et monter en me disant, comme les locataires qui observaient les prix de l'immobilier durant les années 2000, que ça allait redescendre. Les succès de l'iPhone et le trésor de guerre croissant de l'entreprise ont fini par me convaincre du contraire. J'ai donc acheté mes premières actions de l'entreprise au début des années 2010. Des années plus tard, et après que le titre eut été divisé par sept, je n'ai qu'un seul regret : celui de ne pas avoir conservé tout l'argent que j'ai dépensé dans les produits de l'entreprise pour l'investir dans son capital action.

YANNICK CLÉROUIN

Oublier l'analyse technique, favoriser la lecture de plage

Entrons immédiatement dans le vif du sujet. Ma pire erreur : l'analyse technique.

L'une de mes plus grandes leçons d'investisseur, qui s'est aussi révélée l'une de mes plus coûteuses, a été la première fois - et la dernière - que j'ai décidé d'acheter un titre selon les critères de cette approche. Une personne de mon entourage, qui se vantait des coups d'argent réalisés grâce à cette forme d'analyse, m'avait alors convaincu que tous les astres étaient techniquement alignés pour un rebond du titre de la défunte société de biotechnologies montréalaise ConjuChem. Malheureusement, la savante analyse des graphiques réalisée par cette personne n'a pas abouti au scénario promis. Au contraire, le titre a poursuivi sa descente aux enfers. Je l'avais vendu tout juste avant qu'il ne sombre complètement, avalant une perte d'au moins 80 % - j'aime mieux ne pas me souvenir de la perte réelle. Voilà qui m'a persuadé que l'analyse technique n'était pas faite pour moi. Si je m'étais fié à mes connaissances sur le secteur des biotechs et aux développements entourant la société, j'aurais à l'époque vite écarté cette entreprise très fragile. Une leçon coûteuse, certes, mais qui m'a placé sur le droit chemin de l'analyse fondamentale.

Une lecture de plage payante

C'est sur une plage du Mexique, lors de mes vacances estivales de 2012, que j'ai eu un moment eurêka à propos du distributeur de pièces automobiles américain O'Reilly Automotive (ORLY, 262,70 $ US).

Le rapport annuel - eh oui, j'en lis durant mes vacances - m'a convaincu de la qualité de cette entreprise détenue de longue date par le gestionnaire de portefeuille François Rochon, de Giverny Capital.

Je ne veux pas m'attarder sur l'ascension du titre, mais plutôt sur les attributs qu'un investisseur à long terme doit rechercher dans une entreprise.

O'Reilly revêtait plusieurs caractéristiques d'un placement attrayant : une solide équipe de direction, une obsession du service à la clientèle, une position dominante dans son industrie, un fort potentiel de croissance, un marché peu dicté par les cycles économiques, un solide bilan, un rendement du capital élevé, etc. Seul hic, l'évaluation n'était pas de la partie. Une occasion s'est toutefois présentée peu de temps après, en raison des craintes de ralentissement dans l'industrie. Sa valorisation a monté de façon importante depuis, ce qui le rend moins attrayant. Mais pour l'essentiel, c'est le genre de placements qu'on rêverait de dénicher plus souvent.

STÉPHANE ROLLAND

Si j'avais pu mieux me tromper

Ma pire erreur boursière a été commise... par quelqu'un d'autre. Mon conjoint a perdu 2 000 $ en investissant dans Bombardier (BBD.B, 1,81 $). Il a «pris pour du cash» une réflexion maladroite que j'aurais dû garder pour moi. Il s'en est mordu les doigts ; et moi, je me suis mordu la langue.

Les faits embarrassants remontent à 2010. Je faisais mes premières armes à l'actualité générale au site Web lesaffaires.com. Disons que j'étais au début de ma courbe d'apprentissage : mes connaissances de la Bourse étaient à peaufiner. Quatre dollars pour l'action de Bombardier est une aubaine pour une entreprise aussi admirée que ce fleuron québécois, pensais-je alors. Je n'étais pas au fait de ce qu'était un multiple. Je ne savais pas que la valeur nominale d'une action ne voulait pas dire grand-chose.

J'ai partagé cette réflexion à ma douce moitié un soir après le travail. On parlait de tout et de rien. Je ne pensais pas que la narration de mes activités de la journée deviendrait une recommandation d'achat, bien malgré moi. Lui aussi en début de carrière, il était pressé de tirer parti de son récent «pouvoir d'épargne». Au final, mon chum a perdu les deux tiers de son investissement de 3 000 $. Depuis, je reste discret quand des proches me parlent de la Bourse et des finances personnelles.

À ma défense, bien des experts partageaient la même opinion à l'époque. Leurs raisonnements étaient mieux étayés, bien sûr, mais nous commettions malgré tout la même erreur. Comme quoi, aussi instruit que vous soyez au sujet de la Bourse, il ne faut jamais sous-estimer ce que vous ignorez.

L'ironie de l'histoire, c'est que j'avais eu la même impression pour l'action d'Air Canada (AC, 12,19 $) qui s'échangeait sous les 2 $. Le dénouement aurait été bien différent avec le transporteur aérien.

Les 3 000 $ de mon copain vaudraient 22 000 $ aujourd'hui. Il est vrai que l'investissement aurait été soutenu par un raisonnement erroné, mais je suis sûr qu'il aurait préféré faire cette erreur.

Mon meilleur coup est moins croustillant. Je préfère investir dans des fonds négociés en Bourse (FNB) plutôt que de choisir des titres individuels. J'évite ainsi d'écrire sur des actions que je détiendrais dans mon portefeuille. Je trouve que je sers mieux nos lecteurs ainsi. Cette prudence ne m'empêche pas de faire de bons coups. Mon fonds indiciel reproduisant le S&P 500 sans protection contre le risque de devise a procuré un rendement de 40 % en 2013. Ce n'est quand même pas si mal...

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