Les robots-conseillers débarquent!

Offert par Les affaires plus


Édition de Novembre 2015

Les robots-conseillers débarquent!

Offert par Les affaires plus


Édition de Novembre 2015

Par Philippe Jean Poirier

Les blogueurs financiers en parlent depuis un certain temps déjà. Mais cette fois, c'est vrai : les robots-conseillers ont fait leur entrée dans le marché canadien, et ils sont solidement implantés. Leur confieriez-vous votre argent ?

«C'est en découvrant le montant des frais de gestion que je payais dans une banque traditionnelle que j'ai commencé à chercher une solution de rechange pour placer mon argent», confie Joshua Colp, 28 ans, un développeur informatique de Moncton.

Comme bien des jeunes adultes, Joshua Colp s'est tourné vers le Web pour résoudre son problème : «J'ai lu un article flatteur à propos de Wealthsimple et de leurs robots-conseillers. J'ai décidé d'ouvrir un compte».

Start-up de Toronto qui vient tout juste de lancer ses activités, Wealthsimple est un des premiers acteurs canadiens à proposer une formule de robot-conseiller pour gérer ses placements financiers.

Il faut dire que le phénomène est encore nouveau au Canada. Joshua Colp peut en témoigner : il est le premier de son entourage à utiliser de tels services. Qui plus est, le sujet ne semble pas encore s'être ébruité au-delà des cercles de la finance et des technos.

Autrement dit, on est loin de la ruée que ces outils ont suscitée aux États-Unis. «Difficile de passer à côté, s'exclame au bout du fil Tricia Rothschild, conseillère principale chez Morningstar. Ici, à Chicago, tous les taxis de la ville font de la publicité pour une des grandes firmes de robot-conseil !»

Parmi les entreprises les plus en vue, on trouve de grands noms comme Charles Schwab et The Vanguard Group, mais aussi de jeunes entreprises comme Betterment, FutureAdvisor ou Wealthfront. Et elles ont des milliards de dollars d'actif sous gestion automatisée, la plupart du temps sous forme de fonds négociés en Bourse (FNB).

Au Canada, l'avancée est plus timide. Mais on remarque que les joueurs placent leurs pions. Au printemps, la Financière Power, qui détient notamment Groupe Investors, a investi 30 millions de dollars dans Wealthsimple. Et le groupe médiatique Metroland, 1,5 million de dollars dans Nest Wealth. ShareOwner et Invisor se battent également pour se tailler une place. Quant à Gestion de patrimoine Assante, elle dit «surveiller ce qui se passe de très près».

Au Québec, les services sont plus rares. Et on ne trouve rien encore en français. WealthBar, un robot-conseiller installé à Vancouver, offre actuellement ses services au Québec et s'est donné pour objectif de traduire sa plateforme en français d'ici la fin de l'année.

Lentement mais sûrement, l'offre prend forme tant au Québec que dans le reste du Canada. Mais que sont au juste les robots-conseillers ? Quels sont leurs avantages, leurs risques ? À qui s'adressent-ils ? Et surtout, quel sera leur impact sur le secteur financier ?

Portrait du robot-conseiller

À la base, il s'agit d'automatiser la gestion et le rééquilibrage d'un portefeuille au moyen d'un algorithme sophistiqué pour le faire correspondre au profil de risque choisi par le client. Par la suite, le client consultera son portefeuille avec une application Web, afin de réduire au minimum les interventions d'un conseiller.

Forcément, cela a pour conséquence de réduire les frais de gestion. Aux États-Unis, une firme comme Charles Schwab peut ainsi se permettre d'offrir des placements sans frais de gestion. Au Canada, Wealthsimple a abaissé les siens jusqu'à 0,6 % et 0,25 %, selon la somme investie (des frais qui normalement dépassent les 2 %).

Ces portefeuilles sont pour la plupart composés de FNB et ont une approche passive établie sur le long terme. Il y a toutefois des exceptions : la firme Invisor propose pour sa part un portefeuille de fonds communs de série F, moyennant des frais de gestion qui varient entre 0,2 et 0,3 %.

Assante considère également cette option : «Le fonds commun est un outil bien structuré pour cette tâche-là, suggère Éric Lauzon, vice-président, région de l'Est-du-Canada chez Assante. Il nécessite peu d'intervention humaine. On ne rééquilibre pas ce type de portefeuille tous les jours.»

Quant à savoir si le robot-conseiller vaut mieux que le conseiller, difficile de trancher : il faut savoir que de nombreux conseillers utilisent déjà des logiciels pour l'analyse du risque et le rééquilibrage du portefeuille. Et qu'au final, la stratégie reste la même : suivre les indices boursiers.

L'être humain a encore sa place 

Fait rassurant : les clients canadiens pourront encore parler à des êtres humains, et ce, même s'ils optent pour un robot-conseiller. En effet, la loi oblige les firmes canadiennes à attitrer un conseiller «humain» à chaque client.

David Nugent, gestionnaire de portefeuille chez Wealthsimple, reconnaît toute l'importance d'un conseiller, et ce, malgré le modèle d'affaires de son entreprise : «Je crois qu'un conseiller est d'une grande valeur dans certaines circonstances. Cependant, tout le monde n'a pas besoin d'un conseiller à temps plein...»

Éric Lauzon renchérit sur le rôle du conseiller : «Il restera toujours essentiel dans certains cas très précis : la période des REER, par exemple, lorsqu'on obtient une rentrée d'argent importante, pour établir une stratégie fiscale ou encore pour gérer un héritage».

Éventuellement, les robots-conseillers permettront peut-être de séparer les frais de gestion des frais de planification. Autrement, le conseiller utilisera un robot-conseiller afin de diminuer ses frais de gestion au minimum.

Peut-on en conclure que les nouvelles sont bonnes pour les investisseurs ? «L'arrivée des robots-conseillers a certainement un effet bénéfique, pense la conseillère Tricia Rothschild. Ça permet à un plus grand nombre d'individus d'avoir plus d'options pour investir et épargner.»

«Je crains cependant que les gens ne prennent pas le temps de bien comprendre ce genre de produits automatisés, axés sur les FNB... Quand le marché descendra, plusieurs seront tentés de retirer leur argent, alors que c'est le meilleur moment pour investir», ajoute-t-elle.

La chute boursière survenue à la fin de l'été constituait d'ailleurs un bon test pour les robots-conseillers. Chez Wealthsimple, on assure ne pas avoir été submergé d'appels de panique. «Au contraire ! lance David Nugent. J'ai reçu plusieurs courriels de gens qui voulaient savoir s'ils devaient investir davantage, pour profiter du rebond... Nos clients comprennent qu'on propose une approche à long terme.»

Joshua Colp, qui utilise Wealthsimple depuis deux mois, fait partie de cette catégorie : «Ce jour-là, j'étais loin de paniquer. Je regrettais surtout de ne pas avoir plus d'argent à placer !»

À qui s'adresse ce service ?

Ce n'est un secret pour personne : ce nouveau service financier vise d'abord et avant tout les Millennials, qui ont de 25 à 35 ans. La génération Y, comme on l'appelle aussi, adepte du do-it-yourself et très à l'aise avec les technos.

Il s'agit d'une bonne corrélation. Cette tranche d'âge a peu recours aux services d'un conseiller (16 % des jeunes adultes américains seulement utilisent les services d'un conseiller financier, selon un sondage de Wells Fargo). Et les conseillers ne convoitent pas cette clientèle non plus (30 % d'entre eux seulement cherchent activement à les rejoindre, selon le même sondage).

Joshua Colp, quant à lui, ne voit carrément pas l'utilité d'un conseiller : «Les banques traditionnelles et les institutions de placement servent surtout à ceux qui ont besoin de sentir qu'on veille sur eux...»

Les firmes de robots-conseillers ont ainsi employé les grands moyens pour rejoindre les Millennials. Prenons Wealthsimple. Très active sur les médias sociaux, sa campagne est axée notamment sur l'endettement étudiant, un thème cher aux jeunes. La firme s'est également assurée d'être accessible en n'exigeant aucun montant minimum d'investissement à condition qu'on s'engage à faire des virements préautorisés.

Pour l'instant, le pari semble réussir : aux États-Unis, une firme comme Wealthfront déclare que 60 % de sa clientèle sous gestion automatisée a moins de 35 ans.

Il s'agit cependant d'un marché de niche, concède David Nuget. «Nous voulons rejoindre une clientèle qui n'a pas un grand besoin de conseil financier, mais qui souhaite un meilleur rendement que ce que les grandes institutions peuvent lui offrir.»

Par ailleurs, David Nugent constate avec surprise que ce message trouve aussi un écho chez les baby-boomers. «Ils entendent parler de nous par leurs enfants. C'est le monde à l'envers : ce sont les enfants qui apprennent à leurs parents à investir !»

Aux États-Unis, une étude de la firme Spectrem témoigne de cette adhésion des boomers : la moyenne d'âge des utilisateurs de robots-conseillers serait de 55 ans.

Éric Lauzon n'est pas surpris : «Beaucoup de personnes plus âgées vont sur Internet pour effectuer des opérations bancaires, confirme-t-il. Il y en a beaucoup plus qu'on le pensait il y a seulement quelques années.»

Bientôt, les grands acteurs

Financière Power n'est pas la seule institution à surveiller ce marché en pleine émergence. Après l'arrivée de start-up comme Nest Wealth, Wealthsimple et ShareOwner, ce sera bientôt au tour des grandes banques de dévoiler leur jeu. Et grâce à leurs plateformes de courtage en ligne, elles ont déjà toutes les cartes en main pour prendre le virage automatisé.

Dan Hallett, vice-président et directeur chez HighView Financial Group, cite l'exemple de BMO dans le Globe and Mail : «Il n'y a aucune raison qu'elle ne se lance pas, écrit-il. Elle a la plateforme, et elle se targue d'avoir les plus grandes familles de FNB de tout le réseau bancaire canadien, ce qui la place en parfaite position pour devenir un robot-conseiller géant. RBC - dont la famille de FNB est en croissance - peut en faire autant. Tout comme TD ou CIBC, qui possèdent les fonds communs les moins coûteux.»

Les petites firmes n'ont qu'à bien se tenir, conclut-il.

Le futur de l'industrie

Il n'est de toute façon pas question de faire marche arrière, croit Éric Lauzon. L'automatisation de la gestion financière est un incontournable, selon lui. «Ce n'est déjà plus un choix pour une institution, et ça ne représente pas une plus-value. Les institutions devront l'offrir si elles veulent survivre.»

Ça ne plaît pas à tous : «L'arrivée des robots-conseillers est perçue avec beaucoup de nervosité chez les conseillers financiers», concède le représentant d'Assante. Il ne croit toutefois pas que cette automatisation se fera à leur détriment : «Plusieurs conseillers travaillent déjà avec les nouveaux outils technologiques, qui rendent la livraison de leurs services plus efficace et plus rentable».

Tricia Rothschild résume la situation ainsi : «Cette nouvelle tendance du robot-conseil est en phase avec d'autres tendances observées dans plusieurs industries : soit une importance grandissante de la technologie et de l'automatisation». Une tendance difficile à renverser, donc.

Ce qu'il faut comprendre, en fin de compte, c'est qu'un jour, notre argent sera probablement géré par des robots, qu'on le veuille ou non, avec l'aide d'un conseiller ou non. Autant se faire à l'idée !

NOUVELLE TECHNOLOGIE, ANCIENNES RÉTICENCES

Les robots-conseillers sont la dernière manifestation de la longue évolution technologique qui a transformé le secteur bancaire depuis une vingtaine d'années.

Entre autres, le guichet automatique, les services bancaires en ligne, le courtage en ligne, et maintenant, les services-conseils de placement en ligne.

Accueillis au départ avec appréhension, la plupart de ces changements ont en fin de compte donné aux consommateurs plus de liberté et d'autonomie, avec quelques économies au passage.

LE FNB : PREMIER OUTIL DES ROBOTS- CONSEILLERS

Selon les architectes qui ont conçu les robots-conseillers, le fonds négocié en Bourse (FNB) est le placement de choix. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit généralement d'un type de fonds passif établi avec des objectifs à long terme et qui exige un minimum d'interventions. Ces fonds sont rééquilibrés périodiquement quand les titres qu'ils contiennent s'éloignent des cibles définies.

AVANTAGES DU FNB 

 

  • Impact fiscal réduit par rapport aux fonds communs 
  • Frais de gestion faibles 
  • Transparence sur le plan de la composition du portefeuille (titres)
  • Rééquilibrage facile

 

INCONVÉNIENTS DU FNB

 

  • On ne choisit pas les titres individuellement
  • Peu de chance de surpasser le marché, contrairement à des placements plus dynamiques

 

À la une

L’éclipse totale a eu un impact positif sur le tourisme des Cantons-de-l’Est

Il y a 6 minutes | La Presse Canadienne

Tourisme Cantons−de−l’Est fait état d’au moins 55 000 visiteurs de l’extérieur de la région seulement le 8 avril.

JP Morgan: la tendance haussière est-elle à risque?

Il y a 59 minutes | Jean Gagnon

BOUSSOLE BOURSIÈRE. Le récent recul du titre de JP Morgan a-t-il de quoi inquiéter?

Les premiers ministres canadiens sont «préoccupés» par le dernier budget fédéral

Il y a 20 minutes | La Presse Canadienne

Les premiers ministres indiquent que le dernier budget fédéral aura des «répercussions directes» sur leur propre budget.