Les rachats d'actions pourraient dépasser les 800 milliards $US en 2018

Publié le 29/03/2018 à 06:33

Les rachats d'actions pourraient dépasser les 800 milliards $US en 2018

Publié le 29/03/2018 à 06:33

Par AFP

Cisco, Boeing, Adidas, Total... Les annonces de programme massifs de rachats d'actions se succèdent, suscitant le plaisir des actionnaires et les critiques de leurs détracteurs.

Le phénomène n'est pas nouveau, mais l'année 2018 devrait être particulièrement riche en opérations de ce type. Selon la société de recherche financière américaine TrimTabs, les annonces de rachats d'actions ont déjà atteint plus de 226 milliards de dollars aux Etats-Unis depuis le début de l'année.

Un analyste de JP Morgan anticipe 800 milliards de dollars en 2018 pour les seules entreprises de l'indice S&P500, contre 530 milliards en 2017, grâce notamment à la réforme fiscale de Donald Trump.

Profitant de la croissance mondiale, les entreprises ont en effet engrangé beaucoup de bénéfices en 2017. Et elles décident de redistribuer cette manne de liquidités, que ce soit sous forme de dividendes ou de rachats d'actions, une tradition plus ancrée aux États-Unis qu'en Europe où ces programmes sont cependant fréquents.

«Les rachats d'actions sont une option qui permet une plus grande souplesse que les dividendes. Mais pour les actionnaires, cela revient à la même chose, exception faite de l'aspect fiscal», observe auprès de l'AFP William De Vijlder, chef économiste de BNP Paribas.

A quoi sert-il donc de racheter ses actions? L'opération présente plusieurs avantages pour l'entreprise. D'abord, en réduisant le nombre d'actions existantes, le bénéfice par action est mécaniquement amélioré. Cela peut être une façon d'atteindre les attentes du marché mais aussi, en provoquant une hausse du cours du titre, de récompenser les actionnaires et de doper la rémunération des dirigeants.

«Les dividendes et les rachats d'actions ont doublé en 15 ans», observe Christophe Moussu, professeur à l'ESCP Europe et au laboratoire sur la régulation financière LabEx ReFi. «La rémunération incitative des dirigeants, fondée sur la valeur de l'action, est sans doute derrière cette montée des rachats.»

Compression des salaires

Plébiscités par les actionnaires, ces programmes, qui peuvent atteindre plusieurs milliards d'euros, sont toutefois décriés par de nombreux acteurs du secteur financier, qui leur reprochent une vision à court terme.

Larry Fink lui-même, le PDG de BlackRock, plus gros gestionnaire d'actifs au monde, s'est exprimé publiquement contre les rachats lorsqu'ils se font au détriment d'une stratégie de développement à long terme.

Rachats d'actions riment-t-ils avec recul de l'investissement? Trouver un consensus sur la question semble mission impossible. Mais selon une étude de 2015 de l'économiste américain Heitor Almeida, les rachats, lorsqu'ils sont faits pour améliorer un bénéfice par action inférieur aux attentes, peuvent avoir un effet nocif sur les autres politiques de l'entreprise, dont la recherche-développement.

«Quand une entreprise rachète des actions, cela veut dire qu'elle n'a pas mieux à faire de son cash, ce qui est relativement inquiétant sur ses perspectives d'investissement»" estime Patrick Artus, chef économiste chez Natixis.

«Il y a un sujet, mais est-ce un problème? On peut aussi se demander comment les actionnaires acceptent des entreprises qui ont beaucoup trop de cash, ce qui signifie alors qu'une partie de l'actif n'apporte rien», avance de son côté William De Vijlder.

Pour Patrick Artus, ces programmes se font en réalité au détriment des salaires. «Les entreprises américaines investissent énormément. L'arbitrage n'est donc pas sur cela, mais plutôt sur les salaires, avec une compression importante depuis 20 ans», juge-t-il.

Une analyse partagée par Christophe Moussu: «Le fait d'être plus contraint financièrement, de ne pas laisser d'argent dans l'entreprise, va pénaliser d'autres formes d'investissements plus difficiles à mesurer. Mais c'est aussi une façon d'avoir une pression plus importante sur les salaires.»

Les rachats d'actions pourraient toutefois générer un phénomène moins connu, susceptible de se révéler bénéfique, selon M. Artus. En raison des rachats d'actions, «il y a deux fois moins d'entreprises cotées aux Etats-Unis qu'il y a vingt ans. Le capitalisme américain devient progressivement non coté», décrit l'économiste.

Le recours au capital-investissement plutôt que le passage par le marché actions créerait «moins de pression court-termiste», ajoute le spécialiste. «Peut-être cela a-t-il un effet positif, sur le long terme, sur le capitalisme américain», anticipe-t-il.

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