«Les marchés émergents ont pris du galon»


Édition du 12 Février 2020

«Les marchés émergents ont pris du galon»


Édition du 12 Février 2020

Par Dominique Beauchamp

Basée à ­Londres, la gestionnaire de portefeuille fait partie de l’équipe qui gère entre autres le ­Fonds de marchés émergents ­Templeton. Avant de joindre cette firme, ­Nicole ­Vettise a travaillé chez ­BlackRock, ­RBC ­Gestion mondiale d’actifs et J.P. Morgan ­Asset ­Management. (Photo: courtoisie)

À PORTEFEUILLE OUVERT. 

LES AFFAIRES - La croissance supérieure des pays émergents est bien connue. Ça n'a pas empêché leurs marchés d'offrir de piètres rendements dans le passé. Pourquoi méritent-ils qu'on s'y intéresse à nouveau ?

Nicole Vettise - Les investisseurs accordent une part inadéquate de leur portefeuille à ces marchés qui ont pourtant bien changé depuis la crise de la dette mexicaine en 1994 ou celle du baht thaïlandais en 1998. Ces marchés sont plus résilients qu'avant grâce à l'augmentation de leurs réserves de monnaie, à une plus grande proportion de dettes émises localement, aux taux de change plus flexibles et aux réformes bancaires. Ils sont aussi moins tributaires qu'avant du cours des matières premières. On a pu observer cette résilience récemment : les déboires en Turquie et en Argentine n'ont pas eu l'effet de contagion qu'ils auraient eu il y a 20 ans.

L.A. - Comment investissez-vous dans ces marchés hétéroclites ?

N.V. - Puisque la composition de notre fonds ressemble peu à l'indice de référence, une grande part du rendement provient de nos décisions d'investissement. Des quelque 70 à 100 titres que nous détenons, les dix principaux placements, nos plus grandes convictions, représentent 42 % du portefeuille. Bien sûr, la trêve commerciale entre la Chine et les États-Unis, le recul des taux américains et un billet vert moins fort sont bienvenus et atténueront les vents contraires qui pesaient sur ces marchés. Nous préférons toutefois miser sur leur plus grande diversification économique où l'innovation technologique et la consommation occupent de plus en plus de place. Les secteurs de la nouvelle économie représentent désormais presque la moitié de l'indice MSCI Marchés émergents. Pour couronner le tout, ces marchés sont peu coûteux en fonction de leurs perspectives.

L.A. - Quels repères suivez-vous ?

N.V. - Je ne crois pas que les investisseurs réalisent que les bénéfices et les dividendes représentent une plus grande part du rendement annuel moyen dans ces marchés. Entre 1999 et la fin de 2018, la croissance annuelle moyenne de 9,6 % des bénéfices a procuré 10 % des rendements. Les dividendes, pour leur part, ont ajouté un 3 % au rendement annuel composé de la dernière décennie. L'évaluation des cours et les devises, pour leur part, ont perdu de leur influence. En même temps, les entreprises ont réduit leurs dettes et ont accru leurs flux de trésorerie excédentaires. Les marchés émergents sont aussi moins chèrement évalués que les marchés développés alors que la croissance prévue de 15 % des bénéfices en 2020 et de 13,2 % en 2021 est supérieure à celles de 9,4 % et de 11,2 % pour la Bourse américaine. Le retard des marchés émergents depuis 10 ans (rendement de 4 %) par rapport aux actions américaines de grande capitalisation (13,6 %), par exemple, leur confère en principe plus de potentiel.

L.A. - Pouvez-vous nous donner des exemples de vos placements thématiques ?

N.V. - La banque brésilienne Bradesco, la banque russe Sberbank et la banque indienne ICICI Bank sont trois institutions de qualité pour profiter de la pénétration croissante du crédit dans ces pays. Le fabricant de puces Taiwan Semiconductor Manufacturing Co. bénéficiera pour longtemps du déploiement du 5G et des appareils connectés. À plus court terme, le cycle de son industrie semble vouloir rebondir tandis que son empreinte manufacturière lui procure un avantage concurrentiel à long terme. La « prémiumisation », soit les dépenses de luxe, est aussi une tendance lourde. Nous détenons par exemple le partenaire chinois de BMW, Brillance China Automotive Holdings, ainsi que le franchiseur ontarien de cinémas à écran géant Imax.

L.A. - Étant donné votre préférence pour les titres bon marché, avez-vous sauté sur des occasions pendant les soubresauts boursiers de 2019 ?

N.V. - Nous avons acheté le fabricant de lentilles de caméra Sunny Optical, dont l'évaluation a baissé en raison des attaques américaines contre son client Huawei. Notre accès aux dirigeants nous a permis de mieux comprendre la situation. Les revenus perdus seraient vite récupérés en vendant leurs produits au concurrent Samsung. Nous n'avons pas peur de dévier de l'indice non plus. Quelque 30 de nos placements ne figurent pas dans l'indice de référence. Nous détenons par exemple l'hôtelier et propriétaire de casinos NagaCorp, du Cambodge. L'entreprise profite du tourisme chinois, respecte les règles locales qui encadrent son industrie et distribue son surplus de capital aux actionnaires.

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