Les épargnants extrêmes

Offert par Les affaires plus


Édition de Mai 2016

Les épargnants extrêmes

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Édition de Mai 2016

Ils rognent sur tout, ne dépensent que pour l'essentiel - et encore. Parfois, un revenu dans les six chiffres aide à épargner, mais d'autres y arrivent avec des salaires bien plus modestes. Comment font-ils ?

L'an dernier, Yves et sa conjointe ont épargné 64 % de leur revenu net. Pendant quatre ans, Svitlana est parvenue à accumuler près de 30 000 dollars en se serrant la ceinture jusqu'au dernier cran. Et Alyssa, fraîchement diplômée en biologie moléculaire, a un plan pour prendre sa retraite à 40 ans...

Alors que Statistique Canada estimait à 2,7 % le taux d'épargne moyen des ménages québécois en 2013, ces oiseaux rares réussissent à accumuler d'importantes sommes en peu de temps. Voici leurs secrets.

Rigueur et frugalité

Yves est professeur d'université à Montréal, sa conjointe travaille pour une organisation communautaire. Or, bien que le revenu annuel brut du ménage s'élève à 160 000 dollars, le couple et leurs deux enfants semblent bien frugaux.

Toujours locataires, ils se déplacent surtout à vélo et en transport en commun. Ils tiennent un budget qu'ils respectent scrupuleusement. Ils consignent chaque dépense dans un fichier Excel et s'appliquent à couper tout le gras possible.

Cette année, par exemple, la famille a déménagé dans un logement où le chauffage est inclus dans le prix du loyer afin d'épargner entre 200 et 250 dollars par mois en frais d'électricité, et 150 dollars par année en assurance.

Le rapport qu'Yves entretient avec l'argent ne fait cependant pas l'unanimité.

Son frère le dit «cheap», et sa mère le compare aux Bougon. Aux yeux de ses proches, son train de vie modeste détonne par rapport à son salaire et à son statut social. «C'est riche, mais ça vit comme des pauvres !» lui aurait dit sa mère. Yves avoue se sentir «un peu incompris» lorsqu'il est question de ses finances.

Néanmoins, il qualifie sa situation personnelle et professionnelle d'«idyllique».

Si sa mère déplore ses choix qui ne reflètent pas la réussite de son fils, Yves trouve pourtant «logique» ce souci d'épargner. Pour lui et pour sa femme («elle est probablement moins dépensière que moi», souligne-t-il), cette attitude est le fruit d'une réflexion mûrie sur la consommation et sur le bonheur, deux éléments qu'ils ont appris à dissocier.

Liberté, famille, environnement

Évoquant les choix des familles qui les entourent, Yves se dit sidéré par les mensonges de la société de consommation : «C'est fou ! Les gens font plein de dépenses qui ne les rendent pas heureux. Est-ce qu'on est vraiment plus heureux avec une maison ? Avec une voiture ? Non. Ensuite, il faut travailler davantage pour payer tout ça...»

L'universitaire valorise plutôt la liberté. Ce qui le motive à épargner, «c'est moins la retraite que la liberté de pouvoir me lever le matin sans être obligé d'aller travailler. De pouvoir investir mon temps et mon énergie dans ce qui me passionne vraiment». Pour l'instant, l'enseignement reste sa passion, mais son pactole lui permettrait de quitter son emploi si ce n'était plus le cas.

Et les résultats sont impressionnants. Un an à peine après la fin du doctorat d'Yves, le couple possède déjà un actif de plus de 400 000 dollars placés dans un CELI et des REER.

Dominic Lapointe, gestionnaire de patrimoine au Groupe DeVimy, admet que les «épargnants extrêmes» de la trempe d'Yves et de sa conjointe ne se ruent pas aux portes de son cabinet.

«Dans mon quotidien, je me bats avec les jeunes pour qu'ils économisent... et je me bats avec les plus vieux pour qu'ils dépensent !» dit-il.

Selon son expérience, l'épargne extrême est surtout un phénomène qui touche les gens plus âgés. «J'ai des clients à la retraite qui ont amplement d'argent, mais qui continuent à épargner, ajoute-t-il. On est comme on est : si on a épargné toute sa vie, on aura beaucoup de mal à dépenser... même si on en a les moyens.»

L'épargne serait donc moins une contrainte que l'on s'impose qu'un mode de vie qui va de soi.

Objectif : la retraite à 40 ans

Pour Alyssa Mitchell, l'épargne est aussi un moyen de se libérer de l'obligation de travailler. Cette finissante à la maîtrise en biologie moléculaire compte enseigner pendant une quinzaine d'années avant de mettre fin à sa carrière. En prévision de cette retraite plus que précoce, elle estime qu'il lui faudra mettre de côté entre 625 000 et 800 000 dollars.

Sa première cible est cependant le remboursement de 20 000 dollars de dettes d'études. Malgré son maigre revenu d'étudiante, elle a jusqu'à maintenant accumulé 10 000 dollars à cette fin. Elle croit être en mesure de rembourser l'autre moitié de son prêt dans les six mois qui suivront l'obtention de sa maîtrise.

Dès l'enfance, cette Néo-Écossaise d'origine s'est mise d'instinct à l'épargne : «Je gardais tout l'argent que je recevais en cadeau, confie-t-elle. J'avais souvent plus d'argent en poche que mes parents !» Cette épargnante-née a tout de même eu un modèle en la matière : son grand-père, un comptable qui «a toujours aimé parler d'argent et des manières de le maximiser».

Sans compter qu'Alyssa dépense peu. Elle cuisine beaucoup, et son alimentation végétarienne l'aide à économiser : «Les haricots, c'est beaucoup moins cher que la viande !»

L'application Mint, avec laquelle elle gère ses finances, lui a toutefois fait prendre conscience qu'elle devrait espacer davantage ses sorties au restaurant.

Par contre, elle fait attention à tout le reste : elle ne boit pas, ne fume pas, se contente d'un téléphone prépayé, a des loisirs peu coûteux comme la lecture, la randonnée et le yoga. Elle coud (même sa robe de bal des finissants !) et s'offre comme seuls voyages deux visites annuelles chez ses parents, en Nouvelle-Écosse.

A-t-elle l'impression de se priver ? «Pas du tout !»

Bref, elle est frugale de nature.

Épargner pour se construire une vie meilleure

C'est pour des raisons économiques que Svitlana a quitté son Ukraine natale en 1999. La pianiste en avait assez de se battre pour toucher le salaire pourtant inscrit à son contrat avec l'université ; assez aussi de la corruption qui rongeait le pays.

Saisissant une occasion de venir au Canada, la jeune femme a mis le cap sur Toronto. Objectif : préparer la venue au pays de son mari et de leurs deux enfants, dans l'espoir d'y mener une vie plus facile.

Pendant quatre ans, elle a réduit ses dépenses de manière extrême. Les titres de transport en commun et sa part d'un loyer partagé avec des amies représentaient l'essentiel de ses dépenses. Les vêtements, les meubles, les accessoires de maison ? Tous des dons. L'épicerie ? Elle se nourrissait en grande partie de pains invendus à la boulangerie où elle travaillait. Son seul luxe : un billet pour un concert ou un spectacle à l'occasion. Pendant ce temps, elle reconstruisait sa carrière, un contrat à la fois. Et elle économisait.

La professeure de musique estime que pendant ces quatre années, elle arrivait à mettre de côté les trois quarts de son revenu annuel, qui, du reste, n'était pas très élevé.

L'usage qu'elle comptait faire de cet argent était clair : acheter une maison et une voiture pour la famille, et un piano à queue pour pouvoir donner des cours privés chez elle.

Svitlana croit que d'avoir des objectifs définis l'a beaucoup motivée à épargner. «Il faut avoir un objectif concret, pense aussi Clarissa N'Kaa, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs. C'est une source de motivation importante. Et il faut de la motivation pour épargner dans notre société de surconsommation ! Aussi, quand on se donne des projets à court ou à moyen terme, on a plus de chances de réussir que quand l'objectif est plus lointain et plus abstrait.»

Après l'épargne, le moment d'en profiter

Depuis l'achat de sa maison et de son piano à queue il y a dix ans, Svitlana est passée à une autre étape. L'épargne radicale, c'est terminé pour elle. Elle tâche maintenant de profiter de la vie qu'elle a mis tant d'efforts à bâtir pour elle et ses enfants, qui l'ont finalement rejointe (la relation avec leur père a pris fin entre temps).

Profiter de la vie, c'est aussi ce que font à leur manière Yves et Alyssa. Loin d'être des Séraphin du 21e siècle, ces épargnants extrêmes voient leurs économies non comme une fin, mais comme un moyen de mener la vie qui leur plaît.

C'est au fond la meilleure réponse à la question «Pourquoi épargner ?» «Je n'ai pas de problème avec quelqu'un qui se prive, non pas pour arrêter de travailler, dit Dominic Lapointe, mais plutôt pour avoir les moyens de faire des choix de vie qui lui conviennent...»

DÉSIRER AVANT DE CONSOMMER

Encore aujourd'hui, Svitlana trouve que les Canadiens consomment trop et que, paradoxalement, ils ne s'attachent pas assez aux objets dont ils s'entourent. «Ils achètent un jean pas cher, n'importe lequel, puis le jettent !» dit-elle.

Son approche : désirer longtemps avant d'acheter. Et lorsqu'elle passe à l'acte, elle opte pour du beau et pour de la qualité.

La psychologue Marie Claude Lamarche souligne l'importance du désir pour accroître la satisfaction : «Quelqu'un qui travaille fort pour acheter une auto tirera davantage de plaisir de son acquisition que quelqu'un qui a les moyens d'acheter la même voiture sans effort».

Être plus satisfait de chaque achat limite le besoin de multiplier les dépenses, ce qui par ricochet favorise l'épargne.

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