Analyse: les impacts de la crise financière

Publié le 19/09/2008 à 00:00

Analyse: les impacts de la crise financière

Publié le 19/09/2008 à 00:00

Une crise telle qu'il n'en arrive qu'une fois par siècle. " Voilà comment Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale américaine, qualifie ce qui se produit en ce moment dans le système bancaire des États-Unis.

Le 15 septembre au matin, les marchés boursiers mondiaux ont été traumatisés. Les déboires des banques d'affaires américaines ont fait perdre 4,6 % à l'indice S&P 500 de la Bourse New York et 4 % au S&P/TSX de la Bourse de Toronto.

Wall Street entraînera-t-elle le Canada dans sa descente aux enfers ? Si oui, les dommages seront-ils cantonnés aux quartiers financiers de Toronto, ou auront-ils des impacts sur l'activité manufacturière, l'emploi et la consommation dans tout le pays ?
Les Affaires a réalisé un coup de sonde auprès de plusieurs économistes canadiens. Ceux-ci décortiquent les effets des événements des dernières semaines sur l'économie canadienne.

Croissance : le mal est déjà fait

Dans l'ensemble, les économistes consultés pensent que l'impact de la crise financière américaine sera plutôt limité. " Les problèmes fondamentaux de l'économie américaine ne sont pas nouveaux, même s'il y a eu de grosses nouvelles ces derniers jours, dit Benoît Durocher, économiste principal au Mouvement Desjardins. Ils ont déjà été pris en considération dans nos scénarios. Pour changer nos prévisions, il faudrait qu'on ait une grosse surprise négative. "

En août, Desjardins a d'ailleurs ramené sa prévision de croissance du produit intérieur brut québécois de 1 à 0,8 % pour l'année 2008.

Bref, le mal est déjà fait. La faillite de Lehman Brothers, dernier épisode de la crise immobilière, avait des airs d'apocalypse vue de Manhattan, mais dans la vie de monsieur et madame Tout-le-monde, il aura probablement peu d'impact. " Ça fait plus mal à Bay Street et Wall Street qu'à l'économie réelle, dit Clément Gignac, économiste en chef à la Financière Banque Nationale. Des baisses d'impôt et des dépenses d'infrastructures sont toujours prévues au Québec. " Ces deux éléments donneront un bon coup de main à la province pour faire face à la situation.

Consommation : les ventes sous haute surveillance

La mauvaise surprise propre à faire changer les économistes d'avis dans les prochains jours pourrait venir d'une baisse de la consommation aux États-Unis.

Déjà, les ventes des détaillants américains ont diminué de 0,5 % en juillet et de 0,3 % en août. " Les dépenses de consommation réelles sont en voie de diminuer, ce qui n'est pas arrivé depuis 1991 ", écrit dans sa dernière analyse Sébastien Lavoie, économiste chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

" Les consommateurs peuvent aggraver le ralentissement s'ils deviennent plus pessimistes ", dit Jim Stanford, économiste au Syndicat canadien des travailleurs de l'automobile (TCA).

Les spécialistes ne sont pas très nerveux, mais ils craignent un éventuel effet d'entraînement.

Cela dit, l'industrie automobile a déjà touché le fond, assure M. Stanford. Les ventes d'autos construites en Amérique du Nord ont diminué de 2,9 % en août, selon les données colligées par Desjardins.

" Le marché est à son plus bas depuis 2002 ", dit M. Stanford. Il pense cependant que les complications de la crise actuelle aux États-Unis pourraient retarder la reprise des ventes de véhicules.

Malgré tout, la plupart des experts ne s'en font pas trop pour le Canada. " En tant que partenaire économique et commercial, je ne serais pas trop inquiet, dit Georges Ugeux, un ancien vice-président de la Bourse de New York, aujourd'hui pdg de Galileo Global Advisor. L'oeil du cyclone est à Wall Street. C'est là que se fait le ménage. "

Cependant, le gestionnaire de fonds Stephen Jarislowsky est plus pessimiste. " Un souffle aux États-Unis, c'est un ouragan au Canada, dit-il. La crise est loin d'être terminée, et la baisse du commerce de détail aux États-Unis atteindra profondément l'économie du pays à long terme. "

Taux d'intérêt : pas de mouvement

Le 16 septembre, au lendemain de la débandade boursière mondiale, la Réserve fédérale américaine annonçait qu'elle maintenait son taux d'escompte à 2 %.

Chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne, M. Lavoie pense que les taux d'escompte canadien et américain resteront inchangés jusqu'au deuxième trimestre de 2009, et qu'ils seront alors augmentés chacun de 50 points de base, pour atteindre respectivement 3,5 et 2,5 %.

M. Durocher, chez Desjardins, prévoit quant à lui une baisse des taux plus rapide au Canada et aux États-Unis dans les prochains mois. " Pour le moment, on pense qu'il y aura une première baisse du taux d'intérêt en décembre aux États-Unis ", dit-il.

Pétrole : le fond du baril n'est pas atteint

À près de 95 $ US le baril, le pétrole est encore trop cher, dit M. Stanford, des TCA. " Mais c'est difficile de dire jusqu'où il descendra, dit-il. Si les investisseurs boudent le secteur bancaire, ils pourraient remettre leur argent dans le pétrole. "

Un tel scénario ferait repartir le prix du baril à la hausse... et ralentirait la reprise au Québec et en Ontario.

Pour l'instant, la baisse du prix du pétrole est cependant susceptible de redonner confiance aux consommateurs. L'indice de confiance Reuters/Université du Michigan a d'ailleurs augmenté de 63 à 73,1 depuis août grâce à la baisse du prix de l'or noir.

" Cette baisse empêche les consommateurs de penser que le prix du baril va monter jusqu'à 200 $, comme avant ", dit Maurice Marchon, professeur à HEC Montréal, spécialiste des prévisions économiques.

Si la demande des autres matières premières ralentit davantage, le Québec sera cependant touché, notamment son important secteur minier, pense M. Durocher, chez Desjardins.

Reprise économique : ce sera pour 2009, au mieux

Aux TCA, M. Stanford est optimiste : il prévoit une reprise de la croissance économique d'ici la fin de 2008. Mais la plupart des économistes ne sont pas aussi affirmatifs. " Les deux prochains mois seront cruciaux, dit M. Marchon. Si le marché se stabilise, on peut s'attendre à une reprise économique en 2009. "

Certains experts commencent cependant à penser que la fin du calvaire pourrait ne venir qu'en 2010.

Chose certaine, le Canada n'a pas encore vécu de grave crise. S'il est entendu que le produit intérieur brut recommencera bientôt à augmenter, les économistes ne s'attendent pas à une croissance économique fulgurante. Le chômage s'établissant à 6 %, " on est déjà presque au plein emploi, dit M. Marchon. Il n'y a pas beaucoup de jeu pour une expansion économique de 4, 5 %. "

L'économie réelle, celle qui se déroule dans les usines et les PME, n'est tout simplement pas tombée assez vite pour rebondir aussi haut.

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