« Investissez au point de pessimisme maximal », ou quelques réflexions à propos de John Templeton

Offert par Les Affaires


Édition du 25 Août 2018

« Investissez au point de pessimisme maximal », ou quelques réflexions à propos de John Templeton

Offert par Les Affaires


Édition du 25 Août 2018

Sir John Marks Templeton [Photo: www.templeton.org]

Sir John Templeton est considéré comme l'un des très bons investisseurs du 20e siècle. Il a commencé à investir en 1937 et a pris sa retraite en 1992, à l'âge de 80 ans, pour se consacrer à la philanthropie (avec des dons qui ont totalisé 1 milliard de dollars américains). Le rendement annuel de son Templeton Growth Fund, de 1954 à 1992, a été de 16 %.

Sa philosophie d'investissement « value-contrarian » ou « valeur à contre-courant » se caractérise par sa recherche d'excellentes entreprises négligées par le marché, donc achetables au rabais. Il fut un pionnier de l'investissement dans les entreprises étrangères qui, à son époque, étaient peu suivies.

Voici quelques observations sur la démarche, et ce qu'il faut pour gagner grâce à elle.

Il faut avoir le courage de ses convictions et contrôler ses émotions

Pour certains, cette philosophie peut sembler évidente, mais pour d'autres, aller à contre-courant peut faire peur. Chose certaine, elle aborde une notion fondamentale de la psychologie de l'investissement : lorsqu'on investit, il est crucial de ne pas constamment avoir à se sentir validé par ses pairs ; il faut parfois savoir se sentir seul, minoritaire. Par exemple, avant l'éclatement de la bulle technologique de 2000, il était très difficile de résister à la sirène des « dotcom » quand ses amis et collègues faisaient des rendements mirobolants. La plus grande difficulté en investissement est le contrôle des émotions. L'argent étant un facteur d'émotivité humaine puissant, nous devons apprendre à contrôler nos émotions de peur et d'avidité.

Il faut choisir ses batailles

À la base de l'investissement, il y a la notion d'offre et de demande. Plus un investissement attire de la demande, plus son prix augmente. Plus un investissement est populaire et médiatisé, plus il est excitant ou réconfortant, plus l'espoir futur est grand et plus le prix payé par rapport à une unité de profit sera élevé. Un bel exemple aujourd'hui est Netflix, qui se négocie à environ 230 fois les profits.

À l'inverse, plus un titre est délaissé, soit parce qu'il semble terne et inintéressant, soit qu'on en parle négativement dans les médias, ou encore parce qu'il est obscur ou trop petit, plus le prix payé pour une même unité de profit sera faible. Pour gagner dans toute activité compétitive, la clé est d'affronter peu de concurrents ou de la concurrence faible.

Il faut donc choisir ses batailles, chercher des investissements où nous avons peu de concurrents investisseurs, ou des concurrents que nous estimons impatients, pris de panique, forcés de vendre, ou aveuglés par un événement externe, une mode passagère ou une fausse logique. Investir au point de pessimisme maximal n'est donc qu'une des façons d'avoir moins de concurrents au moment de l'achat, mais cela doit être vu comme un bon point de départ pour une recherche approfondie, parce que le pessimisme peut être justifié et durer très longtemps.

Il faut faire ses devoirs, évaluer les risques et rester patient

Tout cela peut sembler évident, mais est difficile à réaliser, parce qu'il n'est pas simple de juger de la qualité d'une entreprise, de ses perspectives futures et d'un prix adéquat à payer. Cela requiert beaucoup d'expérience, beaucoup de lecture et un bon jugement. De plus, un investissement à contre-courant peut prendre du temps avant de porter fruit en plus de tester notre patience. Avoir un objectif de rendement de trois à cinq ans au minimum est nécessaire. Il ne faut pas se décourager si un investissement reste en territoire négatif pendant un certain temps, dans la mesure où notre thèse d'investissement est périodiquement revalidée. Cela requiert d'avoir ciblé un catalyseur positif pour le redressement du prix en Bourse (redressement soutenu de la profitabilité et regain de l'intérêt des investisseurs). Frapper le point de pessimisme maximal est un objectif théorique, mais en pratique, nous serons satisfaits si notre coût moyen pour un titre est suffisamment bas pour nous donner une bonne marge de sécurité. C'est la protection du capital, soit l'analyse de la protection à la baisse d'un titre en Bourse qui est à la base de l'investissement valeur à contre-courant. Payer un bon prix, qui n'intègre pas trop d'espoir grandiloquent, avec une bonne protection à la baisse, aide à diminuer notre risque et à augmenter la moyenne de nos rendements.

Il faut continuer à apprendre et être intellectuellement honnête

Quelle que soit notre philosophie, l'investissement implique un processus d'apprentissage continuel. Cela requiert de suivre systématiquement nos entreprises, d'analyser nos succès, mais surtout nos erreurs. Un registre écrit de nos erreurs, intégré à une liste de contrôle est nécessaire. Il faut accepter avec humilité que l'investissement, qui consiste essentiellement à prédire l'avenir, soit une affaire de moyenne à long terme et que nous ferons notre lot d'erreurs.

Il ne faut pas avoir peur de profiter de la psychologie des foules et du « groupthink »

Finalement, une notion importante à comprendre en Bourse : la pensée des foules est par moment primaire et superficielle ; la mésinformation et l'exagération deviennent parfois contagieuses. On n'a qu'à penser à l'illusion collective qui a précédé la bulle technologique de 2000, la bulle immobilière de 2008, ou même l'hystérie collective aux États-Unis qui a précédé la guerre en Irak en 2003. L'effet d'entraînement des foules (« groupthink »), ce besoin réconfortant de sentir que nous avons tous la même idée et donc qu'elle doit être vraie, est puissant. Le marché boursier est souvent « maniacodépressif » ; il faut savoir profiter de cet attribut et non en être la victime, notamment en développant nos convictions par la profondeur de notre recherche, tout en conservant un sain scepticisme.

Permettons-nous finalement d'ajouter à la maxime de Sir John Templeton : Investissez au point de pessimisme maximal, dans des entreprises de grande qualité, où vous voyez que la capacité de gains futurs, patiemment en train d'être bâtie, n'est pas encore reconnue.

EXPERT INVITÉ
Stéphane ­Préfontaine
, LLM, ­MBA, est président de ­Préfontaine ­Capital inc.

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