Pour vous, la marge hypothécaire

Publié le 12/10/2011 à 13:44, mis à jour le 12/10/2011 à 13:50

Pour vous, la marge hypothécaire

Publié le 12/10/2011 à 13:44, mis à jour le 12/10/2011 à 13:50

Les institutions financières poussent leur offre de marge hypothécaire. Présentée comme un produit pratique, elle peut endetter pour toujours un propriétaire de maison.

Une marge hypothécaire avec ça ? Si vous n'en avez pas déjà une, attendez-vous à ce qu'on vous l'offre au renouvellement de votre hypothèque. Soyez averti, ce sera difficile de la refuser. Car on pourrait croire au produit miracle. Ceux qui la vendent ne tarissent pas d'éloges à son endroit. Elle est " pratique et flexible ". Elle vous procure la " liberté ". Elle agit comme un " rempart en cas de coup dur ". Elle vous permet de " financer la cuisine de vos rêves et l'achat d'une voiture avec du crédit bon marché ". C'est tout juste si elle ne vous fait pas faire de l'argent. Et beaucoup de clients répondent à l'appel. " Un produit très populaire ", confirme Danielle Coutlée, directrice stratégies, ventes et soutien chez RBC Banque Royale.

Alors, faut-il accepter ? Seulement si vous répondez à quelques critères. Vous avez des doutes quant à la rigueur de votre discipline financière ? C'est " non ". Vous avez du mal à faire le suivi de vos finances ? Passez votre tour. Vous êtes du type nerveux et la seule idée que les taux d'intérêt puissent monter vous inquiète ? Passez votre chemin.

 

Car en contrepartie de ses bons côtés, elle présente un risque de taille : celui d'accroître votre dette et de vous laisser endetté à perpétuité. " C'est un outil financier démesuré qui incite à la consommation ", croit le planificateur financier François Morency.

Le principe est simple. C'est une marge de crédit pour laquelle vous mettez votre maison en garantie. Elle permet aux propriétaires qui ont remboursé jusqu'à 20 % de leur hypothèque d'accéder à un crédit qui peut atteindre 80 % de la valeur marchande de leur propriété. Ils peuvent utiliser la marge à leur guise, et ne rembourser que les intérêts. Il n'y a pas d'amortissement, ni d'échéance. Il s'agit en fait d'un prêt perpétuel qui repose sur le concept des vases communicants. À mesure que l'hypothèque diminue, la marge de crédit, elle, augmente. Les propriétaires qui ont payé la majeure partie de leur résidence peuvent ainsi accéder à des marges de plus 100 000 dollars, voire beaucoup plus. " Vous faites quoi avec ça ? " demande François Morency.

 

La question à 100 000 dollars

Voilà la question. Car on peut faire ce qu'on veut de cette marge, et c'est bien là le danger. " Des gens se paient des voyages, tandis que d'autres s'en servent pour payer l'épicerie ", affirme Caroline Arel, avocate et conseillère budgétaire chez Option-Consommateur. Lorsqu'elle est arrivée à l'organisme de protection des consommateurs, en 2001, le ratio d'endettement de la clientèle était sous la barre de 90 %, se souvient-elle. Aujourd'hui, il dépasse 150 %. " De plus, notre clientèle a changé, dit l'avocate. Avant, nous conseillions surtout des gens à faible revenu. Maintenant, ce sont des ménages avec de bons salaires, des biens immobiliers et des marges utilisées à pleine capacité. "

En février dernier, le gouvernement fédéral a annoncé des mesures pour limiter l'accès au crédit hypothécaire. Dans ses arguments pour justifier ce resserrement, le ministère des Finances évoque les marges de crédit hypothécaires dont l'offre s'est accrue ces dernières années. Selon le gouvernement, les marges hypothécaires ont fortement contribué à la hausse de l'endettement des ménages.

Cela n'empêche pas Gaétan Veillette, planificateur financier chez Groupe Investors, d'être un fervent défenseur de la marge de crédit hypothécaire, pour peu qu'elle soit entre bonnes mains. " À mon avis, plus de gens devraient en avoir une. C'est un excellent moyen de consolider ses dettes. Elle peut aussi servir de levier pour acquérir un autre bien immobilier. Et c'est une solution très intéressante pour ceux qui planifient d'investir dans les rénovations ", dit-il. 

Il a raison. Avec une marge, inutile de passer chez le notaire pour augmenter le montant de l'hypothèque en vue de rénover. C'est une économie de 1000 dollars. Elle permet d'aller puiser dans le capital de la maison en tout temps à un taux d'intérêt avantageux, pour le moment. La quasi-totalité des marges hypothécaires sur le marché sont offertes à un taux variable, généralement le taux préférentiel et des poussières. Actuellement, le taux sur ces marges tourne autour de 3,5 %. Bien mieux que les 6 % d'une marge sans garantie ou d'un prêt personnel.

" Pour un propriétaire qui se fait construire une maison dans laquelle il compte emménager, c'est une excellente option. La marge hypothécaire peut alors servir à financer la construction de la nouvelle maison. On rembourse alors au moyen de la vente de sa maison actuelle ", concède François Morency.

Pour des rénovations, il préfère encore le prêt avec échéance (5 ou 10 ans), même si le taux est plus élevé. " Au terme du prêt, le propriétaire est gagnant, croit-il. Quand il n'y a pas d'échéance, on est susceptible de faire traîner sa dette plus longtemps, sinon à jamais, et de payer plus d'intérêts. " Cependant, l'idéal est encore d'économiser, que ce soit pour des rénovations, pour se constituer une réserve en cas de perte de revenu ou pour faire face à un autre imprévu, comme la réparation d'un toit. " La marge hypothécaire nous fait oublier quelques principes élémentaires, dont l'épargne ", dit-il.

C'est particulièrement le cas des marges dites " Tout-en-un ". Ici, il y a la fusion de la marge de crédit hypothécaire et des comptes de banque. Tout transite alors par un seul compte. La paie y est déposée, les comptes en sont débités. On accède au compte par carte de guichet, et il permet de faire des chèques. Et c'est aussi la marge de crédit. La Banque Nationale, Groupe Investors et la Banque Manuvie (virtuelle) offrent ce type de marge. Pour le décrire, le site Internet de Manuvie évoque même le terme " compte d'emprunt ". On peut y lire entre autres ceci : " Au fur et à mesure que vous réglez vos factures et autres dépenses durant le mois, votre dette augmente, mais vous l'aurez quand même réduite davantage en fin de compte ".

Régler ses factures en empruntant, c'est en effet perdre l'épargne de vue.

 

À lire: Plus complexes, les marges hypothécaires

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