La renaissance du condotel


Édition de Octobre 2017

La renaissance du condotel


Édition de Octobre 2017

Mont Tremblant

Vivre comme un pacha dans un hôtel de luxe, puis louer votre chambre en votre absence pour engranger des revenus locatifs. Une formule très séduisante, mais est-elle trop belle pour être vraie?

Jeune investisseur ambitieux, Sébastien Ferron n'a pas encore 25 ans lorsqu'il fait l'acquisition de sa première copropriété hôtelière, dans un hôtel à l'architecture soignée, au pied des pentes d'une petite station de ski des Laurentides. Son objectif : posséder son pied-à-terre dans le nord plutôt que de louer régulièrement un hébergement. L'investissement semble sans risque. Le promoteur promet des revenus locatifs suffisants pour couvrir entièrement les frais de gestion et de financement. Quand l'unité sera vacante, Sébastien pourra l'occuper à sa guise.

Il ne lui faudra que quelques mois pour réaliser que le boniment du vendeur était de la frime. «On nous avait promis des rapports sur la location de l'appartement, mais on ne les a jamais reçus», raconte le propriétaire, aujourd'hui âgé de 27 ans. Pour la première année d'exploitation, les revenus locatifs de sa copropriété n'atteignent que 4 500 $, l'équivalent d'un revenu mensuel de 375 $. «J'ai dû débourser 20 000 $ de ma poche pour combler le déficit de l'an 1», raconte Sébastien Ferron, qui constate rapidement une gestion déficiente de l'hôtel. Un placement qui vire au gouffre financier.

Cet investisseur est loin d'être le seul à avoir été échaudé par les copropriétés hôtelières. Mieux connue sous le nom de «condotel» - un néologisme formé des mots condo et hôtel -, cette forme d'investissement immobilier, qui a connu son heure de gloire dans les années 1990 autant au Canada qu'aux États-Unis, notamment sous l'impulsion d'un certain Donald Trump, n'a finalement jamais tenu ses promesses en matière de rentabilité au Canada.

«Il y a eu beaucoup de flops sur le marché. Très souvent, les projections de revenus des promoteurs ne tenaient pas la route. Ceux-ci ne prévoyaient pas les réinvestissements nécessaires pour maintenir l'hôtel au goût du jour. Résultat : beaucoup de propriétaires ont dû faire des cotisations spéciales», affirme Marc-Aurèle Mailloux-Gagnon, vice-président hôtels chez CBRE, une firme de services-conseils en investissement immobilier.

Pourtant, ce mode de copropriété semble, à première vue, le parfait achat sans soucis : on achète une copropriété cadastrée - un bien tangible - dans un hôtel bien situé ; on empoche 50 % des revenus locatifs de notre unité ; on en profite à l'occasion - les contrats avec les hôteliers limitent généralement l'utilisation personnelle à 36 jours par année - et on récupère la plus-value au moment de la revente. Bingo !

Ce rêve se heurte cependant à la réalité. «Il y a un problème mathématique», affirme Guy Martel, investisseur immobilier d'expérience, ex-vendeur de copropriétés hôtelières pour le compte de divers promoteurs avant de jeter l'éponge. «Les hôteliers conservent les espaces communs, qui génèrent le plus de revenus pour les hôtels et représentent la moitié des revenus locatifs. Au final, il ne reste plus rien pour les copropriétaires», a-t-il constaté, étant lui-même propriétaire d'une copropriété hôtelière à Saint-Sauveur, dont la valeur de revente a chuté depuis son acquisition.

Le boom de Tremblant

Au Québec, le plus gros marché de la copropriété hôtelière se trouve au pied du mont Tremblant. En 1994, Intrawest, un géant du ski à l'époque, acquiert la plus importante station des Laurentides. «On voyait Tremblant comme le futur Whistler de l'est du Canada», se rappelle Michel Naud, courtier immobilier chez Engel & Völkers Tremblant, qui était déjà actif à l'époque.

Intrawest érige l'imposant village piétonnier presque entièrement en copropriété hôtelière, soit près de 2 500 unités. La frénésie immobilière est à son comble. «On vendait des projets entiers en une douzaine d'heures à des Canadiens, des Québécois, des Américains et des Européens», raconte Michel Naud. Jusqu'en 2004, le train Intrawest file à vive allure. On construit sans relâche. Les copropriétaires sont aux anges. Les revenus locatifs sont au rendez-vous.

Puis une tempête parfaite frappe Tremblant. La parité du dollar canadien avec le dollar américain et la crise économique de 2008 font chuter le taux d'occupation des hébergements. Les hôtels se vident. Les copropriétés hôtelières perdent de l'argent. Leurs propriétaires perdent espoir et s'en débarrassent. «Les étrangers n'hésitaient pas à vendre leur propriété au rabais, faisant chuter la valeur du marché», dit Michel Naud. Malgré d'énormes baisses de prix, beaucoup de propriétaires s'avèrent incapables de revendre leur propriété. L'inventaire comptera jusqu'à 500 copropriétés sur le marché.

Depuis cette débâcle, les experts en immobilier fuient comme la peste ce type de propriété. «En règle générale, les rendements y sont nuls ou carrément négatifs. C'est un achat risqué si vous ne connaissez rien dans le domaine de l'hôtellerie», affirme Ghislain Larochelle, investisseur immobilier et formateur pour ImmoFacile.

Mais le marché n'est pas mort pour autant. Si les investisseurs purs et durs en quête de rendement passent leur tour, d'autres acquéreurs y trouvent leur compte. Guillaume Parent, un fonctionnaire de 33 ans, file le parfait bonheur dans sa copropriété située dans le Westin, un hôtel quatre étoiles de Tremblant, qu'il a acquise en 2012 en pleine tourmente immobilière. «Plusieurs propriétaires remettaient les clés à la banque. J'ai réussi à avoir un très bon prix», rappelle ce résident d'Ottawa. Son objectif : en faire sa résidence secondaire pour skier, et non un fructueux placement.

«Même si je l'occupe pendant les week-ends les plus achalandés de l'année, ma copropriété a généré 50 000 $ en revenus locatifs bruts en 2016, dégageant un profit net de 7 000 $. Ça me fait des vacances de ski qui ne me coûtent presque rien. Qui plus est, je n'ai pas de ménage à faire, pas de gars de maintenance à appeler en cas de problème et zéro plainte à gérer», dit-il avec satisfaction. À titre de propriétaire, il dispose aussi de plusieurs avantages, comme un stationnement intérieur gratuit (accessible en tout temps) et un salon des propriétaires, avec vestiaire et douche, qu'il utilise lorsqu'il n'occupe pas sa copropriété. «C'est comme un petit club privé», confie-t-il.

Étant donné le coût exorbitant des propriétés à la campagne, la copropriété hôtelière devient une solution de rechange économique à la résidence secondaire traditionnelle. «On ne vend plus la copropriété hôtelière comme un investissement pur, mais comme un pied-à-terre sans soucis à la campagne. Nos clients achètent une qualité de vie», explique Henri Roy, promoteur d'Espace Nordik, qui vend des suites hôtelières depuis 2010 au Château Mont-Sainte-Anne, un hôtel ski-in ski-out au pied de la belle de Beaupré.

Afin de s'adapter à une nouvelle clientèle, certains exploitants-hôteliers proposent sur le marché une solution différente de la formule du partage des revenus locatifs. Par exemple, le centre de villégiature Estérel, dans les Laurentides, offre aux copropriétaires un loyer annuel fixe, majoré annuellement en fonction du taux d'inflation, d'environ 16 000 $ l'an, selon la taille de la copropriété et son emplacement, soit l'équivalent de 45 $ la nuitée.

«Notre principal avantage, c'est que les propriétaires n'ont pas à se préoccuper du taux d'occupation», indique François Dallaire, directeur général de l'établissement et associé chez RevPar, la société gestionnaire de l'hôtel. En plus d'avoir un investissement, les copropriétaires peuvent occuper, pendant 180 jours par année, dont un minimum de huit week-ends, leur propriété pour 20 $ la nuitée, plus les frais de ménage de 60 $ à la sortie. «Ce n'est peut-être pas l'investissement le plus payant, mais c'est sûrement le plus le fun», rigole François Dallaire, lors d'une visite des lieux.

Cette formule plaît aux Repentignois André Julien, 74 ans, et Lise Sarrasin, 71 ans, propriétaires d'une suite hôtelière de 500 pieds carrés à l'Estérel depuis 2010. «Avec les dépenses déductibles et l'amortissement, ma copropriété, que j'ai payée entièrement avec ma marge de crédit, ne me coûte rien par année. J'en profite pour jouer au golf, me baigner et faire des balades en ponton, fourni par l'hôtel. Ces escapades me coûteraient beaucoup plus cher si j'allais ailleurs», explique cet ingénieur à la retraite, qui prête sa chambre régulièrement à ses enfants.

Même à Tremblant, la copropriété hôtelière semble émerger du marasme. Depuis deux ou trois ans, la demande s'amplifie. «Les prix se stabilisent. Il ne reste plus que 150 unités à vendre», soutient Michel Naud. Avec la baisse du dollar canadien, les Américains reviennent. Le taux d'occupation bondit pendant la saison de ski ; en été, Mont-Tremblant devient un centre d'entraînement pour les championnats Ironman, de prestigieuses épreuves de triathlon. On est encore dans un marché d'acheteurs, mais pour combien de temps ?

La copropriété hôtelière n'a pas encore dit son dernier mot.

Où acquérir une copropriété hôtelière?

L'Estérel :

Ce centre de villégiature quatre étoiles situé sur les rives du lac Dupuis, dans les Laurentides, compte 200 copropriétés hôtelières.

Le Crystal :

Au centre-ville de Montréal, cet hôtel cinq étoiles compte 131 copropriétés hôtelières. Il est l'un des rares projets de ce genre à avoir vu le jour en milieu urbain.

Espace 4 Saisons :

Cet hôtel ski-in ski-out se situe au pied du mont Giroux, l'une des trois montagnes skiables de la station Orford. Les 54 unités entièrement meublées ont été construites et vendues en 2016 entre 185 000 $ (550 pieds carrés) et 418 000 $ (1 300 pieds carrés). Son promoteur est André L'Espérance, un homme d'affaires bien connu à Sherbrooke.

Espace Nordik :

Le Château Mont-Sainte-Anne est converti progressivement en copropriétés hôtelières au rythme de 15 à 20 unités par année. Les investisseurs profitent d'une copropriété de ski au pied de la station de ski. Un studio coûte environ 200 000 $.

Mont-Tremblant :

Presque tout le village piétonnier au pied de la station de ski a été vendu en copropriétés hôtelières. Intrawest pourrait éventuellement lancer le développement du Versant Soleil, qui pourrait voir le jour sous la même formule.

Conseils avant d'acheter

Quelques questions à vous poser avant de flirter avec la copropriété hôtelière

1 Faites un séjour dans la chambre convoitée , si l'hôtel est déjà en exploitation, afin de voir si elle vous convient vraiment. Peut-être remarquerez-vous que les murs sont mal insonorisés ou que l'aménagement intérieur ne correspond pas à vos besoins.

2 Optez pour un hôtel performant , en étudiant la concurrence. Par exemple, dans le village piétonnier de Tremblant, les hôtels qui fonctionnent sous une enseigne renommée enregistrent généralement de meilleurs résultats que la moyenne.

3 Quelle est la crédibilité du promoteur ? La gestion hôtelière demande une grande expertise. L'équipe en place sera-t-elle capable de remplir l'hôtel ? N'oubliez pas, la valeur de votre investissement dépendra du taux d'occupation.

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