Les condos séduisent les célibataires, les jeunes couples et même les familles. Résultat : des tours à condos poussent comme des champignons, autant à la ville qu'à la campagne. Toutefois, la copropriété ne fait pas que des heureux.
Dans les publicités des promoteurs de copropriétés, les gens semblent avoir trouvé le paradis sur terre. On les voit relaxer dans un salon inondé de lumière, se faire bronzer sur une terrasse ensoleillée, se baigner dans une piscine avec vue panoramique et brûler des calories dans un gym high-tech. À les voir, on croirait qu'ils vivent en permanence dans un tout inclus. «Les promoteurs nous vendent la copropriété comme un monde idéalisé, où les gens n'assument aucune responsabilité», constate Me Yves Joli-Coeur, avocat spécialisé en droit de la copropriété.
Or, derrière cette image idyllique, la vie en copropriété ne ressemble en rien à un Club Med. Oubliez l'insouciance des vacanciers, les copropriétaires doivent se plier à une foule d'obligations, dont certaines limitent sérieusement le droit de jouissance de leur propriété. «Même entre les quatre murs de leur appartement, les copropriétaires ne sont pas totalement libres», avertit Me Joli-Coeur. En effet, vivre en condominium, c'est vivre dans une petite collectivité avec ses propres lois et règlements. Plusieurs s'y adaptent à la dure.
«Bien que les copropriétés existent depuis longtemps, encore aujourd'hui, la plupart des gens comprennent mal leur fonctionnement. Cette ignorance mène souvent à des conflits qui peuvent se rendre jusqu'aux tribunaux», affirme Michel Charlebois, président de l'Association des syndicats de copropriété du Québec.
«Les gens ne lisent pas la déclaration de copropriété, qui décrit les règles dans l'immeuble», affirme Lionel Boucher, PDG de la Corporation des gérants de copropriété. Pourtant, tout y est : les animaux sont-ils permis ? Peut-on louer son logement ? Peut-on avoir un bureau à domicile ? Quelles sont les limites imposées pour la rénovation de votre appartement ? «Si le règlement interdit la présence d'un animal, n'essayez pas d'en avoir un, vous entrerez en conflit avec les autres propriétaires», prévient Michèle Bérard, gestionnaire professionnelle d'un complexe d'habitation de 240 copropriétés.
Maxime Leclerc* peut en témoigner. Propriétaire avec sa conjointe d'un appartement au centre-ville de Montréal, il a compris, en raison du tapage généré par ses voisins, que la copropriété au-dessous de la sienne avait été transformée en maison de chambres, enfreignant ainsi plusieurs règlements de l'immeuble. «Non seulement ses propriétaires n'avaient pas fait approuver le bail par notre syndicat, mais aussi, ils avaient procédé sans notre consentement à des travaux qui changeaient la vocation de leur unité», raconte ce Montréalais.
Conséquence : Maxime Leclerc et les deux autres copropriétaires ont dû entreprendre des démarches juridiques pour faire respecter la déclaration de copropriété aux copropriétaires délinquants, qui ont finalement obtempéré. Ceux-ci plaidaient l'ignorance. «S'il y a des gens qui transgressent les règlements de l'immeuble en toute bonne foi, beaucoup fermeront volontairement les yeux», remarque Michèle Bérard. Trop souvent, les copropriétaires pensent que la déclaration de copropriété est un document qui ne les engage en rien. Erreur.
Première obligation du copropriétaire : lire la ou les déclarations de copropriété. Car pour les projets par phases, il n'est pas rare que l'appartement soit soumis à deux déclarations complémentaires, dont l'une traite du fonctionnement de l'ensemble du complexe, et l'autre, de l'immeuble où habitent les copropriétaires. «Si les gens lisaient mieux, ils sauraient vraiment ce dans quoi ils s'embarquent», affirme Lionel Boucher. Il est probable que vous deviez apporter quelques modifications à votre style de vie. Et si les règles ne vous conviennent pas, cette microsociété n'est peut-être pas pour vous.
Deuxième obligation : payer les frais de copropriété, qui servent aux dépenses d'administration de l'immeuble (entretien, chauffage et éclairage des espaces communs, assurance, etc.). Cependant, l'augmentation de ces frais, contrairement à celle du prix des loyers, qui est encadrée par la Régie du logement, n'est soumise à aucun contrôle. De mauvaises surprises attendent régulièrement les copropriétaires. «À la deuxième année financière d'un immeuble neuf, il n'est pas rare que les charges communes explosent de 30 à 40 %, car le budget établi par le promoteur était complètement irréaliste», dit Lionel Boucher. Inutile alors de vous plaindre à la Régie !
Troisième obligation : participer aux assemblées annuelles de copropriétaires. Si le CA, qui convoque l'assemblée, n'arrive pas à réunir un quorum, les décisions importantes ne peuvent pas être prises. «Manquer à ce devoir équivaut à un manque de respect envers les administrateurs qui sont souvent des bénévoles. Le report de cette réunion occasionne des coûts et des pertes de temps», dit M. Boucher.
Si vous ne pouvez pas assister à une assemblée en raison d'un conflit d'horaire, signez un formulaire de procuration, qui vous est envoyé avec l'avis de convocation. «En vous faisant représenter par un mandataire qui s'exprimera et votera en votre nom, vous permettez à l'assemblée d'atteindre un quorum, en dépit de votre absence», dit Lionel Boucher. Surtout, n'attendez pas une période de crise, alors qu'il est déjà trop tard, pour participer aux assemblées.
Les copropriétés sont gérées par un conseil d'administration élu par les copropriétaires. Si vous ne vous intéressez pas à leur travail et que vous ne posez jamais de questions, vous ne saurez jamais si votre immeuble est bien géré. «À titre de copropriétaire, vous avez le devoir de vous assurer que votre conseil d'administration fait le travail», dit Me Joli-Coeur. Si le conseil ne remplit pas ses obligations, vous devrez songer à vous engager. Sans votre travail ou celui de gens compétents, l'immeuble pourrait se dégrader et perdre de la valeur. En fin de compte, c'est vous qui en ferez les frais.
*pseudonyme
