Vous valez plus que vous le pensez

Offert par Les affaires plus


Édition de Novembre 2018

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Édition de Novembre 2018

En 2019, les employeurs québécois prévoient accorder les plus importantes hausses de salaire de la dernière décennie. Saurez-vous en profiter ?

Zoé est une urban digerati. Dans le jargon des spécialistes du marketing, cette étiquette indique qu'elle fait partie d'un segment de consommateurs très convoité : jeune, ambitieuse, citadine, technophile, hautement scolarisée... Bref, elle ne gagne pas des pinottes.

Il n'y a pas que les marques qui se disputent les faveurs de Zoé : dans un contexte d'emploi caractérisé par des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée, les employeurs cherchent aussi à lui mettre le grappin dessus. En 2019, pour la séduire et la retenir, ils doivent cependant présenter une offre de rémunération personnalisée à la hauteur de ses ambitions. C'est du moins ce qu'expliquait Daniel Imbeault, membre du partenariat chez Mercer Canada - un cabinet-conseil en ressources humaines -, à la centaine de gestionnaires en ressources humaines réunis récemment au Ritz Carlton de Montréal lors de l'événement La nouvelle équation des talents : préparez votre main-d'oeuvre pour l'avenir grâce à la rémunération globale.

Selon Mercer, les entreprises canadiennes comptent augmenter les salaires de 2,6 % en moyenne en 2019 (2,7 % au Québec, selon l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, qui base ses prévisions sur celles de sept firmes). Sur papier. Car dans les faits, en contexte de quasi-plein emploi, la pression sur les employeurs afin qu'ils bonifient la rémunération s'accentue, confie Daniel Imbeault.

«Plusieurs employeurs nous disent qu'ils sont obligés d'accorder des bonis ad hoc ou des promotions plus rapidement qu'ils le souhaitent, car leurs salariés menacent de quitter l'entreprise. Ils ont commencé à sentir cette pression il y a environ deux ans. Aujourd'hui, elle se matérialise.»

Richard Saucier constate la même pression dans les PME. Président de Saucier Conseil, ce conseiller en rémunération et en équité salariale a sondé cet été une centaine de ses clients (qui comptent entre 50 et 500 employés) quant à leurs intentions en matière de rétribution. Si ces entreprises prévoient augmenter les salaires de 2,8 % en moyenne en 2019, «environ 40 % d'entre elles ont répondu qu'elles consacreraient un budget spécial afin de hausser davantage la rémunération des employés difficiles à trouver», affirme-t-il.

«Plusieurs organisations ont des budgets discrétionnaires pour ajuster les salaires pendant l'année, par exemple si un employé a une meilleure offre ailleurs», explique Anna Potvin, conseillère principale à la rémunération chez Normandin Beaudry, une firme spécialisée en actuariat. Selon elle, il est fort probable que les hausses de salaire au Québec atteignent au moins 3 % d'augmentation l'an prochain, «un niveau qu'on n'a pas vu depuis 2009», souligne-t-elle.

Combien valez-vous ?

À moins que votre salaire soit coulé dans le béton d'une convention collective, en 2019, vous risquez fort d'avoir le gros bout du bâton lors de la négociation avec votre patron.

C'est particulièrement vrai pour les professionnels du secteur des services qui cartonnent ou qui ont fait leurs preuves, expliquent les spécialistes interviewés dans le cadre de cet article. Mais pas seulement. «Les jeunes professionnels qui sortent des universités avec un beau profil se font offrir des rémunérations assez intéressantes compte tenu de leur expérience», constate la chasseuse de têtes Nathalie Francisci, associée chez Odgers Berndtson et spécialiste du recrutement de cadres et de professionnels.

Comment déterminer votre valeur sur le marché de l'emploi ? Première étape : consultez des sites spécialisés en rémunération comme Glassdoor, PayScale ou Indeed. «Ça vous permettra d'évaluer en partie votre valeur», suggère Matthieu Degenève, fondateur du site L'OEil du recruteur. Or, ces outils ne permettent pas d'évaluer l'équité salariale à l'intérieur d'une organisation - car votre collègue gagne peut-être 20 000 dollars de plus que vous, à boulot égal -, ce qui est un des critères les plus importants de la fixation d'un salaire, dit-il.

Nos voisins viendront à la rescousse : la Loi de 2018 sur la transparence salariale, qui entrera en vigueur en Ontario dès janvier, exigera notamment que les organisations incluent des détails sur la rémunération - ou sur la fourchette de rémunération - dans tout affichage de poste. Cette initiative pourrait avoir des répercussions au Québec, estime Anna Potvin, où les affichages de postes sont souvent muets sur ce point.

«Plusieurs organisations québécoises qui ont aussi des employés en Ontario décideront sans doute de publier les mêmes informations lorsqu'ils afficheront des postes. Plus l'information [sur les salaires] sera accessible, plus les employés poseront des questions, plus les employeurs devront expliquer leur structure de rémunération. C'est une tendance mondiale à laquelle le Québec n'échappera pas.»

En 2019, à l'ère des données ouvertes et de la transparence salariale, les tabous entourant les salaires sautent, notent les experts. «Les jeunes travailleurs de la génération Y s'échangent les informations salariales, dit Daniel Imbeault. Tout le monde sait combien ils gagnent et ils s'en foutent.»

D'ailleurs, dans les grandes entreprises, tout le monde connaît le salaire de tout le monde, remarque Nathalie Francisci. Suffit de consulter autour de vous - et auprès de collègues qui occupent des fonctions similaires dans une autre entreprise - pour déterminer si le vôtre est à la hauteur. Pour le reste, sollicitez votre réseau et appelez des chasseurs de têtes, ajoute-t-elle. Si vous êtes membre d'un ordre professionnel, consultez son enquête annuelle sur les salaires. «Après ça, on a une bonne idée de la fourchette de salaire à laquelle on peut s'attendre.»

Créer de la valeur ajoutée

L'autre façon d'arracher quelques centaines de dollars à votre employeur, c'est de créer de la valeur ajoutée, remarquent les spécialistes. C'est d'autant plus vrai à l'ère de l'intelligence artificielle, alors que la robotisation des tâches et des processus bouleversera le marché du travail dans les prochaines décennies.

«Ce qu'on vaut sur le marché du travail aujourd'hui ou demain est directement lié à la création de valeur qu'on apporte à son travail», estime Nathalie Francisci. Ce principe va s'accentuer de manière exponentielle avec le développement de l'intelligence artificielle, pense-t-elle. «Si vous êtes dans la création de valeur, vous pouvez vous attendre à ce que votre rémunération augmente vraiment dans les prochaines années, car vous deviendrez une denrée rare.»

L'auteur et conférencier Jean-Sébastien Trudel en sait quelque chose. Fondateur du blogue Job de rêve, cet ancien journaliste aide ses clients à trouver un emploi en accord avec leurs idéaux tout en créant de la valeur. L'idée, c'est de créer vous-même la valeur ajoutée qui vous méritera un salaire plus élevé que celui du collègue. «La valeur apportée à l'organisation est différente d'un employé à l'autre, dit-il. Le problème, c'est que les gens ne savent pas calculer leur valeur et font l'erreur de penser que le patron le fait à leur place.»

Plus votre rôle s'approche des finan- ces de l'entreprise, plus votre valeur ajoutée se calcule facilement, poursuit Jean-Sébastien Trudel. Par exemple, si vous êtes vendeur et que vous générez 20 % de profit supplémentaire par mois par rapport à vos collègues, le gain pour l'employeur est facilement quantifiable.

Vous êtes informaticien et n'avez pas accès aux chiffres de l'entreprise ? Vous pouvez là aussi calculer facilement votre valeur ajoutée, soutient-il. Exemple : supposons que le nombre de visiteurs sur le site Web de l'entreprise a bondi de 30 % à la suite d'une refonte que vous avez supervisée. Demandez à votre employeur combien vaut un client, puis estimez, parmi les 1 000 nouveaux visiteurs qu'attire le site chaque jour, par exemple, combien deviennent des clients. «Vous verrez alors qu'une augmentation de 10 000 dollars peut être parfaitement justifiée. Quand vous arrivez avec de vrais chiffres, et non des estimations tirées de PayScale, ça devient beaucoup plus difficile pour le patron de dire non.»

Un autre moyen d'apporter une valeur ajoutée à l'organisation : réduire les frais d'exploitation en proposant des façons de faire qui procurent des gains d'efficacité. «Calculer la valeur ajoutée, ça s'apprend, dit Jean-Sébastien Trudel. On peut être étonné de l'écart à aller chercher.»

Dans les cas où la valeur ajoutée est difficilement quantifiable - vous êtes à l'origine d'un meilleur esprit d'équipe ou d'une notoriété accrue pour l'entreprise, par exemple -, elle n'est pas négligeable pour autant. «Lors de la négociation, dites ce que vous pensez que ça vaut. Mettez-y un prix.

«Les employeurs sont prêts à payer pour des A-players, des gens qui fournissent un rendement au-dessus de la moyenne, ajoute Matthieu Degenève. Ils en ont besoin pour poursuivre leur expansion et passer à un prochain niveau.»

Négociez férocement

Dans un processus d'embauche, comment décrocher le salaire de vos rêves en 2019 ? Tout dépend de votre marge de négociation, selon Matthieu Degenève. Votre métier est-il en demande sur le marché du travail ? L'employeur est-il pressé de pourvoir le poste ? Sentez-vous qu'il vous convoite avidement ? Si oui, mettez-y la gomme ! Faites valoir vos réalisations passées et ce que vous apporterez à l'entreprise.

«Parlez au "vous" et non au "je", conseille le spécialiste. Insistez sur les bénéfices que vous pouvez réaliser et non sur vos caractéristiques.» Surtout, ne dévoilez jamais le salaire que vous touchez dans votre emploi actuel (ou le précédent), ce qui risquerait d'orienter la discussion salariale à la baisse par rapport à vos attentes.

Vous êtes déjà en emploi et vous méritez un ajustement salarial ? Préparez bien votre négociation : arrivez avec des résultats concrets et bien documentés, suggère la chasseuse de têtes Nathalie Francisci. Il faut des dates, des faits et des chiffres. «On peut reprendre le document qui définissait nos objectifs pour l'année précédente et souligner les réalisations. Sinon, arrivez avec le détail de ce que vous avez livré et chiffrez la valeur des accomplissements. Quand les résultats sont là, il est plus difficile pour le gestionnaire de déclarer qu'il n'a pas de budget prévu [pour vous augmenter].»

Toutes les entreprises n'ont pas les moyens d'offrir des ponts d'or à leurs salariés, même aux meilleurs, ajoute Richard Saucier. «Mais elles peuvent offrir de la flexibilité dans la gestion des horaires, par exemple, car accommoder est une façon d'attirer et de retenir des employés.» Le salaire n'est qu'un élément de la négociation, dit-il, et le salarié doit aussi définir ce qui est important à ses yeux, au-delà de la rémunération.

N'empêche, vos revenus futurs se basent en partie sur les bonifications salariales que vous pouvez soutirer à votre patron. «On peut faire fructifier son salaire, mais pas une semaine à Cuba», illustre Matthieu Degenève.

«On n'hésite pas à négocier 200 dollars sur un ensemble de patio, mais on néglige de se préparer pour la négociation avec le patron, alors que ce sera peut-être la demi-heure la plus payante de sa vie !» renchérit Jean-Sébastien Trudel. «Ce sont des milliers de dollars que les travailleurs laissent sur la table chaque année.»

L'année 2019 est extrêmement propice à faire décoller l'aiguille du compteur. «Nous vivons une situation historique. Avec la baisse de la population active et l'immigration qui ne suffit pas, on est au début d'un raz-de-marée. À long terme, les employeurs devront faire beaucoup plus pour retenir leurs employés.»

À commencer par vous.

Tiens, mon voisin gagne 122 914 $...

Si la transparence sur les salaires ne fait pas encore partie des mœurs québécoises, le concept est loin d’être nouveau ailleurs au pays. À preuve : depuis 2008, la ­Ville de ­Vancouver publie des données ouvertes quant aux salaires, aux bonis et aux dépenses de tous ses fonctionnaires touchant plus de 75 000 dollars... noms compris ! ­Et elle n’est pas la seule : conformément aux exigences de la ­Financial ­Information ­Act, la divulgation des salaires s’applique à tous les organismes publics de la ­Colombie-Britannique, nous ­explique-t-on à la ­Ville.

Plus près de nous, l’Ontario obligera dès janvier toutes les organisations à publier les salaires ou les fourchettes salariales offerts lors d’un affichage de poste.

Ce n’est qu’une question de temps avant que la vague atteigne le ­Québec, estiment les spécialistes interviewés pour cet article. Richard ­Saucier, conseiller en rémunération et président de ­Saucier ­Conseil, émet toutefois quelques réserves. « ­Ce n’est pas demain que les employeurs communiqueront les salaires de tout le monde. S’ils le faisaient, ce serait désastreux, car le moral des troupes baisserait de façon incroyable. Les salariés ne sont pas qualifiés pour mesurer la valeur de leurs collègues, notamment parce qu’ils sont partiaux. » ­Les employeurs s’engageant dans une telle démarche doivent redoubler de prudence, selon lui.

Les salaires battent l'inflation

« ­Depuis une décennie, la rémunération des travailleurs a crû plus rapidement que l’indice des prix à la consommation. Ainsi, la croissance annuelle moyenne de la rémunération hebdomadaire moyenne des travailleurs du ­Québec (et du ­Canada) a augmenté de 2,1 % entre 2008 et 2017, comparativement à une inflation moyenne de 1,3 % (Canada : 1,5 %) ».

Des hausses meilleures que prévu

En 2018, alors qu’ils prévoyaient augmenter les salaires de 2,5 %, les employeurs québécois ont plutôt consenti des hausses de 3,9 % entre janvier et juillet, selon l’Enquête sur l’emploi, la rémunération et les heures de Statistique Canada (tableau 14-10-0203-01).

« En comparant les douze derniers mois accessibles (juillet 2017 à juin 2018) aux douze mois précédents, la hausse salariale s’établit à 3,7 %, en fort décalage par rapport à la moyenne historique avoisinant les 2,1% », analyse l’Ordre des conseillers en ressources humaines.

Source : ­Ordre des ­CRHA www.portailrh.org/communique/2018‑2019/pdf/­Resume_Previsions-salariales-2019_CRHA.pdf

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