Comment organiser ses finances quand on est à son compte


Édition de Mars 2015

Comment organiser ses finances quand on est à son compte


Édition de Mars 2015

Manier la calculatrice comme un pro : essentiel pour réussir comme travailleur indépendant.

Importunée par des horaires de travail qui ne lui convenaient pas du tout, Rachel Viau (pseudonyme) a décidé récemment de claquer la porte du centre d'esthétique qui l'employait depuis sept ans pour se mettre à son compte. Celle qui manie la pince à épiler comme personne propose désormais des services d'esthétique à domicile, pour le plus grand confort de ses clientes éventuelles... qui ne se bousculent toujours pas aux portes, disons-le. «Je me rends compte qu'il en faut, des pédicures à 40 piastres, pour espérer avoir un revenu décent», confie-t-elle. Résultat ? Les premiers mois lui ont pratiquement coûté tout «son vieux gagné», alors que sa marge de crédit personnelle suivait la courbe inverse. Les prochaines semaines seront déterminantes pour la suite des choses. «Ça passe ou ça casse», conclut-elle, m'offrant du coup sa plus récente liste de prix, bien ficelée.

L'histoire de Rachel en est une parmi d'autres dans l'univers de l'entrepreneuriat. Elle nous rappelle cependant une réalité brutale : on ne s'improvise pas travailleur autonome du jour au lendemain. Avant de quitter votre emploi permanent et de renoncer à votre chèque de paie habituel du jeudi, voici ce sur quoi vous devrez plancher pour éviter un échec retentissant, ou pire, la faillite personnelle !

Se donner de la flexibilité

L'objectif recommandé en matière de finances personnelles reste bien souvent de se constituer un fonds d'urgence pour pallier les imprévus pendant une période qui peut durer jusqu'à six mois. Un bris mécanique de la voiture ou une toiture qui coule sont des événements qui peuvent vite chambouler un budget. Imaginez alors ce que traverse le travailleur autonome qui jongle avec des comptes clients de plus de 45 jours, des contrats qui se font parfois plus rares et des factures d'affaires qui grugent ses profits !

Il doit disposer d'un fonds de démarrage important afin de prévoir les périodes sans revenu qu'il connaîtra et pour absorber les dépenses initiales associées au lancement de son entreprise. Et l'obtention d'une marge de crédit personnelle n'est pas un luxe ! Comme celle-ci est habituellement accordée à condition d'avoir un seuil minimal de revenu, il vaut mieux entreprendre les démarches auprès du banquier avant de quitter votre emploi actuel. «C'est à ce moment-là que le travailleur autonome doit magasiner les meilleures offres de crédit disponibles pour ses affaires, selon les taux d'intérêt exigés et les modalités de remboursements proposées», confirme Cathy Simard, conseillère budgétaire à l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF) de l'Île-Jésus. L'objectif demeure de se donner une marge de manoeuvre financière, en attendant d'encaisser les prochains honoraires...

Stéphan Viau, président de la Coalition des travailleuses et des travailleurs autonomes du Québec (CTTAQ), recommande au futur entrepreneur d'avoir accumulé en argent l'équivalent d'un an de ses principales dépenses personnelles avant de se lancer. «Être en mesure d'assumer des déboursés comme le logement, l'épicerie, les services publics et la mensualité de l'automobile, par exemple, sans égard aux rentrées d'argent de vos activités professionnelles, c'est mettre toutes les chances de votre côté», dit-il. Plusieurs avenues peuvent être considérées pour en arriver à ce scénario idéal ! «Le fait de pouvoir compter sur le salaire régulier d'un conjoint, la chance d'avoir quelques contrats signés en prévision de la prochaine année ou d'être admissible au Soutien au travail autonome (STA) en sont quelques exemples», dit-il. Cette mesure s'adresse aux prestataires de l'assurance-emploi qui ont un projet d'entreprise précis et qui souhaitent obtenir un soutien financier et des conseils personnalisés durant les premières années de l'aventure.

Séparez vos billes !

Organisez vos comptes bancaires efficacement. Vous devez ériger une barrière étanche entre les volets personnel et professionnel de vos finances. «L'erreur qu'il faut éviter, c'est de vivre avec les revenus bruts encaissés et de ne penser aux différentes remises gouvernementales qu'en fin d'année», souligne Cathy Simard. Ouvrez un compte de banque pour vos transactions d'affaires, et un deuxième compte dans lequel vous déposerez les sommes à verser éventuellement aux différents paliers gouvernementaux.

Dès l'encaissement d'un chèque, prenez l'habitude de faire un virement bancaire du premier au deuxième compte afin d'être en mesure de payer vos acomptes provisionnels. Ces derniers sont des paiements périodiques à verser à l'Agence du revenu du Canada et à Revenu Québec à certaines dates pour combler le montant d'impôt et les différentes charges sociales que vous aurez autrement à régler en un seul versement au 30 avril de l'année suivante.

Geneviève G. Gaudet, infographiste et photographe à son compte, s'engage finalement à prendre ses finances de travailleur autonome en mains en 2015. «Je prévois verser chaque semaine 35 % des revenus encaissés dans un compte à part pour pouvoir assumer facilement l'ensemble des impôts et des charges sociales que je devrai payer au cours de l'année», dit-elle. Ambitieux ? «Il vaut mieux être trop disciplinée que d'avoir des surprises plates quelques mois plus tard», conclut la jeune femme, fondatrice d'Espace G.

Bénéficiez des taxes de vente

Inscrivez-vous aux fichiers de la TPS & TVQ, même si vous ne prévoyez pas réaliser un chiffre d'affaires de plus de 30 000 dollars lors de votre première année d'exploitation. Dès que vous y êtes inscrit, vous devrez bien évidemment percevoir ces taxes sur tous les produits et services vendus et effectuer ensuite des versements périodiques à Revenu Québec. «Vous pouvez par contre récupérer les taxes payées sur les achats et autres dépenses de votre entreprise», rappelle Stéphan Viau. Un avantage qui peut représenter plusieurs centaines de dollars supplémentaires dans vos poches !

S'incorporer, oui ou non ?

Devriez-vous créer une société par actions pour chapeauter vos activités professionnelles ? C'est le terme «incorporation» qui décrit ce processus par lequel une entité indépendante - votre entreprise, constituée en société par actions - génère désormais les revenus pour vous verser ensuite un salaire et/ou des dividendes.

La réponse : ça dépend

Une première vérification...

Assurez-vous de prime abord que la réglementation de votre ordre professionnel permette l'exercice de votre profession sous la forme d'une société par actions ! Les chimistes, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes et les sexologues notamment ne peuvent pas se prévaloir de l'incorporation, mais peuvent généralement exercer par l'intermédiaire d'une société en nom collectif (S.E.N.C.). «Ces ordres professionnels n'ont pas adopté jusqu'à maintenant de règlement sur l'exercice de la profession en société par actions», explique Gaétan Veillette, planificateur financier chez Groupe Investors.

Non, inutile !

Un déficit est envisagé lors de votre premier exercice financier ? Vous avez alors intérêt à conserver votre statut de travailleur autonome non incorporé. Cette perte financière sera soustraite de vos autres revenus imposables pour alléger votre fardeau fiscal.

Vous dépensez année après année tous vos revenus nets de travailleur autonome ? «Si l'actionnaire unique d'une société par actions retire annuellement l'ensemble des bénéfices réalisés et n'applique aucune stratégie fiscale supplémentaire, l'intérêt d'une incorporation demeure limité», résume Gaétan Veillette.

Oui, je m'informe davantage !

Stéphan Viau estime qu'un bénéfice net de 40 000 dollars est le seuil minimal à atteindre pour envisager l'incorporation. D'autres ciblent plutôt le cap des 100 000 dollars de revenus par an. «Référez-en à votre comptable pour une analyse sur mesure», recommande-t-il.

À la recherche d'une plus grande efficacité fiscale ? «Au Québec, une société par actions non manufacturière admissible à la déduction pour petite entreprise assume un taux d'impôt combiné de 19 % sur les premiers 500 000 dollars de revenus, alors qu'un revenu imposable de 100 000 dollars d'un travailleur autonome non incorporé est imposé au taux moyen de 31,57 %», calcule Gaétan Veillette. Cependant, l'entrepreneur incorporé qui reçoit un salaire, des dividendes ou une combinaison des deux de sa société par actions se doit aussi d'assumer personnellement la facture fiscale habituelle associée à ceux-ci.

Un travailleur autonome pourrait plutôt simplement s'incorporer pour bénéficier des robustes avantages de cette forme juridique : la société par actions possède son propre pouvoir d'emprunt, limite la responsabilité des actionnaires à leur mise de fonds - protégeant ainsi leur patrimoine personnel - et permet l'accumulation de capital qui peut servir éventuellement de fonds de retraite. Attention, toutefois ! Lourdeur administrative et honoraires professionnels à prévoir.

FISCALITÉ : NE CÉDEZ PAS À L'APPEL DU CÔTÉ SOMBRE

«Le fisc peut détecter les entrepreneurs délinquants par leur niveaude vie élevé», dévoile Gaétan Veillette. Un véhicule récréatif de 150 000 dollars peut vous attirer des ennuis si vous n'êtes pas en mesure de justifier la provenance de l'argent. «Les autorités fiscales utilisent des logiciels pour faire des recherches croisées avec plusieurs ministères : par exemple, Revenu Québec consulte la banque de données de la SAAQ pour vérifier les transactions effectuées sur des véhicules».

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