Sa vie financière au creux de la main


Édition de Octobre 2018

Sa vie financière au creux de la main


Édition de Octobre 2018

Un conseiller ? Non ! Aller dans une succursale bancaire ? Encore moins ! Ils préfèrent leur téléphone pour gérer leur argent. Et voici leurs applis préférées.

Il n'a jamais été aussi simple d'investir en Bourse. Quelques manoeuvres sur un téléphone intelligent permettent désormais de dresser le portrait complet de sa situation financière. On peut même acheter de l'assurance vie sans rencontrer l'ombre d'un conseiller.

Les plus jeunes clients de l'industrie financière n'ont rien connu d'autre. Aller à la banque pour ouvrir un REER et sélectionner des fonds communs de placement avec l'aide d'un vendeur ? Jamais dans cent ans !

Curieux et autonomes, ils ont à leur disposition des outils et des sources d'information auxquels ne pouvaient même pas rêver leurs aînés, à leur âge. «Plusieurs s'intéressent à l'investissement automatisé à l'aide d'algorithmes, sur des plateformes électroniques. Ils sont avides d'en connaître plus sur les cryptomonnaies et lisent sur le sujet. Certains vont spéculer et d'autres vont essayer de le faire de manière plus systématique», observe Jan Christopher Arp, qui se définit comme un évangéliste des fintechs. Il joue le rôle de facilitateur entre les joueurs de l'industrie des technologies financières à Montréal.

Une banque en ligne qui plaît

De là à dire que toutes les personnes de moins de 35 ans sont rompues au Bitcoin et à l'Ethereum, il y a un pas, même deux, à ne pas franchir. La crise financière de 2008 a rendu prudents les Y les plus âgés. Elle a aussi miné la confiance de certains Y envers les grandes banques traditionnelles.

Vincent Gagnon, 26 ans, n'a pas ouvert son portefeuille de cryptomonnaies. Il a plutôt succombé pour la banque Tangerine, populaire chez les jeunes épargnants. En 2013, quand la banque virtuelle, alors ING Direct, a été la première au Canada à permettre le dépôt de chèques photographiés, à l'aide d'un téléphone intelligent, il a décidé d'y ouvrir un compte. «C'était beaucoup moins long que de me rendre à ma succursale de la Banque Nationale», fait-il valoir.

Heureux d'épargner des frais mensuels sans devoir détenir un solde minimum, Laurens Fradette a aussi fait son nid chez Tangerine. «Si je garde un compte chez Desjardins, c'est pour parler à un conseiller le jour où j'aurai besoin d'une hypothèque», dit Laurens, 26 ans.

Les jeunes que nous avons rencontrés apprécient le côté à la fois simple et innovateur des services bancaires mobiles de Tangerine. Ils aiment aussi l'absence des frais mensuels, une pratique à laquelle ils sont allergiques.

Contrairement à leurs aînés qui concentrent leurs affaires dans une même institution, ils ne craignent, en parallèle, de recourir aux services financiers offerts ailleurs. Ils utilisent diverses applications gratuites ou peu coûteuses comme Mint, Mylo, Tricount, Splitwise, en plus des services d'un courtier en ligne ou d'un robot-conseiller.

Applications en demande

Quand Laurens Fradette est parti en appartement avec ses frères, ses parents lui ont offert un cahier Canada afin de faire le suivi de ses dépenses. L'intention était belle. «J'ai tout de suite cherché un système plus efficace en ligne et la plateforme Mint répondait à mes besoins», raconte le technicien comptable. La protection des données personnelles est comparable à celle des banques canadiennes pour ce qui est du cryptage des données, mais le système n'est pas parfait. «Pour les cartes de crédit prépayées, par exemple, l'application me dit que c'est une dette. J'ai décidé de payer [49,99 $ US] pour le logiciel de tenue de compte Moneydance, plus flexible. Il me permet de créer des comptes manuels sans qu'ils soient reliés à une banque», explique-t-il.

«En six mois, j'ai accumulé environ 200 dollars, des sommes que je n'aurais probablement pas amassées sans cela», indique Vincent Gagnon. «Cela», c'est Mylo, une application montréalaise d'épargne systématique. Le principe ? Mylo arrondit au dollar supérieur les dépenses faites avec une carte de débit ou de crédit. L'achat d'un café à 3,25 dollars est arrondi à 4 dollars et permet ainsi de verser 75 cents au compte d'investissement Mylo. Le logiciel permet d'ajouter un effet multiplicateur sur le montant arrondi afin d'accélérer l'épargne.

Vincent Gagnon sait qu'un virement hebdomadaire de son compte d'épargne à son CELI, par exemple, serait plus efficace pour se bâtir un coussin financier, mais il apprécie la méthode sans douleur de Mylo. L'application investit ses économies dans des fonds négociés en Bourse (FNB). À part les frais de gestion intégrés aux FNB, il lui en coûte un dollar par mois, peu importe le montant investi, pour utiliser le service.

Sur un autre front, le bon vieil Excel est mis à mal par une panoplie de logiciels spécialisés. Ceux qui voyagent avec des amis ou qui vivent en colocation craquent pour des applications comme Tricount ou Splitwise, très utiles pour calculer les frais partagés. Il suffit de créer un compte et d'y entrer les noms des participants et les dépenses communes. L'outil mobile établit le solde de chacun et propose une solution pour équilibrer le tout. «C'est comme un gros chiffrier. Ma copine et moi, on entre toutes nos dépenses comme les restos, le loyer et on suit le montant que l'un doit à l'autre. Cela nous permet de savoir qui va payer la prochaine sortie, par exemple», explique Vincent Gagnon.

Magasiner ses assurances en ligne

Dans le domaine des assurances, les entreprises de technologies financières (fintechs et insurtechs) ne sont pas en reste. Les assureurs sont de plus en plus nombreux à s'associer avec des insurtechs afin de profiter de leurs applications et de leurs plateformes innovantes. Par exemple, Covera offre un service de courtage entièrement numérique qui magasine pour le client le renouvellement des polices d'assurance automobile et d'habitation. La numérisation et l'automatisation des processus pour la vente de produits d'assurance sont également en train de se faire chez plusieurs assureurs.

En assurance vie, les jeunes ont la perception que le courtier est là pour vendre et non pour leur donner des conseils, croit Martin Bailey. Avec sa conjointe Isabelle Bouchard, il a fondé Karma Assurance. Cette application Web offre notamment du courtage en assurance vie en ligne. Elle permet d'analyser ses besoins à l'aide de questionnaires. Les clients peuvent obtenir du soutien grâce à une plateforme de clavardage en direct ou, pour les plus nostalgiques, une ligne téléphonique. Il est aussi possible de rencontrer un représentant en personne, si nécessaire.

C'est que les jeunes sont absents des canaux traditionnels de distribution d'assurance, et Martin Bailey n'est pas le seul à tenter d'aller capter cette clientèle. «Empire Vie et son produit Allez Empire est un bon exemple avec son modèle hybride où le représentant en sécurité financière demeure disponible pour des conseils pour poursuivre les démarches si le client ne se qualifie pas pour le produit simplifié en ligne», remarque Martin Bailey. Financière Sun Life offre également plusieurs produits d'assurance vie en ligne avec sa plateforme virtuelle Go Sun Life.

Et nos placements ?

Dans son opération charme auprès des jeunes, le milieu de l'assurance accuse tout de même du retard sur le secteur du placement. Il faut dire que l'encadrement du secteur vient à peine d'être assoupli au Québec pour favoriser la distribution des produits d'assurance par les plateformes électroniques.

L'industrie des valeurs mobilières s'est adaptée plus tôt. La multiplication des firmes de courtage en ligne, l'explosion de l'offre de fonds négociés en Bourse et plus récemment l'arrivée des robots-conseillers ont progressivement ouvert la voie (une autoroute !) vers les marchés boursiers. En quelques minutes, avec l'aide de son téléphone, n'importe qui peut être pleinement investi en Bourse, et pour pas cher !

Tommy Lebel ne s'est pas entiché pour la sélection de titres ; il préfère s'amuser en achetant un peu de bitcoins dont il suit le cours avec l'application Coin Portfolio. Il utilise également Electrum comme porte-monnaie pour ses bitcoins. Ce qui ne l'a pas empêché d'ouvrir un compte de placement chez Wealthsimple, un robot-conseiller qui lui a concocté un portefeuille diversifié et adapté à son profil d'investisseur. Cette solution propose des portefeuilles en ligne généralement composés de FNB comportant des frais qui oscillent entre 0,4 % et 0,7 % par année, auxquels s'ajoutent les frais de gestion du fonds. Cela inclut le rééquilibrage des portefeuilles et, dans la majorité des cas, les coûts de transaction.

Après avoir rempli un questionnaire en ligne et établi son profil de risque, le client se voit proposer par le robot-conseiller un portefeuille virtuel qui respecte ses objectifs. Les portefeuilles proposés, généralement entre 5 et 10 modèles, suivent des stratégies allant de prudentes à plus audacieuses. Il existe une douzaine de robots-conseillers au Canada tels Nest Wealth, WealthBar, Portfolio IQ. Mais encore peu de grandes banques offrent ce service chez nous. Il y a le Portefeuille futé de BMO et la solution InvestCube de la Banque Nationale.

Avec son application Hardbacon, Julien Brault souhaite démocratiser encore davantage l'accès au marché boursier. Sa clientèle cible : les investisseurs qui détiennent moins de 100 000 dollars (lire : les jeunes) ! Alors que les robots-conseillers proposent des portefeuilles de type «prêt-à-porter», Hardbacon offre des outils à ceux qui veulent construire eux-mêmes leur portefeuille. L'application peut simultanément se connecter sur plusieurs comptes de courtage d'un même client et offrir une analyse rapide de la répartition d'actifs. La plateforme offre aussi des portefeuilles modèles, le tout sur une interface dans l'air du temps, ludique et épurée.

Une autre fintech québécoise, l'application gratuite Wealthica, agit comme un tableau de bord qui permet en un coup d'oeil aux investisseurs de suivre la valeur nette consolidée de leurs avoirs au près de différentes institutions. Selon Simon Boulet, qui a cofondé l'entreprise, un conseiller financier pourrait éventuellement accéder au portrait financier de son client afin d'avoir une vue d'ensemble de sa situation et de lui proposer de meilleurs produits. Aux États-Unis, c'est déjà le cas avec des applications comme eMoney, où les conseillers demandent à leurs clients de connecter tous leurs comptes.

Férus de technologies, les jeunes n'en constatent pas moins les limites à mesure que leurs besoins se complexifient. «J'aimerais parler à un professionnel expérimenté, mais je ne me sens pas à l'aise d'aller à ma succursale bancaire, car on ne fera pas une analyse complète de tous les produits de placement ou d'assurance offerts sur le marché, on voudra plutôt me vendre ceux de l'institution», croit Tommy Lebel.

Il cherche une application en ligne qui lui proposerait une planification financière, incluant ses besoins en assurance.

Il pourrait chercher encore longtemps.

Top des apps

Coin portfolio

Placements en bitcoins et en altcoins, conversion en plusieurs devises, négociation entre cryptomonnaies, suivi, relevés de transactions, alertes de fluctuation des cours. En anglais.

Hardbacon

Vue d’ensemble de ses comptes d’investissement, analyse de portefeuille boursier, choix personnalisé d’investissements, modèles de portefeuille, données sur les ­FNB et les actions, ouverture de compte de courtage, cours en ligne, et plus. En français.

Mint

Création de budgets personnalisés, suivi et paiement de factures, amélioration de sa cote de crédit, alertes et conseils. Intuitif, sécurisé, gratuit. En anglais.

Mylo

Investissement automatique de petites économies dans des ­FNB, selon le profil choisi, sur la base de l’arrondissement du montant de ses transactions sur cartes de débit et crédit, avec possibilité de booster. Gestionnaire de portefeuille attitré, dépôts ou retraits gratuits en tout temps, frais mensuels de 1 dollar. En français.

Splitwise

Calcul et partage des factures, des dettes, et de leur remboursement entre deux ou plusieurs personnes (amis, colocataires, etc.), courriels de rappel amicaux, conseils en matière de partage. Gratuit. En français.

Tangerine

Banque en ligne canadienne affiliée à la ­Banque ­Scotia. Épargne, compte chèques sans frais, carte de crédit avec remise, investissements à faible coût, emprunts abordables, établissement d’objectifs personnalisés, suivi des dépenses, conseils financiers. En français.

Tricount

Solution pour faire les comptes entre amis. Idéal pour les activités de groupe ou le partage entre colocataires, possibilité de répartir les dépenses de façon inégale. Fonctionne sans connexion. Simple. Plus d’un million et demi d’utilisateurs. Gratuit. En français, plus neuf autres langues.

Wealthbar

L’investissement en ­Bourse accessible à tous, dans des portefeuilles autrefois réservés au 1 %. Solutions personnalisées et gestion de portefeuille par des ­robots-conseillers (non rémunérés à commission). Frais de 60 % moins élevés que ceux des banques d’investissement traditionnelles. Version française.

Wealthsimple

Gestion de placements en ligne abordable grâce à une technologie intelligente. Basé à ­Toronto. Portefeuilles personnalisés diversifiés, fonds indiciels peu coûteux reproduisant les mouvements du marché boursier mondial. Conseillers disponibles. Actif sous gestion de plus de 2,5 milliards. Frais de 0,5 % (jusqu’à 100 000 $) ou de 0,4 % (100 000 $ et +). En français.

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