L'entrepreneur vénézuélien Juan José Pocaterra est membre du mouvement Global Shaper, une communauté internationale d'individus de 20 à 30 ans reconnus par le Forum économique mondial comme des agents de changement. M. Pocaterra veut améliorer la vie en ville. Sa société, Vikua, apporte des solutions de mobilité, de circulation et de sécurité.
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Diane Bérard - Vikua a pour mission de rendre les villes plus efficaces. Expliquez-nous.
Juan José Pocaterra - Qu'est-ce qu'une ville ? C'est un écosystème où les gens vivent, entrent en relation les uns avec les autres et créent. Ensemble, ces activités forment le processus de la ville. Et comme pour n'importe quel processus, il faut l'optimiser, soit le compléter dans un temps minimal en consommant un minimum de ressources, sinon on perd le contrôle. Cela exige de l'information en temps réel. C'est la mission de Vikua. Nous fournissons aux villes l'information requise pour fonctionner de façon optimale.
D. B. - Sur quels types de dossiers travaille Vikua ?
J. J. P. - Nous travaillons surtout sur trois types de dossiers : la mobilité, la circulation et la sécurité. Nous avons développé notamment un logiciel de gestion des feux de circulation. Et nous avons aussi créé une plateforme de gestion du Big Data de la circulation en temps réel.
D. B. - Vous n'aimez pas trop le terme «ville intelligente», pourquoi ?
J. J. P. - Je n'aime pas le côté radical du mouvement des villes intelligentes. Une ville est intelligente ou ne l'est pas. Mais si une ville n'est pas intelligente, cela fait-il d'elle une ville stupide ? C'est irréaliste. Même l'intelligence humaine ne fonctionne pas ainsi. C'est un concept évolutif. Vous gagnez de l'expérience, vous maîtrisez de nouvelles notions. Il en va de même pour les villes intelligentes
D. B. - Quelle est votre vision de la ville intelligente ?
J. J. P. - La ville intelligente est celle qui apprend. Chacune apprend à son rythme, à sa façon, en fonction de ses ressources. C'est pourquoi nous avons démocratisé notre technologie, afin que toutes les villes, quelle que soit leur taille, puissent développer des «zones intelligentes». Plutôt que de s'inscrire à la course de la ville la plus intelligente, pourquoi ne pas viser à rendre la ville un peu plus intelligente chaque année ?
D. B. - Comment la ville intelligente se décline-t-elle concrètement ?
J. J. P. - C'est une ville qui rend la vie agréable à ses citoyens en facilitant toutes les activités de leur quotidien. Cela peut se concrétiser différemment d'une ville à l'autre. Pour certains, cela peut se traduire par le fait de payer le transport en commun à l'aide d'une carte intelligente. Aux arrêts, on affiche en temps réel l'heure d'arrivée du prochain bus.
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D. B. - Une petite ville peut-elle se joindre au mouvement des villes intelligentes ?
J. J. P. - Elle ne pourra probablement pas s'y joindre. Cela exige trop de temps et trop de ressources. Mais elle peut ajouter petit à petit des «zones intelligentes». Rendre les déplacements plus fluides, par exemple. Pas ceux de toute la ville. Commençons par faire le monitoring des déplacements dans le corridor le plus névralgique de la municipalité. Et par ajuster les feux de circulation en temps réel en fonction des informations recueillies. C'est la mission que Vikua s'est donnée. Vikua veut démocratiser le concept des villes intelligentes.
D. B. - Votre technologie s'adresse surtout aux petites agglomérations et aux villes de taille moyenne...
J. J. P. - En effet, nous estimons que le mouvement des villes intelligentes les a laissées de côté. Il s'est concentré sur les capitales des pays riches. Or, l'urbanisation se déroule dans les pays émergents. Et à une vitesse bien plus rapide que dans les pays développés. Une ville qui passe de 100 000 à 300 000 habitants a définitivement besoin de planifier les déplacements.
D. B. - Trop d'infrastructures, pas assez de mesure, dites-vous. Pourquoi ?
J. J. P. - On entame souvent trop tard les projets d'optimisation des déplacements. Si vous ajoutez des infrastructures dans une grande ville sans avoir optimisé les déplacements, il y a de fortes chances pour que vous aggraviez les problèmes de congestion. Il aurait fallu optimiser d'abord. En implantant un système de monitorage qui aurait grandi avec la ville, par exemple.
D. B. - Donnez-nous un exemple de solution implantée par votre entreprise.
J. J. P. - Le mois dernier, nous avons livré à un client mexicain une solution infonuagique pour le suivi des prisonniers. Toute l'information relative à l'arrestation, au jugement puis à la condamnation du criminel est déposée au fur et à mesure sur un serveur sécurisé. Avant, tout était sur papier, disponible uniquement au poste de police local. L'histoire criminelle d'un récidiviste était souvent connue trop tard. Donc, mal gérée. Les policiers ignoraient souvent qu'ils avaient affaire à un récidiviste.
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D. B. - Donnez-nous un exemple d'intervention du côté du transport public ?
J. J. P. - Nous nous attaquons à la désorganisation du réseau. Au Venezuela, par exemple, les autobus du réseau public appartiennent à des entrepreneurs privés. La municipalité leur attribue des itinéraires qu'ils couvrent ensuite selon leur bon vouloir. Un fouillis ! Le transport public est pourtant une activité qui génère des revenus importants et qui pourrait en générer encore plus. Nous avons mené un projet à Maracay, au Venezuela : la cartographie des itinéraires de tous les autobus. Cela n'avait jamais été fait auparavant. L'administration municipale en a été quitte pour toute une découverte : 86 % des routes attribuées convergeaient vers la même voie. Voilà pourquoi cette zone était congestionnée en permanence !
D. B. - Quel est votre rêve ?
J. J. P. - Je veux contribuer à faire migrer la discussion autour de la ville intelligente. Ce n'est ni la technologie ni aucun autre outil qui rend la ville intelligente. Ce qui compte, c'est son utilisation dans votre gestion. Installer des caméras de surveillance partout, comme Moscou le fait, ne rend pas une ville intelligente. La technologie n'est pas intelligente. Elle peut rendre la ville intelligente. Les IBM et Siemens de ce monde aiment associer le concept de ville intelligente à la technologie. c'est normal, ils vendent de la technologie. C'est à nous d'amener le débat ailleurs.
D. B. - À 27 ans, vous vous sentez déjà vieux...
J. J. P. - Je ne me sens plus si jeune. Les 20 ans «disruptent» le monde. Ils en sont au stade où ils lancent des idées et expérimentent. Ma génération, elle, doit passer à l'étape suivante. Nous devons présenter des résultats concrets, démontrer notre expertise.
D. B. - Vous êtes un Global Shaper, soit un agent de changement. Comment voulez-vous changer le monde ?
J. J. P. - Pour changer le monde, il faut passer par les villes. Elles incarnent les principaux enjeux du 21e siècle.
D. B. - Vos solutions s'appliquent aux marchés émergents, les appliquerez-vous aux économies développées ?
J. J. P. - Je ne refuserai pas de contrats. Mais il y a tellement de bureaucratie et de normes dans les pays développés qu'il est difficile d'innover. Si Montréal est ouverte à l'idée de transférer toute sa gestion de la circulation dans une solution infonuagique, je suis partant.
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