Animer un produit pour attirer les clients, motiver les employés avec un personnage 3D, voilà deux des milliers de possibilités qu'offre la réalité augmentée (RA). Cette technologie, qui permet d'intégrer des éléments virtuels au monde réel, séduit de plus en plus d'entreprises, des banques aux commerces de détail, en passant par les musées...
Depuis deux ans, Desjardins Assurances multiplie les projets de RA avec la jeune entreprise montréalaise Merchlar, une des premières du monde à se spécialiser dans le domaine.
Ainsi, quand les employés du développeur de jeux vidéo Ubisoft orientent leur téléphone en direction des affiches de Desjardins Assurances, un système de reconnaissance d'image permet au formateur, Martin, de prendre vie.
«Nous avions le défi d'intéresser des clients jeunes et branchés au programme d'épargne-retraite. Et ça a marché !» lance Jackie Patel, directrice, commercialisation et soutien aux ventes chez Desjardins Assurances.
Selon elle, la réalité augmentée, qui a vu le jour au Japon, est un outil efficace pour partager de l'information de façon divertissante. La technologie s'insère dans l'environnement réel par l'intermédiaire de supports visuels, tels que des écrans numériques de téléphones intelligents et de tablettes, et de lunettes de type Google Glass (ou les lunettes de Sony et de Samsung, qui seront bientôt dévoilées).
«Nous avons aussi créé un personnage 3D, surnommé Penny. Il s'anime quand on place le téléphone sur un document en forme de billet de 20 $ ou sur un relevé bancaire. Les clients adorent l'application ; Penny transforme les sujets compliqués en jeux d'enfant», souligne Jackie Patel.
À l'instar de Desjardins Assurances, plusieurs autres entreprises ont découvert la RA, et l'engouement pour cette technologie se fait sentir tant ici qu'à l'international, précise le président fondateur de Merchlar, Awane Jones.
Ses clients sont variés : Société de transport de Montréal, Ubisoft, Little Burgundy, JP Morgan, le Canadien de Montréal de même que plusieurs équipes sportives américaines, les Films Sévilles (pour les bandes-annonces des films Hunger Games), etc.
Quelle utilité a la RA pour toutes ces entreprises ? «Ça dépend de l'objectif. Mais c'est un outil qui amplifie l'expérience des clients, la vente d'un produit ou d'un service, et qui peut aussi assister le personnel d'une entreprise», répond M. Jones, dont la société compte des représentants à New York et à Paris. Le chiffre d'affaires annuel de Merchlar est d'un million de dollars.
Prenant l'exemple de JP Morgan, il explique que la banque souhaitait réduire les coûts liés au service informatique. L'équipe de M. Jones a alors conçu une application mobile animée, qui aide les employés à résoudre eux-mêmes les problèmes techniques qu'ils affrontent.
Autre exemple : Merchlar, qui emploie 20 personnes, met au point des applications facilitant le travail des architectes et des promoteurs immobiliers. Grâce à des casques de visualisation 3D qui créent une expérience immersive, les investisseurs peuvent voir en taille réelle l'ensemble de la maquette proposée, en plus de visiter virtuellement les unités.
Un trio gagnant
Avec la RA, les possibilités sont sans fin, poursuit M. Jones : «Il suffit d'avoir la bonne idée et de s'assurer de sa faisabilité technique». C'est cette vision qui le guide pour créer ses équipes de travail. Chaque projet, quel qu'il soit, regroupe un artiste, un programmeur et un stratège. «L'ingénierie artistique, c'est une formule qui marche à tout coup», lance celui qui a amorcé sa carrière dans l'industrie de la musique.
Pour l'expert en marketing Arnaud Granata, il ne fait aucun doute que la RA est là pour rester. «C'est une utilisation habile du principe de la "gamification", ça retient l'attention de plus en plus limitée des consommateurs», analyse le vice-président et directeur des contenus de la revue Infopresse.
M. Granata estime que la RA offre la possibilité de collecter des données précieuses sur les utilisateurs. La suédoise Ikea a créé une application mobile permettant aux clients de sélectionner un meuble qui les intéresse, puis de le visualiser sur leur téléphone, à la maison. «Une telle application permet au commerçant de voir quels produits attirent l'attention des clients, et il peut repenser l'ordre de présentation des produits», fait-il valoir.
Le nouveau musée de l'université Stanford, en Californie, se trouve aussi à cueillir d'importantes données sur ses visiteurs, ajoute Kevin Sutherland, directeur de la technologie créative à l'agence de publicité Sid Lee.
En collaboration avec Merchlar, Sid Lee a mis au point une application en RA qui fait découvrir des aspects multimédias inusités de l'oeuvre dès qu'on oriente une tablette dans sa direction. «Les jeunes nés à l'ère numérique sont moins contemplatifs, ils aiment être constamment stimulés. La RA stimule leur engagement. C'est à mon avis un outil incroyable pour assurer la survie de nombreuses institutions», dit-il.