«Les consommateurs sont plus puissants que jamais. Pour les rejoindre, il faut adopter une approche centrée sur eux et se montrer agile, et ce, à chacune des étapes du processus de mise en marché d'un produit ou d'un service», estime Cheri Chevalier, directrice marketing de Microsoft Canada. Elle livrait une allocution sous le thème «instaurer une culture marketing agile dans un écosystème en pleine mutation», lors de la première édition des Rendez-vous CMO, des rencontres organisées par Les Affaires avec des directeurs marketing, ou chief marketing officers (CMO) de grandes sociétés.
Un constat s'impose d'emblée : l'ère des grandes campagnes publicitaires «big bang» est révolue. Pour illustrer son propos, la directrice marketing prend l'exemple de la série télévisée Mad Men, dont l'action se déroule dans une agence de publicité au cours des années soixante.
«L'époque où l'entreprise rencontrait son agence pour lui faire part de ses demandes, et où celle-ci revenait avec un plan six mois plus tard est terminée. Maintenant, chez Microsoft, nous privilégions les campagnes "sprint" de 15 ou 30 jours», dit-elle.
Rapidité d'exécution
Cheri Chevalier met l'accent sur la rapidité d'exécution comme l'un des nouveaux piliers de son industrie. Nul besoin, cependant, d'y investir des sommes exorbitantes. «Par exemple, Old Spice, qui vend des produits d'hygiène pour hommes, a réussi un tour de force avec une vidéo qui a coûté environ 45 000 $, mais dont les retombées médiatiques valent des dizaines de millions de dollars», souligne-t-elle.
Cette vidéo, qui met en vedette un homme au corps sculptural et à l'humour résolument absurde, a été visionnée jusqu'à présent près de 50 millions de fois sur YouTube. Non seulement l'équipe marketing derrière ce concept a-t-elle su faire preuve d'audace, mais elle a su réagir rapidement. Par le réseau social Twitter, un homme qui avait visionné ce clip de 30 secondes a émis le souhait que le personnage fasse une demande en mariage en son nom. Peu de temps après, l'équipe marketing qui a produit la vidéo avait exaucé son souhait.
«La réussite d'une campagne virale repose aussi sur le synchronisme, précise Cheri Chevalier. Cependant, les médias sociaux vous donnent aussi un accès à vos consommateurs et, surtout, à ce qu'ils pensent de vous. Bien sûr, l'utilisation des médias sociaux a permis à Old Spice de se montrer agile, mais il faut y assurer une présence permanente. Il s'agit d'une source d'informations précieuse sur vos clients.»Adopter les bons outils
Pour tirer le maximum des médias sociaux, comme pour lancer des campagnes marketing virales, la synergie avec le service informatique est cruciale. «Et ça ne s'applique pas seulement à Microsoft, croit-elle, mais à toutes les industries. Si vous ne connaissez pas la personne qui est à la tête de ce service chez vous, il est grand temps que vous en fassiez votre meilleur ami !»
La technologie permet d'adopter les bons outils pour communiquer son message et pour maintenir le dialogue avec ses clients. En prime, ils permettent également de segmenter la clientèle, afin de la comprendre, de l'analyser et de personnaliser les interactions.
Il est donc primordial d'accumuler des informations pertinentes sur les consommateurs, mais surtout, de savoir en tirer profit. «Plus de 90 % de toute l'information disponible a été générée dans les deux dernières années, explique Cheri Chevalier, et seulement 35 % de celle-ci sera décortiquée, de façon à être analysée correctement d'ici 2020.»
Prendre des risques
Toutefois, même une compréhension partielle des données, grâce à l'appui d'experts des nouvelles technologies, vaut son pesant d'or. Un office de tourisme pourrait, par exemple, déterminer quel type d'expérience est recherché par tel type de consommateur et lui offrir des produits et services en conséquence.
«Il ne faut pas avoir peur de l'échec. L'important, c'est d'essayer, de prendre des risques, conclut Cheri Chevalier. Et, peu importe le résultat, on doit savoir le mesurer. Nous ne saurons plus jamais comment une campagne se déclinera à l'avance, tant il faudra l'adapter en temps réel. Mon conseil : apprenez à composer avec l'incertitude !»
Ce qu'ils en disent
À la suite de la présentation de Cheri Chevalier, trois spécialistes du marketing étaient appelés à réagir. Tour à tour, ils ont présenté leurs réflexions, répondus aux questions du public et partagé leurs conseils.
Stéphane Bérubé, chef de la direction marketing, L'Oréal Canada
«Un CMO doit posséder la volonté de faire les choses autrement. Il ne faut pas attendre que la culture de l'entreprise change, il faut arrêter de dire que "c'est difficile à changer", il faut brasser la baraque ! Souvent chez L'Oréal, on se fait dire non plusieurs fois avant d'obtenir un oui.»
Son conseil : Arrêter de dépendre des agences de publicité. Il faut s'assurer de posséder toute l'expérience à l'interne, et de bien communiquer à l'ensemble de l'entreprise ce que l'on fait.
Marie-Huguette Cormier, première vice- présidente marketing, expérience membre-client et communications, Mouvement Desjardins
«Laissez tomber la perfection, lancez-vous ! Avisez votre entreprise que votre campagne ne sera pas comme d'habitude, et elle finira par l'accepter. Être CMO, c'est un peu comme être un athlète, on ne sait jamais comment va se dérouler la compétition, mais on fait tout pour être bien préparé.»
Son conseil : Dialoguer différemment avec le client grâce aux réseaux sociaux. Adopter un discours moins formel, moins institutionnel.
Joseph Adamo, vice-président marketing et commerce électronique, Transat
«Comme CMO, je suis sociologue, mathématicien, créateur. Je ne pourrais pas faire mon travail efficacement si j'arrêtais d'évoluer. Notre plan marketing doit être audacieux et s'adapter aux nouvelles réalités. En 2011, chez Transat, moins de 10 % de nos budgets publicitaires étaient consacrés au secteur numérique. Aujourd'hui, c'est plus de 40 %.
Son conseil : Il faut savoir gérer les médias sociaux à l'interne. Ces réseaux deviennent des centres de service à la clientèle en temps réel.