C'est un secret de polichinelle : les entreprises doivent constamment innover et développer de nouveaux produits pour assurer leur croissance et faire face à une concurrence de plus en plus mondiale.
Pourtant, le Québec est plutôt en perte de vitesse alors que sa part du PIB consacrée à la R-D ne cesse de diminuer, ayant chuté de 2,79 % en 2002 à 2,39 % en 2010. De plus, la proportion d'entreprises québécoises qui ont introduit au moins une innovation entre les années 2010 et 2012 s'élève à 60,9 %, comparativement à 77 % de 2007 à 2009, indique une étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ) publiée en mars.
Cette baisse des dépenses en R-D est en grande partie attribuable à la crise économique et financière qui sévit depuis 2009, explique l'étude, qui observe le même phénomène dans l'ensemble du pays. Sauf en Ontario. En effet, la province voisine a plutôt pris le chemin inverse, alors que le taux d'innovation des entreprises est passé de 66,5 % de 2007 à 2009 à 71,2 % de 2010 à 2012.
«Ce ne sont certainement pas de bonnes nouvelles. Pourtant, on ne cesse de le répéter, les entreprises sont condamnées à innover. Ce sont les sociétés les plus innovantes qui réussissent et se démarquent», commente Jean-Louis Legault, président-directeur général de l'Association pour le développement de la recherche et de l'innovation du Québec (ADRIQ).
«On mise sur des industries, comme l'aérospatiale ou les sciences de la vie, et de grandes entreprises, telles Bombardier, CAE et Cascades, qui investissent de façon importante en recherche et développement. Mais il reste beaucoup à faire», constate le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion. En fonction depuis l'automne 2011, dans un nouveau poste créé par le gouvernement, son rôle est de conseiller le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie en matière de développement de la recherche.
Autre constat : les entreprises québécoises favorisent l'innovation non technologique, démontre encore l'étude de l'ISQ. Le type d'innovation pratiquée par la plus grande proportion d'entreprises au Québec, entre les années 2010 et 2012, est l'innovation organisationnelle (37,9 %) suivie de l'innovation en marketing (32,5 %), soit les deux types d'innovation dite non technologique. Par ailleurs, un peu plus du quart des entreprises ont innové en produits (27,7 %) ou en procédés (26,0 %) pendant cette même période.
En Ontario, le portrait de l'innovation est différent. Ainsi, 49,3 % des entreprises ontariennes ont innové en produits, soit un taux significativement plus élevé qu'au Québec, et 36,0 % d'entre elles ont fait des innovations en procédés.
«Les innovations non technologiques sont nécessaires, mais il faut s'assurer d'un meilleur équilibre et accroître les investissements en innovation de produits et de procédés», dit M. Legault.
Changement de culture
Le Québec devra donc redoubler d'ardeur pour renverser la tendance et atteindre la cible fixée de 3 % d'investissement en recherche et développement, en pourcentage du PIB. Les entreprises devront mettre davantage l'épaule à la roue. D'autant que la baisse de la part du PIB consacrée à la R-D depuis dix ans s'explique en bonne partie par la diminution des investissements effectués par l'entreprise privée.
«Le Québec a grandement besoin de l'entreprise privée, et surtout de la PME. Il faut démystifier la recherche auprès des PME qui n'ont pas de tradition en matière de R-D ou qui imaginent les chercheurs dans leurs tours d'ivoire, tout en pensant qu'elles ne verront pas les résultats concrets de la recherche avant plusieurs années», fait valoir M. Quirion.
La part de l'entreprise privée dans l'ensemble de la R-D, tant au Canada qu'au Québec, est d'environ 50 %. Ce pourcentage est beaucoup moins élevé que dans des pays comme Israël, la Finlande ou la Corée du Sud, où la part du PIB consacrée à la R-D a été supérieure à 3,5 % de 2000 à 2010.
«La culture d'innovation est moins forte au Québec, comparativement aux États-Unis ou dans plusieurs pays du monde. Il faut changer les mentalités», reconnaît M. Legault.
Une politique de 3,7 G$
La nouvelle Politique nationale de la recherche et de l'innovation (PNRI), lancée il y a six mois par le gouvernement québécois, vise justement à rectifier le tir. Dotée d'une enveloppe de 3,7 milliards de dollars sur cinq ans, la Politique propose entre autres une aide financière et technique aux PME désireuses d'entreprendre le dépôt d'une première demande de brevet.
D'autres mesures touchent aussi la valorisation et le transfert des résultats de la recherche, de même que la prolongation et la bonification du crédit d'impôt à l'investissement. Des sommes sont également consacrées à rehausser de 10 % le budget consacré aux centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) et pour la mise en place de trois nouveaux centres.
«Les CCTT sont encore trop méconnus des PME qui peuvent grandement profiter de leurs activités de recherche», affirme M. Legault.
La politique gouvernementale souhaite d'ailleurs favoriser une meilleure communication et établir des liens plus étroits entre les chercheurs et les entreprises.
Rémi Quirion estime aussi qu'il importe d'accroître le lien entre les entrepreneurs qui vivent des problématiques bien réelles et les centres de recherche universitaires, industriels et collégiaux.
«Si on veut que le Québec se développe sur le plan de la recherche et de l'innovation au bénéfice de la population et qu'il rayonne dans le monde, le partenariat est essentiel», précise-t-il.