Admettons-le d'entrée de jeu, il n'existe pas de manière parfaite d'évaluer le rapport rendement-prix d'un dirigeant. L'avantage de notre démarche est qu'elle se concentre sur la création de valeur et non sur les fluctuations boursières, qui sont influencées par des éléments externes. Comme toute méthode, elle comporte ses limites.
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L'objectif du palmarès est d'évaluer la rémunération des pdg des 50 plus grandes capitalisations boursières québécoises en fonction de la création de valeur enregistrée au sein de leur société. À notre demande, la firme Gestion de portefeuille stratégique Medici a conçu un indicateur pour mesurer la création de valeur. Cet indicateur tient compte de trois données : le rendement du capital investi par les actionnaires au cours des cinq dernières années ; la croissance du bénéfice par action sur cinq ans ; la taille de l'entreprise.
À l'aide de son logiciel StockGuide, la firme montréalaise Inovestor nous a aidés à compiler les données sur la rémunération des dirigeants et sur le rendement des entreprises.
Nous avons délibérément choisi d'exclure de l'équation les variations du cours de l'action. Ces mouvements peuvent subir l'influence de facteurs qui n'ont rien à voir avec les activités réelles de l'entreprise. Michel Magnan, professeur à l'École de gestion John-Molson de l'Université Concordia, et François Dauphin, directeur de projet de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP), cautionnent cette décision.
Les composantes de l'indicateur
Le rendement des capitaux propres sur cinq ans, une donnée clé pour mesurer la création de valeur, pèse pour plus de la moitié de l'indice, soit 60 %. Le rendement des capitaux propres se mesure en divisant le bénéfice net par l'avoir des actionnaires.
Un poids de 30 % est accordé à la croissance du bénéfice par action, également sur cinq ans. Cette donnée a une influence importante sur le cours de l'action d'une société. Les analystes utilisent d'ailleurs ce ratio pour évaluer la valeur d'une action par rapport à son historique, un indice ou un groupe de pairs.
Enfin, nous avons accordé un poids de 10 % aux revenus totaux. Cette donnée sert à mesurer la taille des entreprises de notre échantillon. L'idée d'une prime à la grosseur est de tenir compte du fait que la gestion d'une grande organisation peut ajouter un défi supplémentaire.
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Des limites
Notre indicateur comporte tout de même des limites, croit Michel Magnan. «Vos critères se défendent, mais d'autres intervenants auraient pu préférer d'autres indicateurs ou auraient pu choisir une pondération différente, précise le spécialiste de la rémunération. Ce n'est pas un exercice simple.»
Dans certains cas, l'utilisation du rendement sur le capital investi peut créer des distorsions, prévient M. Magnan. Il donne l'exemple de WSP Global. La firme de génie-conseil a une stratégie de croissance par acquisitions. Cela peut réduire son rendement à court terme, soit pendant la phase d'intégration. «Pourtant, c'est une société bien gérée», juge-t-il.
Les options faussent le portrait
La rémunération divulguée dans la circulaire d'une société n'est jamais vraiment le montant qu'obtient un pdg. Les octrois d'options d'achat d'actions brouillent les cartes. Ce type de rémunération complique la tâche de toutes les personnes qui étudient la rémunération des hauts dirigeants, déplore François Dauphin.
Les options d'achat permettent à son détenteur d'acheter un titre à un prix déterminé à partir d'un moment donné. Les conseils d'administration en accordent aux hauts dirigeants afin de les récompenser si la valeur de l'action d'une société s'apprécie au-delà du prix d'exercice. Toutefois, l'IGOPP juge que les options comportent des effets pervers et recommande leur abolition. Entre autres critiques, l'organisme estime que les options peuvent inciter un pdg à viser une augmentation de la valeur de l'action à court terme, sans se préoccuper de la pérennité des résultats de l'entreprise.
Au-delà de ce débat, l'octroi d'options fait en sorte qu'on ne connaît jamais la véritable rémunération obtenue par les pdg, explique François Dauphin. Dans la circulaire, la valeur des options versées n'est qu'une estimation en vertu du modèle de Black-Scholes. «On ne sait pas : ça pourrait être un montant beaucoup plus élevé ou moindre, dit-il. Ça pourrait même être zéro, si l'action ne franchit pas le cours d'exercice.»
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