La Montreal, Maine & Atlantic Railway, à qui appartenait le train à l’origine de la tragédie de Lac-Mégantic, est propriété d’un homme d’affaires prospère de Chicago, passé maître dans le redressement de sociétés ferroviaires.
Edward A. Burkhardt est le président de Rail World, une société privée fondée en 1999, à la tête de multiples filiales du domaine ferroviaire dont fait partie la Montreal, Maine & Atlantic (MMA), aujourd’hui sous tous les projecteurs du pays.
Dans la nuit de vendredi à samedi dernier, un train de 73 wagons, emplis de pétrole, a déraillé au centre de Lac-Mégantic, provoquant la destruction d’une vingtaine de bâtiments et la mort d’un nombre encore indéterminé de victimes. Lundi après-midi, les autorités rapportaient officiellement treize morts et «plus ou moins cinquante» personnes manquaient toujours à l’appel.
Basée à Hermon, dans l'état du Maine aux États-Unis, l’histoire de MMA débute en 1893, sous le nom de Bangor and Arrostook Railroad (BAR). L’entreprise en difficulté a vu son nom changer pour MMA lorsque Rail World a achèté ses actifs en 2003, avec le concours de la Caisse de dépôt et placement du Québec (7M$ en capital actions et 7,7 M$ sous forme de prêt).
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Aujourd’hui, MMA embauche quelque 170 travailleurs, possède 15 trains et 26 locomotives et exploite un chemin de fer de 820 km au Nouveau-Brunswick, au Maine, au Vermont et au Québec. Dans la province, outre Montréal (accessible par les voies du Canadian Pacific) et Lac-Mégantic, ses convois ferrés traversent les villes de Delson, Saint-Jean, Iberville, Stanbridge, St-Pie, Saint-Hyacinthe, Farnham, Cowansville, Magog, Sherbrooke et Lennoxville.
Interviewé samedi par les journalistes de l’agence de presse Reuters, à ses bureaux de Chicago, près de l’Aéroport O’Hare, M. Burkhardt a déclaré que l’accident de Lac-Mégantic constituait le seul accident d’importance de l’entreprise depuis sa création et a dit s’attendre, sans craindre pour la viabilité de MMA, à ce que la facture des réclamations des sinistrés soient salée.
Diplômé de l’Université Yale, l’homme d’affaires de 74 ans est reconnu pour son expertise dans la privatisation et le redressement d’ex-compagnies ferroviaires publiques en difficulté. Cela lui a permis en outre de jouer un rôle de premier plan dans la privatisation du système ferroviaire public de Nouvelle-Zélande (Tranz Rail Holding).
Le rachat, en 1993, des chemins de fer néo-zélandais aurait donné le coup d'envoi aux ambitions internationales de M. Burkhardt. L’organigramme de Rail World montre, sans surprise, l’existence d’un conglomérat du même nom (Rail World Holding), lequel gère et investit dans des entreprises ferroviaires à travers le monde, notamment en Pologne, en Ukraine, en Estonie, en Lettonie, et au Pays-Bas.
Ces activités ont notamment permis de jouer un rôle actif dans la privatisation du système ferroviaire d’Estonie, l’Estonian Railways en 2001, et de présider au développement rapide du Rail Polska, de Varsovie.
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Avant de créer l’empire qu’est devenu Rail World, en 14 ans, M. Burkhardt a aussi créé et dirigé pendant douze années la Wisconsin Central Transportation Corporation (et sa filiale canadienne Algoma Central Railway), rachetée par le Canadien National en 2001.
En 1996, rapporte Le Devoir, le quotidien financier français Les Échos écrivait que le secret du succès de l’américain se résumait à deux choses : «réduire les coûts de production et augmenter la production».
La recette de l'homme du rail semblerait toujours d'actualité. Entre 2003 et 2010, la direction de MMA a mis à pied 35% de son personnel et imposé une baisse de salaire de 15%, rapportait le site d'information économique Mainbiz.
M. Burkhardt a également été président du Western Railway Club, a été membre du comité exécutif du Regional Railroads of America, et est aujourd’hui président du San Luis Central Railroad Company, de Monte Vista, au Colorado.
Ces faits d'armes lui ont permis de recevoir en 1999 le titre de «Railroader of the Year» par le magazine Railway Age et d’être consacré la même année, par le même magazine, l’un des 16 «Railroaders of the Century».