En 2019, la crise démographique frappera les universités québécoises de plein fouet. Elles prennent donc déjà les moyens nécessaires pour amortir le choc, particulièrement dans le domaine du génie.
«Dans cinq ans, la chute sera dramatique, car dès 2016-2017, les cégeps compteront 28 000 étudiants de moins», prévient Nadir Belkhiter, vice-doyen aux études à la Faculté des sciences et de génie de l'Université Laval.
L'Université Laval déploiera une stratégie à trois volets pour faire face à ce défi. Le premier : «fidéliser» les plus jeunes en intensifiant les activités de promotion en sciences et génie dans les écoles primaires et secondaires.
Le second : accélérer la prospection de clientèles étudiantes à l'étranger. «Nous sommes déjà très présents en France en tenant des activités d'information dans des lycées et des établissements d'enseignement supérieur», précise Johanne Morneau, directrice du Bureau du recrutement étudiant. L'Université Laval a également un bureau, avenue Hoche à Paris.
«Nous développons aussi notre présence en Chine, plus spécifiquement pour le recrutement de candidats dans certains créneaux au doctorat», ajoute Mme Morneau.
L'Université mène également des activités de recrutement au Mexique, en participant annuellement à des salons en collaboration avec des universités mexicaines. L'établissement est également actif en Afrique de l'Ouest et en Afrique du Nord, par l'entremise d'un représentant à Dakar au Sénégal et d'un autre à Rabat au Maroc, précise Mme Morneau.
Troisième et dernier volet : la lutte au décrochage des étudiants de première année. «À l'automne 2014, nous implanterons un dispositif informatique d'identification des décrocheurs potentiels. Une alerte s'enclenchera dès la mi-session. Des mécanismes d'intervention seront déployés afin d'accompagner ces étudiants vers la réussite», précise le vice-doyen.
Des robots pour attirer les jeunes
L'Université de Sherbrooke mise sur diverses initiatives pour faire connaître le génie auprès des jeunes du secondaire et du cégep.
Le doyen de la Faculté de génie, Patrik Doucet, donne en exemple la compétition internationale Robotique First. Des étudiants de l'Université deviennent, le temps de ce concours annuel, les mentors d'élèves du secondaire qui doivent concevoir, programmer et construire un robot en mesure d'accomplir certaines fonctions prédéterminées. «Il s'agit d'un exercice de créativité, avec des contraintes très réelles. Voilà une façon concrète d'intéresser les jeunes au génie», affirme M. Doucet.
Cet événement annuel suscite la participation de 1 200 adolescents d'une quarantaine d'écoles secondaires du Québec. «Environ 35 étudiants de l'Université, principalement de deuxième et troisième cycles, deviendront mentors», précise M. Doucet.
L'Université de Sherbrooke veut également attirer les étudiants en ingénierie en mettant en valeur les défis qu'offrent les projets de fin d'études. Les étudiants peuvent alors construire des prototypes fonctionnels, comme un logiciel conçu pour répondre aux besoins spécifiques d'une entreprise. Ces étudiants disposent d'un budget réel, et leurs projets peuvent déboucher sur des applications commerciales.
«Par exemple, après avoir breveté l'invention d'un positionneur de membre pour les chirurgies de l'épaule, des étudiants ont fondé l'entreprise GCS Médical, qui commercialise maintenant ce produit», mentionne M. Doucet.
Cette démarche concrète vise à répondre aux besoins de créativité chez les jeunes qui s'intéressent à l'ingénierie. «Nous sommes la seule université québécoise à donner la possibilité de mettre les mains dans le moteur d'un projet de cette nature», dit M. Doucet.
Lutte au décrochage
L'École Polytechnique de Montréal a pris les grands moyens pour réduire le taux de décrochage de ses étudiants.
«En 2005, on perdait environ 30 % des étudiants de première année. Aujourd'hui, la proportion a baissé à 10 %», dit Yves Boudreault, directeur des études de premier cycle au département de génie informatique et génie logiciel.
La stratégie repose sur une pédagogie «plus active» ainsi que sur la «contextualisation» de l'enseignement. «Les étudiants savent rapidement pourquoi on insiste sur telle ou telle notion théorique», dit M. Boudreault.
L'École Polytechnique veut amener très rapidement les étudiants à réfléchir à leurs choix de carrière. «C'est pourquoi, dès la première année, ils sont plongés dans la conception d'un projet intégrateur qui fait appel aux connaissances acquises», précise M. Boudreault.
L'établissement entend également accroître le recrutement d'étudiants étrangers. «Mais tout en donnant nos couleurs. Car il faut bien préciser, dès le départ, que notre enseignement se fait en français», souligne le directeur des études.
Parallèlement, l'École Polytechnique veut continuer à augmenter l'offre de cours à l'international, afin d'inciter ses étudiants à découvrir le monde. Par exemple, l'établissement propose, en génie électrique, le cours sur les systèmes énergétiques donné à l'École supérieure d'électricité, plus communément appelée Supélec, à Gif-sur-Yvette en France. Et en génie mécanique, le cours de génie automobile enseigné à l'École supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile de Paris.
«Nous voulons aussi ajouter de nouvelles spécialités de dernière année pouvant être suivies à l'étranger. Par exemple, en génie civil, le programme ingénierie des transports urbains de l'École des travaux publics de l'État, située à Vaulx-en-Velin en France», dit M. Boudreault.
Explosion des inscriptions
En six ans, l'effectif de l'École de technologie supérieure (ÉTS) a explosé, passant de quelque 4 000 à 7 800 étudiants. «C'est d'autant plus important que, de 2003 à 2008, la croissance a été nulle», précise Jean-Luc Fihey, directeur des études et de la recherche.
Cette croissance a reposé sur le grand intérêt que les étudiants du niveau collégial portent à la carrière d'ingénieur. «Nous n'avons pas de quotas d'admission. En tant que constituante de l'Université du Québec, l'École de technologie supérieure a pour mission de favoriser l'accessibilité aux études universitaires», dit M. Fihey.
Dans ce contexte, l'établissement «n'a pas beaucoup insisté historiquement sur le recrutement d'étudiants internationaux, ce qui fait qu'ils sont peu nombreux au premier cycle».
Si un jour, la courbe d'inscriptions chutait, l'ÉTS serait prête à faire davantage d'efforts de ce côté. «Nous savons, par exemple, qu'il y aurait une forte demande de la part d'étudiants de France», dit M. Fihey.
Journées portes ouvertes
L'Université du Québec à Rimouski (UQAR) veut augmenter le taux de réussite des étudiants de première année.
Dans cet esprit, l'établissement a prévu des mesures d'accompagnement des étudiants qui éprouvent des difficultés en rédaction, en mathématiques et en informatique.
«Ces mesures ne s'appliquent évidemment pas à tout le monde. Par exemple, certains étudiants doivent rehausser leur maîtrise du français écrit et d'autres, leur compréhension de certains volets des mathématiques. Et cela exige des suivis personnalisés», dit Jean-François Méthot, directeur du module de génie.
En outre, l'UQAR a mis en place des mesures d'accompagnement en informatique afin d'aider les étudiants étrangers à mettre leurs connaissances à niveau. Cette clientèle constitue environ 40 % de l'effectif du module de génie de l'université rimouskoise.
Par ailleurs, «d'année en année, nous varions les contenus de nos journées portes ouvertes afin d'attirer un peu plus d'étudiants», précise Jean-François Méthot.