Lancé en avril 2015, le nouveau Plan Nord prévoit des investissements publics de 1,3 milliard de dollars d'ici 2020 afin de créer un climat propice à l'investissement nordique. Mais pour que ces investissements se traduisent par le développement de leurs communautés, les municipalités du territoire devront impérativement avoir accès à de nouveaux logements. Un enjeu soulevé lors de la conférence Objectif Nord, organisée à Montréal le 25 septembre dernier par le Groupe Les Affaires.
Nunavik : le «long terme» du Plan Nord
Le maire de Kuujjuaq, Tunu Napartuk, a sans doute été l'un des conférenciers les plus fascinants lors de l'événement Objectif Nord. Ce n'est pas tous les jours qu'on reçoit des visiteurs de cette ville blottie au creux de la baie d'Ungava, à 1 450 kilomètres de Montréal. Car, Plan Nord ou pas, le vol coûte toujours de 2 400 à 3 000 $, soit plus que le déplacement vers l'Australie !
«La plus grande richesse naturelle qu'on a, ce sont nos enfants», a-t-il dit d'emblée, rappelant que 60 % de la population du Nunavik a moins de 30 ans. Il a longuement déploré le manque de logements à Kuujjuaq, qui se manifeste par exemple lors des divorces, lorsqu'un des deux parents décide de quitter la demeure familiale... pour ne rien trouver d'autre. «Deux fois par mois, je reçois un appel de quelqu'un qui n'a pas de logement.»
Le Plan d'action 2015-2020 du gouvernement prévoit stimuler le marché de l'habitation privée au Nunavik, qui stagne toujours à moins de 100 logements. La Société d'habitation du Québec devrait ainsi mettre en place un fonds de rachat temporaire pour faciliter l'accès au crédit hypothécaire. La majorité des familles vit encore dans des logements sociaux, dont le nombre est d'ailleurs nettement insuffisant. «C'est l'enjeu qui a le plus d'impact sur notre façon de vivre», admet M. Napartuk en entrevue.
Le Nunavik est d'ailleurs bien loin de «vibrer» aux récentes annonces du gouvernement. «Ça ne suscite pas de réactions ici, dit-il. On sait que le gouvernement parle beaucoup du Plan Nord, mais nous, on n'en parle pas.»
Il faut dire que les embûches au développement du Nunavik sont multiples. Les 14 communautés ne sont accessibles que par avion, ce qui a des répercussions directes sur le coût de la vie. L'entente sur la réduction des prix à la consommation, en vigueur depuis avril 2014, sera maintenue jusqu'en 2017, pour une aide financière totale de 33 millions de dollars sur trois ans. Une étude sur les habitudes de consommation des ménages doit ensuite permettre de définir des solutions à plus long terme.
Pour l'instant, la subvention de 0,40 $ sur le litre d'essence «fait une grosse différence», assure M. Napartuk. Fin septembre, le coût de l'essence super se maintenait en moyenne à 1,50 $ le litre, d'après la Régie de l'énergie.
De plus, le Nunavik n'offre encore aucune formation technique pour préparer sa main-d'oeuvre au prochain boom minier. «Si on veut poursuivre nos études [au collégial], on doit descendre à Montréal», dit M. Napartuk.
La Commission scolaire Kativik offre bien une dizaine de formations professionnelles à Inukjuak et à Kuujjuaq, mais aucune n'est spécifiquement liée au secteur extractif. «Il n'y a rien ici pour nous donner de meilleures chances d'embauche. La seule façon d'être formé, c'est d'être recruté par une minière puis de suivre des formations à l'interne pour aller plus loin.»
Chibougamau veut séduire les promoteurs immobiliers
La mairesse de Chibougamau, Manon Cyr, s'est montrée particulièrement optimiste sur la question du développement nordique. Il faut dire que, pour le moment, c'est surtout sur la baie James que pleuvent les investissements miniers.
La mine d'or Éléonore a été officiellement inaugurée par Goldcorp à la fin de juillet, après des investissements totaux de 2,5 G$. La mine de diamants Renard est en construction et devrait entrer en production commerciale au deuxième trimestre de 2017, après un investissement de 811 M$. À plus petite échelle, le projet Whabouchi, de Nemaska Lithium, vient de recevoir son certificat d'autorisation pour aller de l'avant - un investissement estimé à 190 M$.
«Pour Éléonore, 20 % de la main-d'oeuvre vient de la Jamésie, donc en grande partie de Chibougamau», dit-elle en entrevue, rappelant que sa ville de 7 600 habitants représente la moitié de la population jamésienne. Les Cris constituent un autre 20 % de la main-d'oeuvre d'Éléonore.
Les choses vont si bien pour Chibougamau que la municipalité prévoit développer de nouveaux secteurs, résidentiels et industriels. «Ça fait plus de 25 ans qu'on n'a pas construit un immeuble d'appartements !» a-t-elle dit lors de la conférence. Avec un taux d'inoccupation de 0,07 %, plusieurs travailleurs désirant s'installer sont forcés de «virer de bord» faute de logement, selon elle.
Manon Cyr compte mettre à profit le programme de cession gratuite de terres de l'État et celui d'infrastructures Québec-municipalités (PIQM) pour attirer les promoteurs immobiliers. «Le Plan Nord nous permet de développer certaines infrastructures», souligne-t-elle. Elle espère aussi que les infrastructures d'accueil de l'aéroport de Chibougamau-Chapais seront agrandies au bénéfice des nouvelles opérations minières.
Il est vrai que Chibougamau jouit d'un atout de taille : la vitalité relative de son secteur forestier, mené par Chantiers Chibougamau et Barrette-Chapais. «Chantiers Chibougamau, c'est 50 M$ par an en retombées directes», affirme Mme Cyr.