Ne demandez pas au nouveau président du Conseil du trésor du Québec s'il penchera à droite ou à gauche une fois que les finances publiques auront été assainies - en 2015-2016, si tout fonctionne comme prévu. Ni s'il voudra que l'État québécois intervienne dans l'économie autant qu'il l'a fait jusqu'à présent.
«Ce qui compte pour moi, ce n'est pas plus ou moins d'État, mais mieux d'État», répond-il en entrevue avec Les Affaires, sa première grande entrevue depuis que le premier ministre Couillard l'a chargé de l'administration gouvernementale et de la révision permanente des programmes gouvernementaux. «Au fil des ans, l'État québécois s'est éparpillé, affirme M. Coiteux. Il a empilé les programmes, organismes et mesures fiscales les uns par-dessus les autres, et on n'a jamais mis d'ordre là-dedans. Je veux contribuer à mettre fin à cet éparpillement pour que l'État fonctionne mieux.»
En créant la Commission de révision permanente des programmes, cet ancien professeur à HEC Montréal et ex-représentant principal à la Banque du Canada pour la région du Québec vient d'hériter de la plus importante responsabilité ministérielle au sein du gouvernement Couillard. Celui qui s'est fait connaître pour ses critiques tranchées du «modèle québécois» avant d'entrer en politique entend maintenant faire avaler à la population les changements les plus draconiens que le gouvernement ait connus depuis des décennies.
«Pas draconiens, mais sérieux», corrige-t-il. «Ambitieux», ajoute-t-il. Car tous les programmes et services livrés par l'État seront passés au peigne fin par la Commission qu'il vient de constituer et à laquelle siègent des gens qui pensent comme lui. Et Martin Coiteux le dit d'entrée de jeu : les programmes seront abolis, bonifiés, optimisés ou privatisés.
Ceux qu'on voudra maintenir seront ensuite reconçus de façon à ce que «leurs coûts de reconduction correspondent à l'augmentation des recettes fiscales du gouvernement». Et à partir de là, ils seront évalués de façon continue, leur performance mesurée avec des indicateurs de suivi précis.
C'est une tâche colossale, un changement majeur de culture que Martin Coiteux veut réaliser. Même si, en entrevue, il mentionne à plusieurs reprises qu'il «ne veut pas se substituer au travail de la Commission», le ministre de 53 ans sait exactement où il s'en va.
Stimuler l'investissement privé
Il sait d'ores et déjà que le panier de services livrés par l'État sera réduit. «On ne va pas garder le même nombre d'assiettes et réduire les portions. C'est ce qu'on a fait dans le passé et cela n'a pas marché. On a déjà joué dans ce film-là», dit-il. Une tarification de certains services ? Sans doute. «Mais au bout du compte, le fardeau fiscal des Québécois ne sera pas alourdi», promet-il, car leurs impôts seront diminués.
L'entrée du privé dans les services publics ? «On va en parler, bien entendu [...] Je n'ai pas de position dogmatique, mais lorsque c'est l'État qui paie, il faut s'assurer de la meilleure prestation. Dans certains cas, ce sera le public [...] et dans d'autres, il sera justifié que ce soit le privé.»
Les subventions aux entreprises ? À cet égard, celui qui avait écrit en 2012 qu'il fallait en faire «table rase pour les limiter à des enveloppes consacrées à la croissance de la productivité» dit aujourd'hui que le ménage sera fait, et que «tout sera ramené sous un même toit». L'objectif étant de «stimuler l'investissement privé» - beaucoup trop faible, selon lui, compte tenu du fait que le Québec est la province canadienne la plus généreuse en matière de subventions aux entreprises.
Flexibilité et agilité
À l'écouter parler, il est clair que Martin Coiteux veut que l'État donne moins de cadeaux aux entreprises mais qu'il réduise leur fardeau fiscal dans le but d'augmenter la compétitivité de la province et d'attirer les investissements. Mais «c'est la Commission [d'examen sur la fiscalité québécoise] qui va décider», dit-il. Un rapport d'étape est attendu en octobre 2014, et la Commission devrait remettre son rapport final en décembre 2014.
Dans ce contexte, comment le ministre entrevoit-il les négociations avec les employés du secteur public ?
«On a 40 à 50 ans de conventions collectives derrière nous qui sont dans un moule particulier, ne peut-on pas réfléchir sur comment le faire mieux au 21e siècle ? Ce n'est pas tabou de regarder cela...» dit-il, avant d'ajouter : «On veut faire entrer l'État du Québec et les services aux citoyens dans l'ère moderne, et il faut avoir la maturité nécessaire pour tenir cette discussion-là». Au menu : une plus grande flexibilité dans l'organisation du travail.
Cela dit, s'il veut un État plus agile, plus performant, Martin Coiteux accepte l'idée qu'il devra bien rémunérer ses fonctionnaires pour y arriver. «Un État qui fonctionne bien dépend de la qualité de sa fonction publique. On veut attirer, retenir le talent et le rémunérer adéquatement. Dans certaines sphères, on voudrait attirer plus de gens !» dit-il. C'est peut-être là la grande promesse que M. Coiteux fait aux employés de l'État : on va couper, mais mieux rémunérer ceux qui restent. Pour que les services soient mieux livrés.
«Il s'agit d'abord de se donner la marge de manoeuvre qui nous permettra de regagner notre liberté de choix», conclut-il. La philosophie de sa commission, c'est ça.