Dans le cadre de la campagne électorale fédérale, Finance et Investissement donne le micro aux principaux partis politiques canadiens. L'auteure de ces lignes s'est entretenue avec le représentant du Bloc Québécois, Daniel Paillé, porte-parole en matière de finances et député fédéral d'Hochelaga, au Québec.
Finance et Investissement : Votre parti propose-t-il une ou des mesures qui favoriseront le développement de l'industrie des services financiers au Canada?
Daniel Paillé : Aujourd'hui le système canadien fonctionne bien et il faut garder les mêmes règles, par exemple empêcher des étrangers de détenir plus de 25 % du capital social ou du capital actions d'une banque canadienne. Nous devons également permettre aux provinces de garder leur juridiction sur les caisses populaires. Nous ne devons pas permettre la fusion des banques avec les sociétés d'assurance. On demande à ce que les banques qui publient, dans leurs états financiers, leurs placements dans des paradis fiscaux, soient imposées là-dessus. Nous proposons également d'imposer plus les bonis accordés aux cadres des grandes entreprises et d'empêcher les compagnies de les déduire de leurs dépenses usuelles par exemple. Notre crédo est de demander plus à ceux qui ont plus. Compte tenu de son importance, de sa réussite et de nos moyens, l'industrie financière au Canada n'a pas besoin que le gouvernement s'en préoccupe pour la subventionner d'avantage. Au contraire, elle doit contribuer un peu plus au bien public.
Êtes-vous en faveur de l'adoption d'une commission unique de valeurs mobilières au pays?
DP : Nous souhaiterions retirer ce projet immédiatement. Au Québec, la communauté financière se range de façon unanime derrière notre position. Ce secteur n'est pas sous juridiction fédérale. En plus, le système actuel fonctionne très bien et a fait ses preuves. Je trouve que le gouvernement actuel du Canada s'y prend d'une manière presque hypocrite en disant que « cette [l'adhésion des provinces] sera volontaire. » C'est une prise de contrôle qui est totalement inacceptable et deux Cours d'appel, celles de l'Alberta et du Québec ont donné raison aux provinces. D'ailleurs toutes les provinces sont contre ce projet, sauf l'Ontario, car s'il y avait une commission unique des valeurs mobilières, elle serait à Toronto. Or, je suis certain que l'Ontario serait également contre si on leur disait subitement que la commission unique serait basée à Montréal. Désormais, nous attendons la décision de la Cour suprême à ce sujet.
Quelle est votre position concernant le projet de fusion des Bourses de Toronto et de Londres?
DP : Nous voulons avant tout préserver les intérêts du Québec. Il y a déjà eu, il y a quelques années, une prise de contrôle de Montréal par Toronto et le gouvernement provincial l'avait autorisé en y mettant des conditions, notamment de garder la place d'affaires de Montréal au niveau des produits dérivés et des transactions obligataires. Il va donc y avoir une décision des actionnaires au sujet de cette fusion et le gouvernement du Québec doit faire valoir ses conditions, notamment ce qui a été décidé auparavant pour Montréal. Si les intérets du Québec sont protégés par le Québec, il appartiendra alors aux actionnaires d'accepter ou non la fusion.
Le niveau d'épargne des Canadiens est à un niveau historiquement bas. Croyez-vous que le gouvernement devrait stimuler l'épargne? Si oui, quelles mesures envisagez-vous?
DP : Lorsque M. Flaherty propose de doubler le plafond du CELI, ça peut paraître une bonne mesure, mais on n'a pas les moyens de faire ça. Et on préfère mettre nos sous dans autre chose. Par ailleurs il existe déjà des programmes d'épargne-retraite. En revanche, il n'y a pas assez au niveau du supplément du revenu garanti et c'est vers cela que nous devons nous focaliser. Nous devons aider les plus démunis plutot que d'activer une épargne ou une façon de payer moins d'impôts pour les plus riches. C'est une différence de valeurs canadiennes par rapport aux valeurs québécoises comme la solidarité. Nous demandons par exemple une augmentantion des impôts pour les personnes les plus riches. C'est à dire 2 % pour ceux qui touchent 150 000 $ par an et 3 % pour ceux qui gagnent 250 000$ par an et plus.
Que comptez-vous faire pour améliorer le niveau de littératie financière des Canadiens?
DP : Je pense que le mot « littératie financière » est déjà bien compliqué pour la plupart des gens. C'est vrai que la finance est de plus en plus complexe, mais il faut commencer par éduquer les plus jeunes à ce sujet. Or l'éducation revient aux provinces. Si on veut revenir à des cours d'économies et de finances, le fédéral peut transférer des fonds aux provinces pour pouvoir proposer des cours en secondaire, notamment sur les cartes de débit, de crédit ou encore les hypothèques pour commencer.
En ce qui concerne les adultes, il faut que les banques soient plus pédagogues. C'est ce que nous proposerons au cours du prochain mandat à l'occasion de la révision de la loi des banques.
Par ailleurs, le Nouveau Parti démocratique du Canada n'a pas donné suite aux demandes d'entrevues répétées de Finance et Investissement, son porte parole s'avouant submergé de requêtes médiatiques.