Reitmans est pressenti pour être le sauveur de la chaîne de magasins Jacob, qui s’est placée à l’abri de ses créanciers le 18 novembre. « Ce serait l’acquisition parfaite », croit Neil Linsdell, analyste chez Partenaires Versant. À son avis, les entreprises discutent déjà depuis « un bon moment » et il est « probable que la transaction se fasse ».
Neil Lindell n’est pas le seul expert du secteur à croire que l’acquisition des actifs de Jacob par Reitmans serait intéressante d’un point de vue stratégique. « Cela pourrait générer beaucoup d’économies au cours des prochaines années pour Reitmans », a écrit Tal Woolley, spécialiste du commerce de détail chez RBC Dominion valeur mobilière, dans une note destinée aux investisseurs. Il précise que des synergies seraient possibles en centralisant la distribution, l’immobilier et l’administration.
Il estime que Reitmans, qu’il qualifie d’acheteur « naturel de Jacob », pourrait débourser entre 10 et 40 millions pour acquérir les actifs. Le détaillant a les moyens de faire une offre, rappelle Neil Linsdell puisque ses liquidités s’élèvent à 258 M$ ou 3,86 $ l’action.
Il y a fort à parier qu’une offre raisonnable de Reitmans serait acceptée par les créanciers, juge Jacques Deslauriers, spécialiste du droit de la faillite et de l'insolvabilité à l’Université Laval.« Ils n’ont pas intérêt à ce que la compagnie disparaisse. Surtout les fournisseurs, qui perdraient ainsi un client. »
Tal Woolley fait aussi valoir que Jacob possède des « baux attrayants ». Reitmans pourrait ainsi utiliser certains locaux dans les centres commerciaux pour y installer ses propres enseignes.
En outre, l’intégration de la marque Jacob dans le portefeuille de Reitmans comblerait un vide. Le groupe exploite sept enseignes qui s’adressent à un large éventail de clientèle : les jeunes filles (Smart Set), les femmes matures (Cassis), les femmes rondes (Penningtons et Addition Elle), les femmes enceintes (Thyme Maternité). Or, aucune boutique du groupe ne rejoint la jeune professionnelle comme Jacob le fait. « Jacob s’intègrerait bien », résume l’analyste de Partenaires Versant.
Jacob préfèrerait trouver un partenaire financier
Chez Jacob, Cristelle Basmaji, la porte-parole et la fille du fondateur de Jacob Joseph Basmaji, affirme que « plusieurs rencontres exploratoires » ont eu lieu au cours des dernières semaines. Mais aucune décision n’a été prise « ni de leur côté ni du nôtre».
Elle précise, en outre, que Jacob préfèrerait « trouver des gens qui vont investir, qui vont devenir des partenaires », plutôt qu’un acquéreur pour tous les actifs du détaillant. « C’est définitivement ce qu’on privilégie ».
Dans une lettre datée du 5 novembre et destinée à la Banque Nationale (son principal créancier), Jacob affirmait que « plusieurs acquéreurs potentiels » avaient été identifiés. À ce moment, le détaillant travaillait déjà avec le cabinet PricewaterhooseCoopers « en vue de procéder à la vente des entreprises exploitées par Boutique Jacob inc.».
Des discussions « avancées » avaient même eu lieu « avec un partenaire stratégique » et Jacob s’attendait « à parvenir avec une entente sous peu. »
Interrogé sur le sujet par lesaffaires.com, le représentant de PricewaterhooseCoopers, Philippe Jordan, avait refusé de donner plus de détails, lors d’une audience en Cours supérieure le 25 novembre. Reitmans et deux cabinets comptables montréalais ont également refusé de répondre à nos questions sur le sujet.
Avantages et inconvénients
Acquérir une entreprise en crise de liquidités comporte un certain nombre d’avantages, indique un avocat montréalais spécialisé dans les faillites et l’insolvabilité. Sans parler du cas de Jacob en particulier, il constate qu’il y a « souvent de bonnes compagnies qui se mettent sur Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Des compagnies qui ont de bons produits, de bons employés, de bons actifs ». Dans certains cas, la qualité de la gestion a fait défaut. Parfois, c’est purement une histoire de malchance, raconte-t-il.
Ce type d’acquisition est souvent avantageux car le prix est bas, « qu’on obtient des actifs libres de dettes » et qu’il est possible de profiter de la restructuration judiciaire pour résilier des contrats gênants, par exemple.
En revanche, la relation avec les fournisseurs peut être difficile. « Après avoir reçu 10, 20 ou 30 cennes par dollar, ce n’est pas dit que les fournisseurs échaudés vont continuer de donner les mêmes termes de crédit. » La marque peut aussi avoir subi des dommages importants pendant la restructuration, l’achalandage risque d’avoir diminué, et les meilleurs employés auront peut-être déserté.
Et, dans certains cas, le nouvel acquéreur peut se rendre compte après coup que l’entreprise n’était tout simplement pas « une bonne entreprise », conclut l’expert en matière d’insolvabilité.
Jacob a obtenu la protection des tribunaux jusqu’au 14 décembre.