Le patron de la Société des alcools du Québec (SAQ) compte bien se battre avec énergie. Malgré un ralentissement de la croissance des ventes de vins et spiritueux ces dernières années, pas question pour lui de voir son nom associé à un recul de la SAQ.
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«Je ne suis pas et je ne deviendrai pas le président de la décroissance. Ça, je peux vous l'assurer», insiste Alain Brunet, président et chef de la direction de la société d'État, au cours d'une entrevue exclusive accordée à Les Affaires.
«On a une job à faire dans le contexte [difficile pour le commerce de détail] qu'on connaît, ajoute-t-il. Mon rôle est de prendre des décisions aujourd'hui qui assureront la croissance de l'organisation demain. Alors, on ne recule pas. Bien au contraire.»
Pour ce faire, la direction de la SAQ fait le pari de jouer à fond la carte du déploiement d'une nouvelle stratégie numérique multicanal, en chantier depuis quatre ans. Son objectif : multiplier les occasions d'échanges avec ses clients bien au-delà de leurs visites en magasin, et par conséquent, les occasions d'achats.
C'est une des orientations principales du Plan stratégique 2016-2018 que la société présentera au gouvernement du Québec, puis à ses employés, au cours des prochaines semaines. Au cours de l'exercice 2013-2014, la SAQ a affiché des ventes de 2,9 milliards de dollars et un bénéfice versé au gouvernement sous forme de dividende de 1,003 G$, en baisse de 2,7 %.
Bon an, mal an, la contribution de la SAQ au Trésor québécois équivaut environ au tiers de celle d'Hydro-Québec.
Selon Alain Brunet, qui a remplacé Philippe Duval en janvier 2014, le moment est venu d'opérer de profondes transformations dans les façons de faire de l'organisation. Entre 1999 et 2005, Gaétan Frigon a insufflé une véritable «révolution commerciale» dans l'organisation. Quinze ans plus tard, Alain Brunet croit qu'il faut maintenant lancer une nouvelle révolution, tout aussi ambitieuse, cette fois du numérique et du multicanal. «Ultimement, dit-il, nous voulons être dans le quotidien des gens par tous les moyens possibles.»
De la segmentation à la personnalisation
Depuis un mois déjà, la SAQ a enrichi son site Web d'un nouveau service «cliquez-achetez-ramassez». Ce service permet aux clients de faire leur choix de la maison, de payer électroniquement, puis de passer en prendre livraison dans la succursale de leur choix.
Ce premier geste sera suivi, au cours de l'été, du lancement d'une nouvelle application mobile transactionnelle qui permettra aux clients de passer une commande de vins, où qu'ils soient (d'un restaurant par exemple) à même leur téléphone intelligent.
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«Le tiers de nos clients possèdent un appareil mobile, affirme M. Brunet. Dans deux ans, on s'attend à ce que 70 % de nos transactions électroniques se fassent par l'intermédiaire d'un téléphone ou d'une tablette électronique.»
Le clou de cette stratégie multicanal sera le lancement cet automne d'un programme de personnalisation, baptisé SAQ Inspire, révèle le président. À l'image d'autres programmes de fidélisation (Metro et moi, par exemple), il permettra à l'entreprise de cerner encore mieux sa clientèle. En 2004, la SAQ avait segmenté cette dernière en sept catégories, ce qui lui avait permis de développer différents outils de communication-marketing, comme le magazine TchinTchin et le Courrier vinicole.
Grâce à son programme SAQ Inspire, le détaillant pourra communiquer directement avec son client par courriel et alertes électroniques principalement. «Nous passons de la segmentation à la personnalisation de la relation client, dit M. Brunet, pas peu fier. Non seulement nous serons en mesure de communiquer directement avec le client, mais nous le ferons en lui parlant de ce qu'il aime, de champs d'intérêt qu'il aura lui-même déterminés, ou d'après les déductions faites sur la base de ses achats passés.»
Pas de fermeture de boutiques
En entrevue, le président de la SAQ n'a pu préciser combien cette transformation coûtera, mais il indique que le coût de ces outils sera intégré au budget de communication et marketing, une enveloppe d'environ 30 millions de dollars par année.
Ce virage se réalisera sans fermeture de succursales ni mises à pied, assure le président. Le réseau, qui compte actuellement 400 magasins, pourrait même croître.
«Nos employés sont des moteurs de croissance», souligne le président. Alain Brunet soutient que lorsqu'un client est conseillé par un employé, il est susceptible de dépenser 30 % de plus en moyenne que s'il magasine seul. Et lorsqu'un client achète électroniquement, il est disposé à accroître son panier de 18 à 20 % en allant le cueillir en magasin.
C'est pourquoi les magasins SAQ «sont de plus en plus des lieux d'expérience ou de relations, explique M. Brunet. Et nos clients auront accès à un inventaire virtuel qui ira en croissant. Notre catalogue, qui comprend 12 000 produits actuellement, pourrait en comprendre 30 000.»
C'est avec cette stratégie en tête que la SAQ a décidé récemment d'accroître les heures d'ouverture de 23 succursales au Québec. Elles s'ajoutent au réseau de 31 SAQ Express (ouvertes jusqu'à 22 h) et sont ouvertes tous les jours jusqu'à au moins 20 h (21 h les jeudis et vendredis).
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