Les Québécois sont-ils bien servis par les sites Internet commerciaux ? L'indice expérience Web des firmes Léger et Imarklab répond à cette question, en offrant un portrait détaillé de quatre industries en mutation.
«Pour la première fois au Québec, un indice combine une évaluation objective des sites Internet par des experts et l'opinion des utilisateurs, dont 4 000 ont été sondés par la firme Léger», explique Alexandre Tellier, directeur recherche chez Imarklab. Le but était d'évaluer objectivement l'expérience utilisateur des internautes s'aventurant sur les sites Internet de quatre types de commerces, dont les épiceries.
Selon le sondage réalisé par Léger, 3 Québécois sur 10 fréquentent le site Web d'une épicerie au moins une fois par semaine, alors que 18 % utilisent l'application mobile de l'enseigne.
Pourtant, l'épicerie en ligne est encore très loin d'être largement adoptée au Québec. D'ailleurs, IGA/Sobeys est la seule à l'offrir. Selon le Cefrio, 4 % des cyberacheteurs québécois ont fait leur épicerie ou commandé d'autres aliments en ligne en 2013. Aux États-Unis en 2014, c'était le cas de 11 % des internautes, selon eMarketer.
«Cette proportion augmentera ici aussi, puisque nous suivons généralement les tendances américaines, mais il est très difficile de prévoir à quelle vitesse», souligne Christian Bourque, vice-président exécutif et associé sénior chez Léger.
Le contenu est roi
Si les internautes ne font pas leurs courses en ligne, pourquoi s'attardent-ils sur les sites Web des épiceries ? L'indice de Léger et Imarklab démontrent qu'ils sont, pour l'instant du moins, avides de contenu plus informatif que calorifique. Ainsi, qu'ils utilisent un ordinateur, une tablette ou un téléphone, c'est d'abord pour découvrir les produits et dénicher des rabais que les internautes consultent ces sites, ainsi que pour trouver la succursale la plus proche.
Plusieurs cherchent du contenu plus détaillé, notamment des recettes (environ quatre internautes sur dix) ou de l'information sur l'alimentation (plus de trois sur dix). On est alors dans une dynamique de communauté virtuelle, qu'il faut constamment alimenter de contenu intéressant sous forme d'articles, de recettes, de capsules vidéo ou de fiches informatives. «L'indice révèle la qualité impressionnante de l'information mise en ligne par ces épiceries, surtout du côté d'IGA et de Metro, note Alexandre Tellier. Les sites deviennent presque des magazines en ligne.»
Ces sites offrent aussi l'occasion de renforcer la fidélisation des clients en personnalisant leur expérience utilisateur. Déjà, 11 % des Québécois ont un compte personnel sur le site Web d'une épicerie, selon Léger. «Le programme metro&moi, par exemple, assure l'entreprise de connaître le profil des membres et leurs goûts, ce qui permet de leur offrir des produits relatifs à leur comportement habituel d'acheteurs, ajoute Christian Bourque. La fidélisation deviendra d'autant plus stratégique que les internautes commenceront à commander leur épicerie en ligne, puisque la question de la proximité sera moins importante. Les épiceries devront se distinguer par leurs produits et services.»
Une course à deux
Ce premier indice expérience Web fait apparaître des divergences stratégiques importantes entre les différents épiciers. IGA et Metro se dont distingués des autres autant en raison de la simplicité d'utilisation, des nombreuses fonctionnalités offertes (localisateur de succursales, listes d'épicerie en ligne, etc.) que de la qualité et la diversité du contenu publié. IGA a bénéficié notamment de la fonction d'achat en ligne pour coiffer Metro au fil d'arrivée.
Les sites de Provigo et de son entreprise soeur Maxi se ressemblent fortement. Bien conçus, ils comportent toutefois moins de fonctionnalités que ceux des deux premiers. Les experts ont notamment souligné l'absence de la fonction liste d'épicerie en ligne, populaire auprès des internautes. De son côté, Super C accuse un certain retard, son site ne servant qu'à mettre en valeur la circulaire, sans grand ajout de contenu informatif. «Il ne s'agit pas de dénigrer ce que fait Super C, prévient Alexandre Tellier. Le site remplit très bien sa fonction. L'indice révèle surtout que, pour Super C, le Web joue pour l'instant un rôle moins stratégique que chez IGA ou Metro.»
Des centres de rénovation devenus accompagnateurs
L'achat en ligne est offert chez Rona et Home Depot, mais il est beaucoup moins populaire dans le secteur de la quincaillerie que dans ceux du vêtement ou de l'électronique. Le consommateur consulte ces sites avant l'achat pour repérer les produits, connaître les prix ou s'inspirer avant d'amorcer un projet de rénovation et de se procurer les produits dont il a besoin. Puis, il y revient, à la recherche de conseils et d'instructions l'aidant à réaliser certains travaux. Le site Web doit donc accompagner le rénovateur amateur tout au long de son projet.
C'est sur le Web que les gens magasinent leur carte de crédit
Les banques consacrent beaucoup d'efforts à promouvoir leurs cartes de crédit. Selon eMarketer, 77 % des Canadiens utilisaient le Web pour effectuer des opérations bancaires. C'est donc un canal privilégié pour offrir de l'information sur les solutions de crédit. Alexandre Tellier a remarqué une grande similitude de présentation des renseignements fournis sur les différents sites des banques observés. Le plus grand défi reste de vulgariser et de présenter clairement une masse d'informations denses et complexes. BMO remporte une petite étoile dans son cahier à cet égard, selon le chercheur.
Sites Web d'assurance auto : tout est une question d'expérience usager
Si les consommateurs préfèrent généralement souscrire leur assurance automobile au téléphone ou en personne, ils utilisent massivement le Web pour comparer les offres et obtenir des devis. Toutefois, cela correspond à un processus complexe qui exige de répondre à plusieurs questions et de fournir moult renseignements. Accéder facilement à de l'aide pendant le processus en ligne est indispensable. «Le consommateur utilise les sites Web pour accumuler les soumissions et les comparer, note Alexandre Tellier. S'il ne peut pas remplir la demande de soumission sur le site d'une firme, il ne la prendra pas en considération au moment du choix.»
Scores des épiceries
› IGA 86
› Metro 82
› Provigo 63
› Maxi 62
› Super C 39
Scores des quincailleries
› Rona 85
› Home Depot 82
› Canac 64
› Réno-Dépôt 55
› BMR 52
Scores des institutions financières
› BMO 75
› Desjardins 73
› RBC, BNC, Banque TD 71
› Banque Scotia 69
› Banque Laurentienne 48
Scores des assureurs auto
› Belairdirect 82
› La Capitale 78
› Desjardins Assurances générales 75
› Intact 73
› Wawanesa 63
› 26 % des utilisateurs de sites Web d’épicerie jugent important de pouvoir acheter en ligne et de se faire livrer des aliments, par rapport à 32 % des utilisateurs d’applications mobiles. Source : lndice expérience Web
› 25 % des 60 000 internautes de 60 pays interrogés par Nielsen en 2014 font leur épicerie en ligne. En Asie, 37 % des répondants font leur épicerie en ligne ; en Amérique du Nord, 12 %. Source : Nielsen, « The Future of Grocery », avril 2015
Méthodologie : L'indice Expérience Web étudie tout le fonctionnement des sites, à l'exception de l'étape transactionnelle, et attribue une note sur 100. Au total, 4 000 consommateurs ont donné leur opinion à l'égard de leur expérience Web, soit 1 000 par industrie. Les cinq experts de HEC Montréal ont évalué les caractéristiques générales des sites, mais aussi les particularités spécifiques à une industrie.