À l'instar de 2010, l'année 2011 sera remplie de défis pour les détaillants québécois. Les cicatrices laissées par la dernière récession ne sont pas guéries. Les consommateurs continueront d'être raisonnables et voudront en avoir plus pour leur argent. Les experts que nous avons consultés parlent d'une année " de transition ", d'une reprise " fragile " et " lente ", d'un climat " encore pessimiste ". Les commerçants devront aussi composer avec de nouveaux concurrents, la parité entre le huard et le billet vert, l'endettement élevé de leurs clients, le pouvoir des réseaux sociaux, l'apparition d'applications surprenantes pour les téléphones intelligents, de nouvelles lois et une hausse de la taxe de vente. Le ciel n'est pas entièrement sombre pour autant : ceux qui ont survécu à la crise sont plus performants et imaginatifs pour profiter pleinement de la reprise.
1)Après le e-commerce, le m-commerce
M, comme dans mobile. " Le téléphone intelligent devient un canal de vente supplémentaire à exploiter ", résume Alain Michaud, associé et responsable du commerce de détail chez PricewaterhouseCoopers. Les achats par téléphone ne sont pas encore monnaie courante, mais plusieurs détaillants explorent les possibilités qu'offrent ces appareils. Garage, par exemple, envoie périodiquement des textos à ses jeunes clientes pour leur offrir des rabais exclusifs sur ses vêtements. Canadian Tire vient de lancer une application pour iPhone, BlackBerry et Android qui permet de lire les codes-barres des articles en magasin et d'obtenir instantanément de l'information (prix, état des stocks, évaluations obtenues sur le Web). Ce n'est pas tout : le téléphone s'apprête à devenir une méthode courante de paiement en Amérique, comme c'est le cas à Taïwan et en Finlande.
2)Payer en un flash avec sa carte de débit
Avec les technologies PayPass de Mastercard et payWave de Visa, on peut régler divers petits achats sans glisser sa carte dans un terminal. Il suffit de la passer sur le lecteur et le tour est joué. Pas besoin de signer ni de composer de NIP. À compter de l'été prochain, le passage à la caisse sera tout aussi rapide avec les cartes de débit émises par les banques Scotia et Royale. Elles adopteront en effet la nouvelle technologie Flash Interac. Les détenteurs n'auront qu'à agiter leur carte de débit devant le lecteur pour que leur compte de banque soit débité.
3)L'information, le nerf de la guerre
" En 2011, ce sera un péché mortel d'avoir des employés qui en connaissent moins que vos clients. Il vous faut des conseillers compétents ", dit Alain Giguère, président de la maison de sondages Crop. Au Québec, 39 % des consommateurs recherchent en ligne un maximum d'informations sur les produits qu'ils désirent avant de se rendre en magasin les acheter, selon un sondage Crop réalisé en octobre 2010 auprès de 1 094 personnes. Il y a cinq ans, la proportion était de 28 %.
4)La personnalisation de masse gagne du terrain
Il n'est plus nécessaire d'être millionnaire pour pouvoir s'offrir du sur- mesure. Un nombre grandissant d'entreprises permettent à leurs clients de personnaliser des biens fabriqués à grande échelle. D'où l'expression " personnalisation de masse ". Les exemples les plus connus sont Dell et Nike. Le premier vous encourage à " construire " un ordinateur en fonction de vos besoins, tandis que le deuxième vous permet de dessiner les chaussures et le sac de sport de vos rêves. Vous pouvez même vous procurer des chocolats M & M portant le message de votre choix. Au Québec, le fabricant de papier Cascades prévoit tirer profit de la tendance en vendant en ligne, dès 2011, des serviettes de table sur mesure pour les célébrations au bureau ou en famille. " On parle de personnalisation depuis 15 ans. Mais à l'époque, ce n'était pas possible, en raison des contraintes techniques et industrielles, relate Alain Giguère, président de la maison de sondages Crop. Les consommateurs étaient tolérants, mais aujourd'hui, ils ne le sont plus, car ils constatent les progrès technologiques. "
5)La bataille des groupes d'achat en ligne s'intensifie
Si les Groupon, Dealfind, Tuango, Teambuy, LivingSocial et Rabaisdujour ne vous disent rien, vous les découvrirez sans doute en 2011. Ce sont des sites d'achats groupés en ligne. Un créneau dont les ventes explosent partout dans le monde. Comment ça fonctionne ? Un produit ou un service est offert aux internautes à bas prix, à condition qu'il y ait un nombre minimum d'intéressés.
6) 1,215
Revenus supplémentaires, en milliard de dollars, que la hausse de la TVQ devrait générer dans les coffres de Québec en 2011, selon les plus récentes prévisions du gouvernement. La taxe passera de 7,5 à 8,5 % le 1er janvier, ce qui aura un effet sur les ventes au détail, les abaissant légèrement par rapport à 2010. Selon Desjardins, elles seront tout de même en hausse de 4,3 % en 2011. La croissance a été d'environ 5 % en 2010. " L'augmentation de la TVQ fera ralentir les dépenses de consommation ", explique Hélène Bégin, économiste principale pour la coopérative lévisienne.
7)Le rapport qualité-prix est roi
Les consommateurs n'ont pas oublié la récession et ils continueront d'être prudents avant de délier les cordons de leur bourse, disent les experts consultés. " Les consommateurs ont foncièrement changé leurs valeurs. Ils revalorisent la qualité. Ils veulent acheter des biens qui durent longtemps ", constate Marie-Claude Frigon, associée chez RSM Richter et spécialiste du commerce de détail.
En conséquence, les détaillants auraient tout intérêt à miser sur l'excellence de leur rapport qualité-prix dans leurs efforts de marketing, estime Alain Michaud, associé et responsable du commerce de détail chez Pricewater-houseCoopers. Habitués au fil des derniers mois à ce qu'il y ait beaucoup de rabais dans les magasins, les consommateurs continueront d'en exiger, soutient pour sa part Michael Baratta, leader du groupe Marchés de consommation chez KPMG, à Montréal. Les détaillants n'auront pas le choix de se soumettre. Il est facile de comparer les prix sur le Web, tout comme il est tentant d'acheter aux États-Unis, compte tenu de la parité des devises. " Ceux qui n'accorderont pas de rabais n'auront pas autant de succès que les autres ", prévoit Michael Baratta. Évidemment, le grand défi pour les commerçants, dans ce contexte, est de maintenir leurs marges de profit.
8) Frais de transaction : plus de transparence réclamée
La bataille que mènent les commerçants du Québec et du Canada contre la hausse des frais de transaction par carte de crédit et de débit (frais d'interchange) pourrait connaître son dénouement. Les conclusions du Groupe de travail sur l'examen du système de paiements sont attendues l'automne prochain. " Nous souhaitons que les pratiques des émetteurs des cartes de crédit, qui nous imputent à une cadence effarante des frais exorbitants et injustifiés qui ne servent qu'à satisfaire des programmes de points, soient encadrées ", résume Gaston Lafleur, pdg du Conseil québécois du commerce de détail. La Coalition québécoise contre la hausse des frais de transaction par carte de crédit et de débit, qui regroupe 35 000 commerçants, réclame notamment plus de transparence. Elle affirme qu'il existe jusqu'à huit taux de frais, selon le type de carte utilisée, et que les factures émises par Mastercard et Visa sont indéchiffrables. En outre, les frais d'interchange imposés au Canada (2 %, en moyenne) sont parmi les plus élevés du monde, selon le mouvement Cessez de nous coller des frais à payer. À titre de comparaison, ils seraient de 0,45 % en Australie, de 0,79 % au Royaume-Uni, de 0,90 % en Suède et de 1,75 % aux États-Unis.
9)La fin du " Achetez maintenant, comprenez plus tard "
La révision de la Loi sur la protection des consommateurs prendra fin en 2011. La troisième phase de la réforme vise principalement les articles concernant le crédit. Québec se penchera sur l'industrie des cartes de crédit (contrats, états de compte, augmentation des limites, vol de cartes) et sur les contrats de crédit variable. Les pratiques commerciales et publicitaires des détaillants qui vendent à crédit seront aussi scrutées à la loupe. Le Conseil québécois du commerce de détail suit le dossier de près. " Quand on augmente le fardeau des commerçants, il y a des coûts. Il faut trouver le juste équilibre ", dit le pdg de l'organisation, Gaston Lafleur. Les changements législatifs devraient entrer en vigueur à l'automne.
10)Taxe de vente harmonisée
Négociations Québec-Ottawa
" On entend parler d'une éventuelle TVH. On ne sait pas où en est Québec dans ses négociations avec Ottawa. Chose certaine, ça va entraîner chez nos membres la nécessité d'adapter les systèmes de paiement. Il faudra aussi en évaluer l'impact. Voir si c'est plus efficace, plus cher, plus simple. "
- Gaston Lafleur, pdg, Conseil québécois du commerce de détail
11)Les Américains reprennent goût au Canada
Les détaillants américains pourraient recommencer à prendre de l'expansion au nord de la frontière, estime Marie-Claude Frigon, associée chez RSM Richter et spécialiste du commerce de détail. On sait déjà que Lowes planifie l'ouverture de dizaines de grandes surfaces au cours des cinq prochaines années. Dollar Tree a annoncé son intention d'ouvrir entre 900 et 1 000 points de vente au Canada, après l'acquisition, en octobre, du détaillant Dollar Giant, de Vancouver. L'arrivée du premier magasin Marshall (propriété de TJX Companies, qui possède aussi Winners) est pour sa part attendue au printemps. Et on s'attend à ce que Limited Brand (Victoria's Secret, Bath and Body Works et Victoria's Secret Pink) poursuive son expansion au pays et au Québec. Les Canadiens pourraient aussi découvrir cette année les grands magasins Kohl's et le détaillant de vêtements J. Crew.
" C'est certain que ça va exercer une pression supplémentaire sur nos détaillants ", commente Gaston Lafleur, pdg du Conseil québécois du commerce de détail. La force du dollar canadien pourrait cependant refroidir les ardeurs de certains.