Versement obligatoire d'une partie des bénéfices des entreprises aux employés, crédit d'impôt à ces mêmes employés lorsqu'ils participent au financement de leur entreprise, rapprochement entre les salariés et les conseils d'administration...
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Il n'emploie pas le terme, mais ce n'est pas moins qu'une révolution de la pensée capitaliste nord-américaine et du fonctionnement des entreprises d'ici qu'exprime Pierre Karl Péladeau, dans une longue entrevue accordée à Les Affaires.
Lorsqu'on lui demande l'élément de son programme économique dont il souhaite le plus discuter, le candidat à la chefferie du Parti québécois répond tout de go : «l'intéressement». M. Péladeau veut convier toutes les forces de Québec inc. à un exercice de réflexion sur de nouvelles initiatives pour faire avancer l'économie québécoise.
Le premier volet de sa stratégie est de faire en sorte que les entreprises du Québec réservent une partie de leurs bénéfices à leurs employés. La mesure serait enchâssée dans une loi et obligatoire. La hauteur du bénéfice qui serait réservé est à déterminer. «Il est encore trop tôt pour discuter d'un quotient», dit-il.
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Autre élément de la stratégie, Québec pourrait offrir un crédit d'impôt aux employés qui participeraient au financement de l'entreprise pour laquelle ils travaillent. «Ça s'adresserait sans doute davantage aux moyennes entreprises qu'aux petites.»
Pierre Karl Péladeau pense que ces mesures pourraient aider à faire en sorte «qu'il n'y ait plus de contradiction ou d'antinomie entre le travail et le capital».
«Cela ferait en sorte que tous puissent travailler dans la perspective du développement harmonieux de l'entreprise, de l'amélioration de la productivité, de la stimulation de l'innovation et de l'intégration des réflexions qui existent au niveau des processus de fabrication», lance-t-il.
M. Péladeau voit le crédit d'impôt aux employés finançant les entreprises comme «un rétablissement du REA [régime d'épargne-actions], mais plus circonstancié».
Lorsqu'on lui demande s'il croit que le monde syndical accueillerait favorablement ces initiatives, il répond que oui. «Je ne pense pas que le monde syndical ait pour vocation d'affronter le développement harmonieux d'une entreprise. Ils veulent qu'on puisse procurer des emplois aux citoyens et citoyennes du Québec.»
L'ancien chef de la direction de Québecor reconnaît que les conflits de travail qu'il a eus avec diverses unités de l'organisation dans le passé font beaucoup de bruit. Il semble cependant d'avis que de telles mesures auraient amélioré les rapports. «Si cette situation avait existé chez Québecor, on aurait été en mesure de dire "voici les défis du Journal de Montréal". On aurait pu mieux en parler, avoir des interlocuteurs. Plutôt que de penser "on changera la convention collective quand le journal perdra de l'argent"«, illustre-t-il.
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Des employés aux conseils d'administration ?
En cours d'entretien, M. Péladeau insistera pour dire qu'il ne propose pas des choses totalement novatrices. Que des initiatives du genre existent ailleurs. Il donnera à titre d'exemple les comités d'entreprise «qui sont des forums qui permettent aux participants de mettre en oeuvre des schémas engagés pour la rentabilité de l'entreprise». En France, un comité d'entreprise est composé de la direction, de salariés et de représentants syndicaux. Il a accès à plus d'informations concernant la situation d'une société et peut y aller de certaines recommandations.
Il parlera aussi du modèle allemand, où des représentants des employés siègent au conseil de surveillance, un organe qui a la possibilité de nommer et de congédier des dirigeants. «En Allemagne, ça existe, et on ne peut pas dire que ça ne va pas bien.»
M. Péladeau ne va cependant pas jusqu'à dire qu'il adopterait un modèle qui forcerait une représentation des employés aux conseils d'administration (CA) des sociétés.
L'aspirant chef croit cependant que les CA doivent constater que les choses évoluent et qu'ils ne sont plus redevables uniquement à l'actionnaire, mais aussi à la collectivité dans laquelle ils évoluent.
Il souligne que sa proposition ferait l'objet d'une consultation organisée.
PKP sur la dette et l’indépendance, les sièges sociaux et le filet social
Dans l’éventualité de l’accession du Québec à l’indépendance, la dette du Québec lui permettrait-elle de maintenir ses programmes sociaux actuels ?
«Il est prématuré de donner une réponse définitive. Des questions de cette nature doivent être posées et examinées. L’objectif de l’indépendance est de maintenir le modèle québécois », répond Pierre Karl Péladeau.
Le candidat à la chefferie du PQ indique que l’éventuel Institut de recherches appliquées sur l’indépen- dance serait responsable d’évaluer cette question. Cet organisme serait composé d’experts et son fonctionnement ferait appel à un financement populaire.
Le but est de le mettre sur pied le plus rapidement possible afin d’avoir réponse à ce genre d’interrogation d’ici l’élection de 2018.
M. Péladeau dit qu’il ne peut offrir de garanties à l’égard du modèle québécois, mais qu’il souhaite son maintien. Il le définira d’abord d’un point de vue économique en citant des institutions comme la Caisse de dépôt, Hydro-Québec et la SGF, « qui ont mis en place un environnement susceptible de créer de grandes entre- prises, détenues par des intérêts locaux ».
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Il définit aussi le modèle québécois par son filet social, en renvoyant à l’assurance maladie ainsi qu’aux investis- sements massifs en éducation.
Pierre Karl Péladeau estime qu’il faut maintenir l’accessibilité par des droits de scolarité abordables. Il se dit prêt à discuter de tarifs à la baisse, en ajoutant qu’on devra tenir compte «d’une plus grande imputabilité face à la contribution de la collectivité».
Sur la dette du Québec, M. Péladeau juge qu’elle n’est pas révélatrice de la capacité financière du Québec.
« Il y aura aussi une valeur à accorder à nos actifs. Tout cela doit être établi. Nous comptons sur des actifs de grande qualité comme Hydro-Québec, mais dont les principes comptables ne permettent pas de refléter toute la valeur. »
Comme pour illustrer la valeur de réalisation de l’actif, il souligne que les Québécois comptent parmi ceux qui paient le moins cher leur électricité en Amérique du Nord. Il se dit cependant contre toute forme de privatisation de la société d’État, et juge « qu’il n’est pas réaliste de penser qu’on va augmenter les tarifs ».
Les sièges sociaux
Pierre Karl Péladeau veut par ailleurs améliorer la protection des sièges sociaux du Québec.
Il veut également convaincre de grandes institutions de prendre des participations de blocage dans des entreprises névralgiques pour le Québec.
« Si une entreprise ne peut pas amasser plus de 90 % d’une société, ça devient plus difficile et moins intéressant pour elle de pouvoir l’acquérir en totalité. C’est encore possible de le faire si on contrôle les deux tiers, mais c’est plus compliqué », explique-t-il.
Lorsqu’on lui demande quelles seraient ces institu- tions, il nomme la Caisse, le Fonds de solidarité et Fondaction. Mais il ajoute aussi les institutions financières. « Prenons la Banque Nationale et Rona. Si Rona passe à une entreprise américaine, pensez- vous que la relation d’affaires va être aussi solide ? C’est sûr que non. L’entreprise américaine a ses banquiers et ils vont s’organiser pour essayer de récupérer cette business-là ! C’est tout l’écosystème qui est en cause. [Si on n’agit pas,] nos institutions vont avoir un potentiel de développement moindre. »
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