Michel Lefebvre a commencé à patiner à 14 ans, un âge vénérable pour un Québécois. Plus lent que les autres sur ses patins, il s'est retrouvé devant le filet. Après quelques parties amicales, il pouvait néanmoins se vanter d'avoir une vraie culotte de gardien de but, qu'il avait lui-même confectionnée avec la machine à coudre de sa mère. Un talent qu'il tient probablement de son grand-père, tailleur de son métier.
Un peu avant d'atteindre la vingtaine, M. Lefebvre décide de se fabriquer un masque de gardien de but dans son sous-sol, à Terrebonne. Au milieu des années 1960, cet équipement de protection est encore très peu utilisé par les cerbères. " Des gars avec qui je jouais dans une ligue de garage m'ont demandé de leur en faire un ", indique M. Lefebvre.
Puis, des jeunes lui ont aussi demandé de leur faire un masque. Certains d'entre eux se sont retrouvés plus tard dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec et quelques-uns même dans la Ligue nationale de hockey. Comme Richard Sévigny, du Canadien, le premier à porter un masque Lefevre (la marque de commerce a laissé tomber le " b ") dans les grandes ligues. Michel Larocque, à Montréal, et Michel Dion, à Pittsburgh, ont suivi.
" Je leur fabriquais un masque sur mesure, explique M. Lefebvre, 62 ans. Au début, ils étaient en fibre de verre. Maintenant, ils sont en kevlar. "
Un accident de travail aux conséquences heureuses.Jusqu'au milieu des années 1980, la fabrication de masques n'est qu'un passe-temps pour M. Lefebvre. Jusqu'à ce qu'il subisse un accident de travail qui ne lui permet plus d'exercer son métier de plombier. Après quelques mois de réflexion, il décide de mettre sa passion à profit et de créer E.G.B Michel Lefebvre, en 1987. " Comme les masques seuls ne pouvaient me faire vivre, j'ai commencé à fabriquer des jambières de gardien de but ", précise M. Lefebvre. La première paire a été pour son fils Patrick, maintenant vice-président, production. Sa fille Véronic est également directrice de l'exploitation de la PME familiale, qui emploie 19 personnes.
Patrick Roy et les poils de chevreuil. Avant de créer son entreprise, M. Lefebvre concevait déjà le masque du célèbre gardien de but du Canadien, Patrick Roy. " J'étais allé au Forum rencontrer Patrick pour m'assurer qu'il était toujours satisfait de son masque. C'est là qu'il m'a demandé de lui concevoir une paire de jambières ", dit M. Lefebvre.
Cette entente a mis fin à une longue tradition : l'utilisation de poils de chevreuil et de kapok, une fibre végétale, comme rembourrage. " J'ai commencé à utiliser des matériaux synthétiques, j'ai ajouté un ancrage au bout du pied et j'ai amélioré la protection de l'intérieur du genou. "
Au début, la PME vendait deux ou trois paires de jambières par semaine. Ses ventes ont augmenté lorsque le détaillant d'équipement de hockey Gilbert Rousseau lui a ouvert ses portes. E.G.B. Lefebvre s'est ensuite lancée dans la fabrication de gants de gardien de but.
Une entente exclusive avec Reebok. En 1995, reconnaissant son expertise particulière, la multinationale Reebok a signé une entente de fourniture exclusive de masques avec Lefebvre. L'entente, qui a récemment été renouvelée pour une période de huit ans, comprend maintenant les jambières et les gants, que Reebok vend dans tous les pays où on joue au hockey. Les masques sont offerts seulement aux joueurs de la LNH et de la Ligue américaine de hockey, car ils sont fabriqués sur mesure.
Cette saison, une quinzaine de gardiens de but de la LNH porteront un masque Lefevre, dont Marc-André Fleury, des Penguins de Pittsburgh, Roberto Luongo, des Canucks de Vancouver, Patrick Lalime, des Sabres de Buffalo et Jean-Sébastien Giguère, des Maple Leafs de Toronto.
Pourquoi ça marche pour vous ? " On innove tout le temps. On n'a pas le choix, on se fait toujours copier ! On travaille avec François Allaire, le gourou des gardiens de but. Il nous a notamment aidé à adapter nos jambières au style papillon. "