Courir un marathon est un exploit hors de la portée de la plupart d’entre nous. Pour Guy Gilbert, c’est trop facile. Il participe à des ultrafonds.
Il suffit d’évoquer l’entraînement et la course à pied pour que Guy Gilbert trépigne d’excitation. Le kinésiologue de 48 ans aime la course, le matin, le soir, la semaine, la fin de semaine… quand il se livre à un « p’tit trois heures » d’entraînement matinal dans les rues de Lac Beauport, pendant que le reste de la maisonnée dort encore.
Conseiller Kino-Québec à l’agence de la santé publique et des services sociaux de la Capitale nationale, Guy Gilbert met en pratique ce qu’il prêche au travail. Et beaucoup plus. Depuis trois ans, il est ce qu’on appelle un ultra-marathonien. Ce coureur de 1,70 m sans une once de gras parcourt en une seule épreuve des dizaines, sinon des centaines de kilomètres ! Ces compétitions durent de 6 à 24 heures. En septembre, il se préparait pour sa toute première course de 48 heures.
Qu’est-ce qui pousse un homme à s’infliger pareille torture ? Où est l’intérêt de participer à des épreuves d’endurance extrême qui consistent à tourner en rond sur un circuit d’un kilomètre, afin de permettre le ravitaillement aux puits ? Ces courses demandent des efforts surhumains, causent des courbatures et déstabilisent le système digestif pendant une semaine. Pourquoi ? « Parce que ça existe », répond Guy Gilbert, du même ton candide qu’Edmund Hillary en 1953, lorsque les journalistes lui ont demandé pourquoi il avait escaladé l’Everest.
Guy Gilbert fait partie d’un « grand club » particulier. Ce n’est pas d’hier qu’il use ses espadrilles en compétitions d’amateurs. À 17 ans déjà, il avait un marathon à son C.V. « J’ai toujours aimé courir sur de longues distances. J’ai constaté au fil des années que mon plaisir augmentait lorsque je dépassais mes limites, que je relevais d’un cran le seuil de douleur acceptable. Les marathons ne suffisaient plus », explique le coureur de fond.Sa performance lors des Championnats du Commonwealth, présentés à Keswick, en Grande-Bretagne, en septembre 2009, lui a valu le titre d’ultra marathonien de l’année au Canada. Lors de cet événement, qui réunissait une trentaine de coureurs, Guy Gilbert a parcouru 217 km en 24 heures. Le meilleur résultat canadien des dix dernières années. Nous sommes encore loin du record du monde, détenu par l’Australien Yiannis Kouros (303 km), et de la meilleure marque canadienne de 247,9, établie par l’Albertain Peter Holubar. Il n’empêche que l’ultramarathonien de la région de Québec était à des poussières du record dans sa catégorie d’âge (223 km), pour peut qu’on considère que six kilomètres à la course soient des poussières.
Guy Gilbert s’en est tenu à son plan de match. « Quelle que soit la distance de l’épreuve, chaque course est comme la recette d’un gâteau. La première fois qu’on la réalise, il vaut mieux la suivre à la lettre. Une fois la recette réussie, on peut se permettre de déroger à la procédure », dit-il, un brin philosophe.
Des gâteaux, il en a raté. Lors de sa toute première épreuve internationale d’ultrafond, au championnat mondial d’Italie, en mai 2009. Guy Gilbert était trop sûr de lui. « Crinqué » à bloc, le coureur québécois s’est obstiné à maintenir sa vitesse de croisière habituelle de 10 km/h malgré le temps chaud et humide. « J’ai refusé de m’adapter ! » Conséquence : son corps était déjà épuisé au tiers de la course. Le médecin de la compétition a dû mettre fin à sa participation à la 19e heure. « Je frôlais dangereusement l’état de déshydratation avancée. J’approchais du coma », raconte Guy Gilbert, qui dit avoir retenu la leçon.
Notre coureur ne s’en porte pas plus mal. Au contraire. Ces revers lui ont permis de redoubler d’ardeur, de travailler davantage sur ses faiblesses et de corriger ses erreurs en vue des prochaines épreuves. Aussi, il a tissé un réseau d’échanges avec une dizaine de coureurs européens.
La véritable motivation de Guy Gilbert, ce ne sont ni les honneurs, ni les records. Ce sont plutôt les retombées que génèrent ses exploits autour de lui. Tout d’abord, chez lui. Ses deux enfants Julie-Anne, 15 ans, et Gabriel, 19 ans, sont des sportifs accomplis. « Le vrai portait de leur père », dit Marlène Bergeron, sa conjointe.Ses prouesses font également bouger au bureau. Déjà reconnu comme un passionné de la promotion de l’activité physique, il est devenu le coach ! Depuis un an, une douzaine d’employés, pour la plupart des femmes – il faut bien des avantages –, l’accompagnent lors de ses entraînements du midi. Deux d’entre elles se sont inscrites à l’épreuve du 10 km du Marathon des Deux Rives, en août dernier. « C’est renversant de voir un homme nourrir une si grande passion pour tout ce qu’il accomplit, tant sur le plan professionnel que sur le plan sportif. À tel point qu’il est difficile de déterminer s’il travaille ou s’il s’amuse. D’ailleurs, on a l’impression que lui-même ne fait plus la différence », dit Louisa Maria Manceau, une collègue qui lui « court après » à l’heure du lunch.
Guy Gilbert reconnaît que ses entraînements lui fournissent des moments d’inspiration pour élaborer ses campagnes de promotion. En ce moment, la mobilité durable monopolise toutes ses pensées. Le kinésiologue souhaite redonner aux jeunes le goût de marcher, de prendre leur vélo pour se rendre à l’école. Sujet qu’il présentera sous forme de conférence lors des prochaines journées annuelles de la santé publique, à Québec, à la fin de novembre.
Déjà très actif, le coureur voudrait néanmoins en faire plus. Un poste politique, un rôle stratégique plus important, lui permettraient, à son avis, d’instaurer davantage de mesures pour favoriser la pratique de l’activité physique chez ses concitoyens. L’an dernier, il s’est présenté au conseil municipal de Lac Beauport. Il n’a pas remporté le siège qu’il briguait, mais parions que Guy Gilbert n’a pas dit son dernier mot.
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