ANALYSE - Les nombreux réfugiés qui tentent d'aller l'Europe à partir de l'Afrique pourraient menacer à long terme la stabilité du Vieux continent, car l'arrivée de ces migrants favorise les partis hostiles à l'immigration, qui sont aussi anti-Union européenne ou «europhobes. Une situation qui représente un risque géopolitique pour les investisseurs.
Le récent naufrage au large des côtes italiennes qui a coûté la vie à près de 800 personnes a provoqué une onde de choc en Europe. Les dirigeants européens ont décidé de renforcer la surveillance en Méditerranée et d'autoriser la destruction des bateaux des passeurs dans les ports africains, notamment en Libye.
Les dirigeants européens ont aussi proposé d'accueillir au moins 5 000 migrants ayant obtenu le statut de réfugiés, dans le cadre d'un projet de réinstallation.
Mais plusieurs pays européens hésitent à ouvrir vraiment leurs frontières à ce flot de personnes provenant d'Afrique - mais aussi du Proche-Orient, dans la foulée de la guerre civile en Syrie - en raison de la montée des partis d'extrême droite xénophobe.
C'est ce qui explique en grande partie pourquoi l'Union européenne mise avant tout sur une plus grande surveillance maritime dans la Méditerranée et sur une chasse aux passeurs de migrants, qualifiés «d'esclavagistes».
Mais selon plusieurs analystes, cette politique a peu de chance de donner des résultats concrets, car elle ne s'attaque pas à la cause fondamentale de cette migration de réfugiés vers l'Europe.
Pourquoi la stratégie européenne ne fonctionnera pas
Et cette cause, c'est la misère humaine (pauvreté extrême, guerres, terrorisme) qui afflige plusieurs pays africains, comme la Libye et des pays de l'Afrique subsaharienne tels que le Congo.
Or, sans une stratégie de l'Europe pour aider plusieurs pays africains à augmenter leur niveau de vie, en développant leur économie et en pacifiant leur territoire, les déshérités continueront de cogner aux portes de l'Europe dans les prochaines années.
En théorie, l'Europe peut accueillir beaucoup plus de migrants. Mais en pratique, elle peut difficilement le faire pour des raisons économiques et politiques.
Comme le chômage est très élevé dans certains pays comme l'Espagne et la Grèce, ces nouveaux venus seraient en grande partie mal vus par plusieurs Européens sans emplois.
Mais en l'absence d'une stratégie africaine (inspiré par exemple du plan Marshall, qui a permis à l'Europe occidentale de se relever après la Deuxième Guerre mondiale), les plus miséreux du continent africain et du Proche-Orient continueront d'affluer massivement en Europe, favorisant ainsi la montée des partis xénophobes et anti-européens.
Un scénario qui n'augure rien de bon, alors que 25% des députés européens - issus de 23 États membres de l'Union européenne - s'opposent ou rejettent déjà d'une manière ou d'une autre l'Union ou le processus d'intégration européenne, selon une étude de l'Institut Jacques Delors, publiée en novembre.
Ce qui constitue un risque important pour les investisseurs, soulignent des analystes géopolitiques.
Car si par exemple le Front national de Marine Le Pen prenait un jour le pouvoir en France (un scénario que certains spécialistes commencent à évoquer), le pays sortirait de la zone euro, pour réintroduire le franc - c'est dans le programme du FN.
Une telle mesure aurait un impact sur la valeur de l'euro, sans parler de celle des taux d'intérêt en France et dans la zone euro. D'autres pays pourraient même décider de suivre l'exemple français.
La montée des partis anti-Union européenne pourrait aussi miner le libéralisme économique en Europe. Ce qui réduirait l'ouverture du Vieux continent au commerce international et à l'investissement étranger.
Certes, injecter des centaines de milliards de dollars pendant années, voire de décennies, dans l'économie africaine pour contribuer à son développement et à la création d'emplois représenterait un investissement majeur pour l'Europe.
Gérer la bombe démographique africaine
Toutefois, les prévisions de croissance démographique de l'Afrique devraient faire réfléchir les décideurs politiques européens sur le coût de ne rien faire.
Actuellement, le continent africain compte 1,1 milliard d'habitants. En 2050, il en abritera deux milliards, selon l'Organisation des Nations Unies. C'est pratiquement le double.
L'Afrique arrivera-t-elle à éduquer et à intégrer sur le marché du travail des centaines de millions de jeunes dans les 35 prochaines années? L'Europe a tout intérêt à ce que l'Afrique réussisse cet immense défi.
Car un échec inciterait des millions de personnes à quitter l'Afrique pour aller en Europe.
C'est pourquoi la stabilité future de l'Europe dépendra dans les prochaines décennies de la stabilité de l'Afrique.