La démission désormais officielle de Georges Papandréou en Grèce et celle, annoncée, de Silvio Berlusconi en Italie n'ont pas suffi à désamorcer mercredi la crise dans la zone euro, dont l'éclatement n'est plus un scénario de science fiction.
D'abord ravis de voir le président du conseil italien Silvio Berlusconi qu'ils poussaient vers la sortie annoncer sa démission prochaine, les marchés ont très vite renoué mercredi avec le doute et le pessimisme, s'interrogeant sur la réalité du départ du Cavaliere et des mesures d'austérité annoncées.
Le Corriere della Sera s'est ainsi inquiété de cette "démission au ralenti" du Cavaliere, 75 ans, vilipendé par les marchés dans une Italie placée sous la surveillance du FMI lors du G20 de Cannes, la semaine dernière.
Le président italien Giorgio Napolitano a tenté d'apaiser les esprits en affirmant qu'il n'y avait "aucune incertitude sur la décision du président du Conseil (Silvio Berlusconi) de remettre sa démission". Il a également assuré que les mesures promises par l'Italie à l'Union européenne allaient être adoptées "d'ici quelques jours" grâce à un accord entre les forces politiques.
La Chambre des députés a décidé de donner son feu vert définitif samedi ou au plus tard dimanche, au lendemain d'un vote prévu au Sénat.
Vu des marchés et plus précisément de la banque suisse UBS, "trois options" s'offrent à Rome: un gouvernement de centre droit "qui paraît improbable", un gouvernement d'union nationale "qui aurait la faveur des marchés" et des élections générales, synonymes "d'inertie" et "d'incertitude". Or, c'est précisément cette incertitude qui a fait plonger les marchés mercredi.
Du coup, le taux à 10 ans des obligations italiennes a atteint un nouveau record absolu depuis la création de la zone euro, dépassant largement les 7% en fin de matinée, un niveau jugé insoutenable pour les finances publiques italiennes.
Les Bourses européennes ont fini la séance en forte baisse. En première ligne, Milan a clôturé sur une chute de 3,78%, tandis que Paris et Francfort abandonnaient autour de 2,2%.
La France, deuxième économie de la zone euro, a elle aussi été l'objet des attaques des marchés. L'écart entre le taux des emprunts de l'Etat français et celui de l'Allemagne, référence économique des marchés, n'a jamais été aussi important depuis plus de 20 ans. PLUS : Dette : la France fragilisée
Une contagion de la crise à l'Italie, troisième économie de la zone euro dont la dette atteint 1 900 milliards d'euros (120% du PIB), et a fortiori à la France, mettrait à genoux l'ensemble de la zone euro, où le Fonds d'aide, le FESF, est encore très loin de pouvoir faire face à une telle hypothèse.La Russie a ainsi fait savoir qu'elle ne comptait pas investir tout de suite dans ce Fonds car elle "ne comprend pas" d'où proviendront ses 1 000 milliards d'euros pour aider les pays de la zone euro en difficulté.
Le 27 octobre, les dirigeants des pays de la zone euro ont décidé de porter le FESF de 440 milliards d'euros à 1 000 milliards d'euros environ de capacités de prêt grâce à des "effets de levier" permettant d'avoir une plus grande intervention sans augmenter les fonds de départ mis à disposition par les Etats, mais la concrétisation de cet engagement se fait attendre.
Dans ce climat de forte incertitude, certains n'hésitent plus à envisager publiquement l'éclatement de la zone euro. Les exportateurs allemands "peuvent vivre sans l'euro", a ainsi déclaré mercredi le président de leur fédération, le BGA, Anton Börner, s'inscrivant en faux contre les discours politiques qui présentent la monnaie unique comme une nécessité vitale pour l'économie du pays.
"Y a-t-il une vie pour l'Allemagne après l'euro ? Oui, il y en a une", a encore affirmer M. Börner.
Prenant le contre-pied de cette déclaration, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, a déclaré mercredi soir à Berlin qu'à terme, "tous les pays de l'Union européenne devraient avoir l'euro comme monnaie".
La monnaie unique est "le coeur de l'UE", a dit M. Barroso, "appartenir à l'euro ou s'employer à y appartenir devrait définir l'UE".
Une fois passée la crise actuelle, "notre objectif ne doit pas être de restaurer le statu quo ante, mais d'avancer vers quelque chose de nouveau, et de meilleur", a-t-il encore ajouté, "(...) une union de stabilité mais aussi de solidarité".
Le ciel s'éclaircissait en revanche à Athènes où Georges Papandréou a officiellement démissionné et où un gouvernement de coalition, réunissant socialistes et conservateurs, est en cours de formation.
Mais le nom du futur Premier ministre grec, attendu dans la soirée, ne sera pas connu avant jeudi au plus tôt, selon un communiqué officiel.
Après trois jours de négociations, l'incertitude demeurait sur son identité, si ce n'est qu'il ne s'agira pas de Georges Papandréou, définitivement hors course.
Un temps, cette fonction peu convoitée par les temps qui courent, a semblé devoir revenir à l'ancien vice-gouverneur de la Banque centrale européenne, Lucas Papademos. Il était le favori des milieux d'affaires, banquiers et partenaires internationaux.
Mais d'autres noms ont émergé. Ce serait finalement le président socialiste du Parlement, Philippos Petsalnikos, qui tiendrait la corde. Cet avocat de formation de 60 ans, respecté des milieux politiques, mais sans stature à l'étranger, est un compagnon de route de Georges Papandréou depuis 25 ans.