Les négociations du Partenariat transpacifique, qui pourrait notamment mettre fin au système de gestion de l'offre dans le milieu agricole canadien, représentent un enjeu important des élections fédérales. Elles sont aussi l'occasion de se pencher sur un marché peu connu des entrepreneurs québécois : celui de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est, composé d'une dizaine de pays.
Au moment où les négociations sur le Partenariat transpacifique (PTP) se poursuivent, 4 des 10 pays membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) pourraient profiter de leur entrée dans le PTP pour propulser leur commerce. À terme, le PTP pourrait être le plus vaste accord de libre-échange jamais signé du monde. «C'est du jamais vu», dit David Pavot, chargé de cours à la Faculté de droit et à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke.
«L'environnement juridique y est complètement différent, nous ne sommes pas en présence d'un système juridique occidental. De prime abord, cela peut sembler déroutant. C'est pour ça que les négociations autour du PTP sont un enjeu potentiellement extrêmement intéressant pour les entrepreneurs occidentaux.»
«Il y a toujours des défis supplémentaires à l'international, indique Zhan Su, titulaire de la Chaire Stephen A. Jarislowsky en gestion des affaires internationales de l'Université Laval. [Pour l'ASEAN], les règles sont différentes, et les différences culturelles, importantes.»
«Alors que les membres de l'ASEAN sont très sollicités, que toutes les grandes puissances s'y intéressent, nous avons besoin de nouveaux marchés, croit le professeur Su. Je suis partisan du développement de nos relations d'affaires avec le Sud-Est asiatique. Mais pour protéger nos entreprises, il faut redéfinir les règles du commerce international.»
«Les grandes entreprises québécoises comme CGI ou Bombardier peuvent déjà aller dans la zone ASEAN, précise M. Su. Mais si on veut que nos PME y aillent aussi, il faut des règles. Et si le Partenariat transpacifique se fonde sur les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ça devrait être intéressant, car ce sont des règles occidentales.»
L'amplitude des occasions d'affaires dans les pays de l'ASEAN découle de l'hétérogénéité de ses membres. C'est pourtant là que se trouve la principale faille de la région, puisque les règles, les lois et la culture varient beaucoup d'un pays à l'autre. Les différences infrarégionales exposent les entrepreneurs et les investisseurs étrangers à un manque de cohérence.
Or, le PTP offrirait un cadre de réglementation homogène à ses signataires. À l'heure actuelle, il s'agit du Canada, des États-Unis, du Mexique, du Japon, de la Nouvelle- Zélande, du Viêt Nam, de la Malaisie, de Singapour, du Brunei Darussalam, du Chili, du Pérou et de l'Australie.
«Cette énorme entente, poursuit David Pavot, est un accord commercial dérogatoire de type "OMC +", qui pourrait diminuer ou éliminer les tarifs douaniers. En plus, le PTP pourrait protéger les investisseurs étrangers, notamment par la création d'un mécanisme de gestion des différends par un tiers impartial.
Bien sûr, souligne M. Pavot, on ne sait toujours pas ce que l'Accord transpacifique va contenir. Il faut suivre cela de très près, et ne pas hésiter à faire du lobbying pour que nos préoccupations soient entendues.»
Un contenu secret
En effet, le contenu du PTP reste secret à l'heure actuelle, et même la date de son entrée en vigueur est inconnue.
Joint par téléphone alors qu'il se trouvait au Myanmar, le ministre fédéral du Commerce international, Ed Fast, a répondu d'entrée de jeu à cette incertitude soulevée par Les Affaires.
«Ce serait une erreur de se pencher sur la question d'un échéancier. Nous allons seulement signer un accord qui respecte nos normes, et elles sont élevées. Les négociations sont complexes, et nous voulons que chaque région du Canada bénéficie du PTP, a expliqué le ministre Fast. Avant d'annoncer quoi que ce soit, je veux m'assurer de la qualité de l'entente, qu'elle soit bien conçue.»
Pas de certitude non plus quant à ce qu'il adviendra des tarifs douaniers entre pays membres du Partenariat. «Ça dépend, dit le ministre. Les tarifs ne seront peut-être pas complètement éliminés.
L'important, c'est de créer de nouvelles occasions. Je pense à CAE ou à Bombardier au Québec, par exemple. Le PTP n'est pas un objectif à court terme. À long terme, nous [les Canadiens] avons besoin de plus de marchés et de mécanismes de protection de nos investissements.»
Une chose est sûre, conclut le ministre, «nous ne faisons pas assez la promotion de nos produits et services. Pourtant la marque "Canada" est très respectée dans le monde».