ANALYSE - Aucun politicien n'en parlera vraiment durant la campagne électorale, car cet enjeu n'intéresse personne ou presque, pas même les journalistes politiques. Pourtant, il est crucial pour stimuler la croissance économique et la création d'emplois. Bienvenue au royaume du commerce international, ce grand négligé des élections québécoises.
Crédits d'impôt, programmes d'infrastructures, fonds de relance... L'économie occupera une place importante durant la campagne. Toutefois, même si les partis proposent différentes mesures nationales pour créer des emplois, la prospérité du Québec passe avant tout par sa capacité à exporter ses biens et ses services aux quatre coins du monde.
Car, avec 8 millions d'habitants, le marché québécois est tout simplement trop petit pour nos entreprises. C'est pourquoi le Québec a besoin d'exporter pour faire croître son économie et créer des emplois, comme du reste doivent le faire toutes les petites nations commerçantes, comme les Pays-Bas ou la Belgique.
Le Québec est déjà une économie ouverte sur le monde. En 2012, nous exportions 45,7% de notre PIB, incluant nos expéditions dans les autres provinces canadiennes, selon le gouvernement du Québec. Ce qui est beaucoup plus élevé que les États-Unis, où seulement 13,9% du PIB est exporté, montre les données du Fonds monétaire international.
Et cela se comprend facilement: à elle seule, l'économie américaine constitue un vaste marché de 316 millions d'habitants, où des dizaines de milliers d'entreprises peuvent accroître leurs ventes sans jamais ne vendre aucun bien, marchandise ou service à l'étranger.
Nos entreprises ne peuvent s'offirir le luxe de l'autarcie
La plupart des entreprises québécoises ne peuvent malheureusement pas s'offrir le luxe de rester exclusivement sur le marché québécois. Et même si le Québec exporte déjà près 50% de son PIB, il pourrait faire mieux, si on le compare à d'autres États ayant sensiblement la même population.
Prenons les Pays-Bas (16,8 millions d'habitants), la Belgique (10,4 millions) et l'Autriche (8,2 millions). Eh bien, ces pays exportent respectivement 87%, 84,4% et 57,3% de leur PIB, selon le FMI.
Et la tâche ne sera pas facile pour le Québec. Car, même si les exportations de marchandises du Québec sont à la hausse depuis cinq ans (à 65,7 milliards de dollars en 2013), elles sont toutefois encore inférieures à leur niveau de 2008 lorsqu'elles s'établissaient à 70,7 G$.
Cet écart de cinq milliards de dollars n'est pas banal: c'est deux fois la valeur des exportations du Québec en Chine, notre deuxième marché d'exportation après les États-Unis.
Pour relancer son économie, le Québec devra donc plus que jamais se tourner vers les marchés internationaux.
L'accord de libre-échange signé en octobre entre le Canada et l'Union européenne - qui n'est pas encore en vigueur - aidera nos entreprises. Tout comme celui qui devrait être conclu bientôt avec la Corée du Sud.
Ce que peut faire le gouvernement du Québec
Cela dit, le gouvernement du Québec peut faire des choses pour ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises québécoises, sans l'aide de nouveaux accords de libre-échange - qui sont négociés par le gouvernement canadien.
Et les sources d'inspiration ne manquent pas. Par exemple, les gouvernements des Pays-Bas et de la Nouvelle-Zélande sont très actifs en Chine pour ouvrir des marchés à leurs entreprises, tout en attirant des investisseurs chinois dans leur pays.
Aux Pays-Bas, le premier ministre et des gens d'affaires vont même plusieurs fois par année en Chine pour tenter de convaincre des entreprises chinoises d'implanter leur siège social européen à Amsterdam.
Le Québec joue déjà en partie la carte de la «diplomatie économique», mais il pourrait le faire sur une base plus régulière, comme le font la plupart des pays européens et les États-Unis, disent les analystes.
Du côté des entreprises québécoises, elles doivent devenir plus innovantes, productives et efficaces, notamment pour commercialiser leurs produits à l'étranger. La maîtrise de leur chaîne logistique est aussi un élément incontournable pour percer les marchés étrangers.
On le voit bien, ce sont des enjeux stratégiques pour l'économie québécoise. Mais des enjeux dont on ne vous parlera pas ou presque durant cette campagne électorale.